La loi de finances 2011 est celle qui énonce le moins de surprises par rapport aux années précédentes. Nous avons là une continuité remarquable. Nous sommes l'un des rares pays au monde où la loi de finances est scrutée, analysée et disséquée dans ses moindres détails par les analystes. Ceci s'explique par le peu de clarifications stratégiques et les priorités du pays à long terme. Nous avons de grands problèmes d'efficacité économique, de qualité de ressources humaines, que tout le monde oublie, pour se polariser sur le court terme. Il y a très peu de nouveautés susceptibles de fonder une formidable différence de performance entre nos entreprises et celles des autres pays. L'Etat désire stabiliser les variables macroéconomiques susceptibles de perturber le fonctionnement des agents économiques. On prévoit de ramener l'inflation de 5,7% à 3,5%. Le PIB est prévu de s'accroître de 4% globalement et de 6% hors hydrocarbures, alors que les données pour 2009 indiquent que ce dernier s'est amélioré de 9,3%. Pourquoi prévoir moins de croissance alors qu'on dépense plus ? Nous avons là une énigme. L'Etat va consacrer une bonne partie des 650 millions d'euros à l'industrie. Le processus de mise à niveau des 20 000 PME/PMI coûtera plus de 2 milliards de dollars à l'Etat, mais ce programme est pluriannuel. Le gros des efforts consentis au profit des entreprises publiques dans les assainissements financiers dans un programme sera étalé sur une longue période. Rien que le secteur du textile, cuir et activités connexes bénéficiera de 50 milliards de dinars. Les entreprises publiques stratégiques seront dotées d'un financement de plus de 30 milliards de dollars en crédits bonifiés. Mais ce programme est également pluriannuel.Les aspects macroéconomiques à débattre sont nombreux, notamment la base de calcul des 37 dollars des recettes de la loi de finances. Puis, on calcule le niveau du fonds de régulation sur 60 $. Une grande partie de ce déficit sera financée par ce fonds. Le citoyen n'arrive pas à suivre cette gymnastique d'arithmétique. Mais, dès lors, une observation s'impose. Sur la base des 37 $, les recettes budgétaires totales du pays sont de 2 992 milliards de DA (40,5 milliards $). Les dépenses globales sont de 6 605 milliards de dinars. Le budget de fonctionnement à lui seul avoisine les 3 434 milliards de DA (46,5 milliards de $). Transferts sociaux : de quoi éradiquer la pauvreté en Algérie Si les prix pétroliers chutaient au niveau des 37 dollars, nous n'aurions même pas de ressources pour financer le budget de fonctionnement qui est composé à plus de 80% des salaires des fonctionnaires. Cette année, ce budget connaît une augmentation de 600 milliards de DA (17%). Les chiffres budgétaires montrent, si besoin était, une fois de plus, l'extrême vulnérabilité de l'économie et sa totale dépendance des ressources des hydrocarbures. Les transferts sociaux représentent une somme faramineuse dans le budget : 1 200 milliards de DA. Ce qui représente 12% du PIB. Une telle somme devrait pratiquement éradiquer la pauvreté en Algérie. Avec cette somme, 10 000 000 de familles peuvent disposer d'un aide de 120 000 DA par an (moyennant activité). Il faudrait vraiment un audit approfondi de l'efficacité de l'utilisation de ces ressources, car dans beaucoup de pays, ces transferts financent une lourde bureaucratie au lieu d'aller vers les nécessiteux.Nous pouvons tirer plusieurs conclusions en analysant les grandes masses budgétaires. L'Etat fait des efforts énormes pour soutenir un rythme élevé de croissance économique. Mais il le fait sur des ressources épuisables, ce qui risque de pénaliser les générations futures. La vulnérabilité de l'économie s'amplifie. L'efficacité économique tarde à se concrétiser, et rien n'indique qu'elle se réalisera. Il faut beaucoup de remises en cause pour redresser la situation. Une loi de finances n'est qu'un instrument de réalisation des politiques économiques. En termes de priorité, on veut tout faire, mais la préférence va au développement des infrastructures ; ce qui ne devrait pas être le cas pour un pays où les ressources humaines sont moins qualifiées que celles du reste du monde. Entre nous et une crise économique grave, se dressent les ressources tirées des hydrocarbures.