Afin de tenter d'éclairer sa propre lanterne et celle de ses lecteurs, Liberté s'est adressé à Saidal pour en savoir plus sur la distribution du médicament en perpétuelle difficulté. Liberté : Quel est le nombre des produits fabriqués ou conditionnés par Saidal, et comment ces produits sont-ils reçus par le marché, au niveau des grossistes, des officines et des clients ? Se vendent-ils bien ou mal ? M. Yahia Saâd Eddine Naïli : À Saidal, nos produits sont fabriqués à partir de principes actifs et d'excipients. Nous ne nous contentons pas de conditionner, en les mettant sous emballage, des médicaments déjà fabriqués ailleurs. Saidal a enregistré une gamme de 321 produits auprès du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, et elle en commercialise environ 270. Ces produits ne se comportent pas de la même manière sur le marché. Les produits Saidal jouissent, de façon générale, d'une excellente notoriété, au double point de vue efficacité et sécurité, aussi bien chez les médecins prescripteurs que chez les malades, ce qui induit un effet d'appel chez les pharmacies et sur les grossistes distributeurs de nos produits. Il y a les produits numéro 1 dans leurs classes respectives, qui possèdent une grande notoriété et qui sont très demandés par nos clients grossistes distributeurs. Vient ensuite une deuxième catégorie de produits, plus importante, moyennement concurrencés, pour lesquels nous détenons entre 30 et 60% de parts de marché, qui nécessitent d'être rappelés de façon permanente à nos prescripteurs. Enfin, nous disposons d'une troisième catégorie de produits fortement concurrencés, le plus souvent par des pratiques non éthiques et illégales. Disposez-vous de vos propres moyens de distribution, et dans l'affirmative, existe-t-il un avantage significatif entre le fait de distribuer soi-même ses propres produits et les confier à un distributeur attitré (un sous-traitant) ? Nos produits sont destinés aux deux secteurs que sont le marché “ville” et le marché “hospitalier”. Comme l'autorise la réglementation, nous pouvons vendre directement aux hôpitaux et aux institutions étatiques. Il existe officiellement 500 grossistes distributeurs de médicaments en Algérie. Mais seulement 150 sont importants et réellement opérationnels, et contribuent efficacement à la répartition du médicament. En ce qui concerne l'approvisionnement du marché “ville”, nous devons passer, jusqu'à présent, par des grossistes répartiteurs qui se chargent de vendre nos produits aux officines. À ce titre, nous disposons de trois points de vente destinés à nos clients grossistes, au Centre, à l'Est et à l'Ouest. Selon les nouvelles dispositions prises par les pouvoirs publics, les producteurs locaux seront obligés de distribuer directement leurs médicaments aux officines, ce que nous avions déjà envisagé de faire, pour shunter certains grossistes qui jouent le jeu des laboratoires peu scrupuleux de l'éthique et qui font du commerce du médicament un commerce de produits quelconques. Cependant, la distribution directe reste un métier à part entière qui nécessitera une organisation méticuleuse et un travail professionnel, pour continuer à satisfaire nos clients et pour l'intérêt de Saidal. Quel est votre taux moyen de couverture des commandes (comment les honorez-vous en général) ? En règle générale, et en dehors de l'année 2009 où le marché a été perturbé en raison des nouvelles organisations réglementaires, nous possédons un taux de couverture des commandes qui se situe entre 70 et 80%. Cependant, nous avons pris des engagements de couverture du marché pour certains produits en rapport avec les suspensions d'importations. Des engagements que nous avons tenus et que nous continuerons à honorer. Certains pharmaciens d'officine se sont plaints de pénuries touchant des produits pourtant stockés chez Saidal, notamment des psychotropes (Temesta, entre autres) ou des produits vitaux (insuline, alors que ces mêmes pharmaciens parlent de la commercialisation d'insuline en provenance du Maroc), de certaines vitamines destinées aux nourrissons, et même de la pâte dentaire (Natri Bifluor). Pourriez-vous fournir une explication plausible à ce dysfonctionnement ? Les produits que vous citez n'ont pas la même importance et ne répondent pas tous aux mêmes urgences sur le marché. Pour le Natri Bifluor, par exemple, nous en fabriquons des millions d'unités par an. C'est un produit très apprécié et nous envisageons d'en augmenter la production pour satisfaire le marché. Quant aux autres produits, dont l'insuline et Nevrosta de Saidal, ils font l'objet de spéculation de la part de certains opérateurs, dans le but d'écouler à tout prix des médicaments concurrents dont les marges sont gonflées grâce à divers avantages, loin de la légalité et de toute éthique. Ainsi, certains produits Saidal sont utilisés comme produits d'appel par les distributeurs, qui les mettent volontairement sous tension, tout en écoulant le produit des concurrents. Certains produits sont offerts à 120% : on vous offre 120 unités gratuites, pour 100 payées. La loi l'interdit naturellement puisque cela relève du dumping ou de la concurrence déloyale ; mais dans les faits, cette pratique persiste. À votre avis, à quoi sont dues les rumeurs cycliques concernant les décisions prises en haut lieu, visant à contraindre les producteurs de médicaments à distribuer leurs produits ? Il s'agit d'une décision prise par les autorités pour professionnaliser la distribution du médicament et afin que les producteurs ne soient plus à la merci des grossistes, dont peut dépendre l'absence ou la présence d'un produit sur le marché. Cependant, comme nous l'avons dit plus haut, la distribution est un métier à part entière, auquel il faut se consacrer pleinement pour réussir. Saidal, dans le cadre de son plan de développement, a déjà choisi cette option, afin de ne pas demeurer vulnérable face à des intermédiaires. On affirme, chez les pharmaciens d'officine, que Saidal loue ses installations à des labos privés, au détriment de ses propres intérêts. Que pouvez-vous répondre à cela ? Il ne s'agit là que d'une pratique banale de partenariat : Saidal réalise, pour des producteurs tiers, le façonnage de leurs médicaments. Nous y recourons de moins en moins. Quelle est, en 2010, la part de marché de Saidal dans les segments qu'elle a choisis, principalement le générique, et quelles sont les contraintes rencontrées pour se maintenir, sinon conquérir des parts de marché plus grandes, face aux intérêts de la concurrence, dans un secteur en pleine expansion, à en croire les chiffres ? En effet, le secteur croît d'environ 6% annuellement. Actuellement, nous détenons un peu moins de 20% du marché en volume et 6% en valeur. Ce faible taux en valeur est expliqué par les faibles prix pratiqués par Saidal. Mais nous envisageons de réaliser, à l'horizon 2015, des taux de 20% en valeur et 40% en volume.