O. M. a été incarcéré pendant trois ans, en violation de la réglementation en vigueur. La Haute cour britannique a condamné, en avril 2010, le Home Office pour avoir mis en détention indéterminée un Algérien souffrant de schizophrénie. Identifié sous les initiales O. M., ce père de deux enfants réside de manière légale au Royaume-Uni où il est arrivé en 1996. Une énième condamnation pour vol en 2006 l'a conduit d'abord en prison puis dans un centre de rétention pour étrangers. Le Home Office a décidé de le destituer de son droit de séjour sur le sol britannique et de l'expulser en Algérie. Il sera gardé en détention pendant une longue période sans que les services migratoires parviennent à le transférer dans son pays. Dans son verdict, la Haute cour a qualifié son incarcération d'injuste. Elle a accusé les services migratoires de l'avoir mis dans un centre de rétention en violation de la législation. En vertu de la loi, les individus souffrant de maladies mentales ne doivent pas séjourner en milieu carcéral. Le Home Office s'est rendu coupable d'une seconde infraction en prolongeant indéfiniment le séjour d'O. M. derrière les barreaux. “La période de détention doit être raisonnable. Si au-delà d'un certain délai, le détenu n'est pas expulsé, il doit être libéré”, a commenté le magistrat de la Haute cour. Pour se défendre, le Home Office a justifié l'incarcération prolongée du ressortissant algérien par le danger qu'il représente pour l'ordre public, compte tenu de son profil de multirécidiviste. Le cas de Karim (appelons-le ainsi), un autre compatriote, prouve que l'argument des représentants du ministère de l'Intérieur ne tient pas vraiment la route. Karim, la trentaine, a commis un seul vol qui l'a conduit à Tontonville, prison située au nord de Londres, puis au centre de rétention de Colnbrook où il a passé 28 mois. Etant en situation irrégulière en Grande-Bretagne, il s'est employé à empêcher son expulsion en mentant sur sa véritable identité. Malgré de fortes présomptions, les services de l'immigration n'ont pas pu établir de manière précise qu'il est Algérien. Ils ont sollicité le consulat d'Algérie. Mais il n'a pas été en mesure de les aider. La libération de Karim, à titre provisoire, est intervenue suite à l'intervention des autorités judiciaires. Par le biais de son avocat, le jeune Algérien a introduit une action en justice pour dénoncer sa longue détention. Dans un premier temps, le juge a donné un délai de trois mois à la police des frontières pour l'expulser. Passé cette période, elle devait impérativement le relâcher. C'est ainsi que Karim a quitté Colnbrook. Pour autant, il n'est pas totalement libre. Pour ne pas perdre sa trace, la police lui a ordonné de se présenter au commissariat de son quartier une fois par semaine. Il veut introduire une demande d'asile, mais il sait qu'en cas d'échec, il sera expédié dans le premier avion vers l'Algérie. Car, cette fois, les services de l'immigration sauront tout de son identité. D'autres Algériens, quatre précisément, ont essayé par tous les moyens de prouver leur citoyenneté afin de rentrer chez eux. En 2008, leur sort a défrayé la chronique. L'un d'eux cumule une période de détention de 6 ans et cinq mois. Ils ont été arrêtés pour des délits mineurs incluant le fait qu'ils travaillaient au noir. Etant en situation irrégulière, les autorités ont décidé de les expulser. Mais faute de pouvoir confirmer leur identité, la police des frontières a persisté à les garder derrière les barreaux. N'ayant pas de passeports en leur possession, les détenus ont produit à la place des données biométriques, mais les services consulaires algériens ont refusé d'en tenir compte, les qualifiant de preuves d'identité insuffisantes. Résultat, les candidats au retour ont été privés d'un laissez-passer nécessaire à leur transfert. “Nos clients se trouvent dans une situation kafkaïenne. Ils sont ballottés entre les services consulaires de leur pays qui ne veulent pas leur délivrer des documents de voyage et le Home Office qui entend les garder en prison jusqu'au jour de leur expulsion”, s'est élevé leur avocat. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur a tenté de justifier les détentions en décrivant les Algériens comme dangereux. Néanmoins, il a précisé qu'ils ont la possibilité de solliciter un juge en charge des affaires migratoires pour obtenir la liberté provisoire. Après avoir porté leur affaire devant la Haute cour, les quatre détenus ont été finalement libérés. Il est à noter que les détentions indéterminées ne constituent pas seulement une violation de la législation britannique qui évoque des délais raisonnables. Mais elles font également offense à la Convention européenne des droits de l'homme. L'article 5 de ce traité tolère les incarcérations en cas d'expulsions imminentes, uniquement.