Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le Forum de chefs d'entreprise (FCE), qui a tenu une réunion d'information suivie d'un débat sur les questions de l'heure, jeudi dernier, à l'hôtel Sabri d'Annaba, a donné l'occasion aux 120 participants de la région Est de soulever les problèmes rencontrés suite à l'application de la loi de finances complémentaire 2009 et de demander à leur organisation d'intervenir auprès du gouvernement dans la perspective d'un assouplissement des contraintes auxquelles ils sont confrontés. M. Reda Hamiani, président du FCE, est revenu, lors d'une intervention qui aura duré près d'une heure, sur le contenu de la loi de finances complémentaire pour la disséquer, relever ses points forts, les circonstances et la conjoncture économique qui ont concouru à sa promulgation ainsi que les imperfections et les mesures très contraignantes pour les PME locales quant à son application. Il dira en l'occurrence que cette loi est venue mettre fin à une situation qui menaçait sérieusement les équilibres macroéconomiques et qu'elle s'était imposée d'elle-même du fait d'une conjoncture économique sous-tendue par la crise financière mondiale. «Il faut dire que les importations ont atteint un seuil dangereux au-delà duquel le pays serait confronté à des problèmes difficiles à régler», explique-t-il. A titre d'exemple, il citera «les transferts en devises des sociétés étrangères implantées en Algérie et intervenant dans les secteurs des hydrocarbures, des biens et des services qui sont de l'ordre de 58 milliards de dollars alors qu'entre- temps les recettes du pays sont passées de 80 milliards de dollars en 2007 à 40 milliards de dollars en 2008 et donc on se serait trouvé dans l'impossibilité de couvrir les besoins d'importation et de payer lesdits transferts. Mais cette loi s'est avérée inefficace, inappropriée et inopportune pour les PME locales qui sont obligées de s'y conformer. En effet, en dehors de l'obligation au chef d'entreprise de suivre personnellement le dossier d'importation (contrainte levée suite à notre demande) la mise en place d'un instrument de paiement unique, à savoir la lettre de crédit, pénalise fortement l'entreprise locale, la bloque et menace son existence même». Poussant plus loin ses explications, le président du FCE rapportera que la lettre de crédit sécurise le fournisseur et est à son avantage exclusif puisque celui-ci bénéficiera de la garantie du bon déroulement de la transaction par une banque étrangère qui touchera de 1 à 3% du montant global de l'opération. Cela engendre des coûts supplémentaires pour l'entreprise importatrice en plus du fait que l'argent doit être déposé au préalable auprès d'une banque locale pendant toute la durée de l'opération qui peut aller jusqu'à 3 mois. Ce montant, immobilisé pendant des mois, ne peut être à l'avantage de l'entreprise, bien au contraire, elle se trouve pénalisée et ne peut faire face à des urgences. Selon M. Hamiani, la lettre de crédit est irrévocable même si l'acheteur change d'avis et ceci ne peut être à l'avantage de l'entreprise si cette dernière doit faire face à un imprévu. «Les banques, précise-t-il, se sont retrouvées du jour au lendemain submergées par un nombre impressionnant de demandes de lettres de crédit qui atteignent parfois 250 par jour. Elles n'y sont pas préparées, n'ont pas assez de personnels qualifiés et donc les opérations sont retardées ou reportées. Le rythme des affaires s'en trouve freiné et le nombre de transactions passe de 10 par an à 2 ou 3 au maximum.» Le président du FCE insistera sur la nécessité d'autoriser des transferts directs de sommes modestes destinées à l'acquisition de composants ou de pièces constituant des facteurs de production indispensables au bon fonctionnement de l'entreprise. Hamiani qualifie les IDE d'investissements de rente Parlant des investissements étrangers en Algérie, il apprendra à l'assistance que ceux-ci se sont limités à ce qu'il appelle «des investissements de rente» et sans impact positif réel sur l'économie nationale. «Ce sont des investissements dans les secteurs des hydrocarbures, des banques, de l'immobilier, des biens et services. Il n'y a pas de manufactures, de production, pas de création d'emplois, pas de transfert de technologie et encore moins d'effet structurant comme cela a été le cas dans d'autres pays». «Nous nous contenterons, dit-il, de citer le cas de partenariat Danone-Djurdjura, premier producteur de yaourts, en Algérie. Le premier, après négociations, a pu obtenir 51% de l'affaire pour ensuite inciter, peu à peu, le groupe algérien à la sortie en l'obligeant, d'une manière ou d'une autre, à vendre ses actions (augmentation du capital, bénéfices réinvestis, pas de dividendes pendant des années, politique agressive de marketing, etc. Cela se vérifie aussi dans l'affaire de l'ENAD que le groupe Henkel a racheté à hauteur de 66% pour ensuite reprendre à son compte toutes les actions.» Poursuivant ses explications, il dira que, désormais, selon la LFC 2009, il ne pourra plus détenir la majorité des actions et qu'il est obligé d'avoir un partenaire algérien qui en détiendrait 51%. «C'est quelque chose de bien, mais en l'état actuel des choses, nous sommes confrontés à un autre problème, précise-t-il, il n'y a pas d'entreprise algérienne capable de s'associer ou d'entrer en partenariat avec une autre entreprise étrangère parce qu'elle n'a pas les moyens financiers pour le faire ; je reçois beaucoup de postulants et d'investisseurs issus de différents pays qui sont prêts à investir des millions d'euros dans tel ou tel secteur mais je n'arrive pas à trouver des entreprises locales capables de suivre.» Nécessité de changer l'environnement de l'entreprise Revenant sur la situation de la PME en Algérie, il dira que celle-ci évolue dans un environnement hostile et qu'elle est confrontée à une concurrence déloyale en plus du fait qu'elle est dans l'incapacité d'innover pour conquérir des parts de marché. «Il faudra tirer ces entreprises vers le haut, lance-t-il ; leur mise à niveau est nécessaire sinon elles seront appelées à disparaître.» Versant dans ce sens, M. Mansouri Lakhdar, universitaire, membre fondateur du FCE et vice-président de cette organisation, dira qu'il est aujourd'hui vital de changer radicalement l'environnement de la PME pour lui permettre une pérennité et une évolution positive qui donnera lieu à un véritable décollage économique de toute la région de l'Est algérien. Le vice-président insistera sur la formation, la mise à niveau des programmes dans les instituts et les centres de façon que l'on puisse bénéficier de compétences à même d'innover et créer. «Ceci donnera à la PME plus d'atouts et l'aidera à conquérir d'importantes parts de marché. Autre point qu'il faudra revoir et corriger : il s'agit des banques qui refusent de prendre des risques et exigent des garanties pour financer tel ou tel projet. Ces organismes financiers bloquent le développement et sont confinés dans des réflexes et des comportements dépassés qui ne répondent plus aux besoins actuels. Il faut libérer l'activité bancaire de sorte que l'établissement financier contribue au développement économique. C'est à ces conditions et à ces conditions seulement que l'on peut prétendre à une amélioration de la situation qui conduira plus tard à l'essor et à l'épanouissement de la PME.» La zone arabe de libre-échange (ZALE) a, elle aussi, été au menu de cette journée qui aura été très instructive pour les uns et les autres. Ainsi, il a été rapporté que la décision d'adhérer à la ZALE a été prise dans la dernière semaine du mois de décembre 2008 et applicable à partir de janvier 2009, contrairement à l'accord avec les Européens, qui a été progressif et a donné lieu à une préparation depuis 2005. Pour la ZALE, cela n'a pas été le cas et il n'y a même pas eu d'harmonisation des fiscalités et des niveaux de salaire. Selon les participants, ce sont les chambres de commerce des 22 pays arabes qui attestent le taux d'intégration du produit exporté vers l'Algérie, ce qui n'est pas le cas chez nous, où la direction des douanes vérifie le produit destiné à l'exportation. Avec les zones franches d'Alexandrie et de Dubai, il n'est pas à écarter que des produits importés soient revendus à l'Algérie en l'état avec la mention «made in» dans l'un des pays arabes. Les débats qui ont suivi ont tous porté sur la nécessité de trouver une solution aux contraintes contenues dans la loi de finances complémentaire et pénalisant les PME algériennes qui se trouvent ainsi bloquées et empêchées de se développer. A la fin de la journée M. Hamiani insistera sur le fait que le Forum des chefs d'entreprise n'est pas dans l'opposition, il est là pour aider à mieux faire et pour défendre l'économie nationale. A une question sur la solution préconisée par le FCE pour faire face au problème se rapportant à l'obligation du partenaire algérien de disposer de 51% de tout investissement étranger, M. Reda Hamiani dira que la majorité des PME algériennes sont familiales et ne veulent pas s'associer avec les autres. «Il faudrait que les Algériens soient miscibles et acceptent d'être ensemble, qu'ils s'habituent à travailler avec d'autres même s'ils sont minoritaires. Il faudrait aussi que la propriété soit séparée de la gestion qui doit être confiée à des ingénieurs commerciaux, à des techniciens, à des professionnels et, au FCE, nous essayons d'aller dans cette direction. Il est aussi indispensable que les banques s'impliquent et prennent des risques de façon à participer. Une autre solution est aussi possible, il s'agit de la création d'un fonds d'investissement gouvernement-privés de 100 millions de dollars qui pourrait servir à concrétiser sur le terrain un partenariat efficace avec les étrangers.»