La presse algérienne dont la “liberté de ton” au lendemain de l'explosion démocratique d'octobre 88 confinait chez nombre de pays, particulièrement arabes, à l'admiration, mais dont la flamboyance s'est éteinte au fil des ans, sera sous la loupe d'un rapporteur onusien attendu au courant de ce mois. Alger, réfractaire jusque-là, qui a décidé d'accorder des visas à des rapporteurs spéciaux, notamment de l'ONU, chercherait visiblement à répondre aux ONG dont certaines ne sont pas en odeur de sainteté qui l'ont épinglé sur plusieurs dossiers, notamment celui des droits de l'Homme. “Il y aura un rapporteur pour le volet de la presse qui viendra au courant de ce mois”, a indiqué jeudi à Alger, le président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, invité du forum du quotidien gouvernemental El Moudjahid. “L'admission des rapporteurs spéciaux de l'ONU, qui a été décidée au mois de mai dernier, est la réponse adéquate à ceux qui essayent de faire croire que l'Algérie est un état mafieux”, soutient-il. Il y a quelques jours, ce fut autour d'une rapporteuse venue enquêter sur la violence faite aux femmes algériennes. “Nous avions expliqué à cette rapporteuse que nous avons pris des décisions pour solutionner ce problème et je pense qu'elle est repartie avec beaucoup de convictions”, dit-il. Mais en dépit “des insuffisances”, Me Farouk Ksentini trouve que la presse algérienne “gagne du terrain”. Indice de cette évolution, le nombre de titres qu'on peut retrouver sur les étals. L'avocat s'est même laissé aller à quelques leçons pédagogiques, mais sans pour autant toucher du doigt les véritables problèmes auxquels sont confrontés les médias. “Il faut s'interdire la diffamation, l'injure (…) Nous avions enregistré des dépassements inadmissibles lors de l'avant-dernière campagne pour la présidentielle”, rappelle-t-il. Réclamée par les professionnels et l'opposition, enjeu de l'heure, l'ouverture des médias lourds est encouragée par le président de la CNCPPDH, mais à la condition qu'elle soit encadrée par un cahier des charges très strict. “C'est une démarche inévitable à condition de l'encadrer avec un cahier des charges strict.” “Nous insistons toujours sur l'ouverture des médias”, ajoute-t-il. Me Ksentini, dont la sortie intervient à la veille de la remise au président de la République du rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme, considère, comme de coutume, que “les droits de l'Homme en Algérie évoluent”. “La situation en Algérie s'améliore au fur et à mesure (...) et il y a des efforts et une volonté politique de faire avancer les choses à cet égard”, a-t-il dit. En guise d'arguments, il évoque la relaxe des cadres de la Cnan comme gage de l'évolution des droits de l'Homme même au sein de la justice. “C'est une preuve tangible, concrète et formelle que les magistrats algériens agissent en toute liberté”. Selon lui, les “insuffisances” enregistrées concernent plutôt les droits sociaux, notamment le logement et le travail. Interrogé sur l'affaire des non-jeûneurs, Me Ksentini a estimé qu'il “ne faut pas faire les choses dans le flou”. “Tant qu'il n'y a pas de loi, on n'a pas à les poursuivre. Je me rappelle que dans les années 70, les restaurants étaient ouverts. On n'a pas à salir l'image de l'Algérie à l'extérieur”. Sur le maintien de l'état d'urgence, mesure également décriée par l'opposition et certaines instances internationales comme le Parlement européen, il a indiqué que “son influence sur les libertés est quasiment nulle”. “C'est une disposition sécuritaire. Ça se justifie, mais il doit être levé un jour”. Enfin, le président du CNCPPDH s'est montré hostile à l'ouverture des frontières avec le Maroc dont la drogue est assimilée à “une arme de destruction massive contre le peuple algérien”. Pour le traitement du phénomène, il a préconisé des décisions politiques comme celles qui ont permis de vaincre le terrorisme.