Cette affaire dure depuis 2002, chauffe depuis 2009, soit deux années après l'arrivée au pouvoir de Sarkozy, et explose une année avant la présidentielle de 2012. “On ne peut plus parler d'une fable, mais d'un scandale d'Etat.” Le commentaire vaut son pesant d'or s'agissant de l'affaire des sous-marins vendus par la France au Pakistan avec dessous-de-table ! C'est l'aveu de Charles Millon, ancien ministre français de la Défense, qui va jusqu'à confirmer l'existence de ces rétro-commissions dans les transactions, des pots-de-vin reversés par l'armée pakistanaise à des officiels français pour faciliter la vente de sous-marins. L'argent de la corruption s'est tari en 1995, à l'initiative de Jacques Chirac, alors président de la République française. Ce qui aurait conduit à l'attentat de Karachi en 2002 qui avait visé des ingénieurs français, car la partie française arrosée ne pouvait plus à son tour arroser ses partenaires pakistanais. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy leur doit la vérité, estiment les familles des victimes de l'attentat de Karachi. Elles lui réclament des comptes et son audition en tant que témoin. Elles ne lâcheront pas. Retour sur l'affaire. Au cœur de ce dossier de corruption se trouve Edouard Balladur. Le bakchich destiné à la partie française aurait servi à financer la campagne électorale du Premier ministre, lequel, en 1995, s'était présenté contre Jacques Chirac pour la succession de François Mitterrand. Nicolas Sarkozy était à l'époque ministre des Finances de Balladur. Le dossier a éclaté l'an dernier, lorsqu'il fut avéré que l'attentat de Karachi, qui a tué, le 8 mai 2002, 15 personnes, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN), travaillant à la construction de sous-marins. Malgré les tentatives de l'Elysée de le remiser au placard, l'investigation a suivi son petit chemin, mais le président de l'Assemblée, Accoyer, et Debré, patron du Conseil constitutionnel, ont refusé de transmettre certains éléments au juge. Une mission d'information parlementaire s'était, en effet, saisie du brûlot et avait auditionné plusieurs acteurs du marché. Elle a établi que le versement de 84 millions d'euros, soit 10,25% du contrat des sous-marins, avait été convenu lors de la signature de l'accord de vente des sous-marins par le gouvernement Balladur en 1994. La piste d'une affaire de corruption, susceptible d'impliquer Nicolas Sarkozy, a été confirmée par des auditions de justice, notamment celle de l'ancien ministre de la Défense Charles Millon qui a déclaré, sur procès-verbal, que Jacques Chirac avait ordonné après son élection en 1995 l'arrêt du paiement de commissions au Pakistan en marge de la vente de ces sous-marins. L'ex-ministre de la Défense a déclaré au juge que cette décision avait été prise en raison de l'existence de rétro-commissions, de retours frauduleux d'une partie de l'argent en France. Il reste, selon l'armée pakistanaise, à la France d'apporter les preuves que ce sont des éléments à elle qui auraient commandité l'attentat en représailles du non-versement d'un reliquat de commissions. Charles Millon a expliqué au juge Van Ruymbeke que les services secrets français (DGSE) avaient été chargés d'une enquête sur les rétro-commissions et rendaient compte directement et oralement à Jacques Chirac et à son secrétaire général Dominique de Villepin. L'opposition socialiste a réagi en demandant l'audition de ces deux hommes. Le président du Modem François Bayrou a demandé de son côté la levée du secret-défense. Par ailleurs, un autre témoin auditionné par le juge en charge de l'enquête, Renaud Van Ruymbeke, a confirmé que les commissions passaient par le Luxembourg, où deux sociétés, Heine et Eurolux, avaient été créées à cet effet, et que, selon un rapport de la police luxembourgeoise, Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget (1993-1995) et porte-parole de la campagne Balladur, avait organisé ce transit au Luxembourg. Le président français conteste toute implication dans cette affaire de corruption et a parlé publiquement de fable concernant le lien supposé entre l'argent et l'attentat. L'avocat de familles de victimes lui a rétorqué en parlant de mensonges d'Etat répétant qu'à ses yeux, Nicolas Sarkozy était “au cœur d'un système de corruption”. Les familles des victimes accusent l'équipe Balladur, dont Nicolas Sarkozy, d'être responsable de la mort de leurs proches, en ayant organisé un système de corruption secret.