Le refus d'un tribunal londonien de livrer le chef terroriste Abu Kutada à la Jordanie enflamme le débat politique au Royaume-Uni sur l'utilité des conventions d'extradition signées avec certains pays, dont l'Algérie. Comme dans l'affaire Khalifa, l'accord d'extradition conclu entre l'Algérie et le Royaume-Uni en 2006 n'autorise pas à lui seul la livraison à l'Algérie de ressortissants, rendus coupables de délits terroristes ou de droit commun. Les transferts doivent obtenir, en priorité, l'aval des magistrats. À ce jour, les individus (8 au total, impliqués dans des affaires de terrorisme) qui ont été remis aux autorités algériennes, sont retournés au pays, à leur demande. Leur extradition a eu lieu l'année dernière, après la parution d'une lettre ouverte dans le quotidien britannique The Guardian, où ils dénonçaient les conditions et la longueur (certains étaient en détention préventive) depuis leur incarcération. Depuis, plus aucune livraison n'a été effectuée. Beaucoup d'incertitudes entourent le devenir de 17 autres détenus pour des crimes terroristes, dont l'Algérie réclame le transfert. Dans une interview à Liberté, Mohamed-Salah Dembri a révélé que l'ensemble des candidats à l'extradition a introduit des recours auprès de la justice britannique. Les allégations de torture et de procès expéditifs sont leurs principaux atouts pour convaincre le juge de ne pas les renvoyer en Algérie. Dans le climat de phobie terroriste qui s'empare actuellement des Britanniques, le sort de ce groupe d'Algériens et de leurs homologues des autres pays musulmans, en détention dans les prisons britanniques, fait l'objet d'une controverse sérieuse. La décision en appel d'un tribunal londonien, mercredi dernier, de remettre le prédicateur de l'apocalypse, Abu Kutada, à la Jordanie, enflamme le débat politique. Les juges fondent leur verdict sur des présomptions, laissant penser que les autorités jordaniennes ont pu avoir eu recours à la torture de témoins à charge pour confondre le chef terroriste. Grâce à ce verdict, Abou Kutada n'à pas seulement le droit de demeurer sur le territoire britannique, mais pire encore, la justice devra lui accorder, après sa libération de prison, le droit de percevoir une aide sociale en sa qualité de père de famille. Le montant des allocations a été fixé à 1000 livres par mois. Décrit par la presse britannique comme le bras droit de Ben Laden et l'ambassadeur d'Al-Qaïda en Europe, Abu Kutada est surtout connu des Algériens, pour avoir encouragé et cautionné les massacres du GIA, en édictant de multiples fetwas. Il a été arrêté en 2002 — après plusieurs mois de cavale — et a été mis en détention à la prison de haute sécurité de Belmarch, où se trouve également l'Egyptien Abou Hamza. Le Home Office – ministère de l'Intérieur — a tenté pendant trois ans d'obtenir son transfert vers la Jordanie. En vain. Pourtant, une convention d'extradition existe entre les deux pays depuis 2005. Le respect des droits des personnes extradées en matière d'intégrité morale et physique figure dans l'un des articles de l'accord. Mais les juges n'en font pas grand cas. Aussitôt après le verdict, le département de Jackie Smith a introduit un nouvel appel. S'il est rejeté, Abu Kutada quittera définitivement sa cellule pour sa maison à l'ouest de Londres. “Encore une fois, les terroristes se moquent de nous. Ils sont autorisés à rester dans notre pays et à vivre à la charge des contribuables”, s'est indigné Patrick Mercer, parlementaire et ex-conseiller à la sécurité du Premier ministre Gordon Brown. David Davis, député conservateur, estime pour sa part que le verdict concernant Abu Kutada vide les conventions d'extradition de leur sens et discrédite l'engagement du gouvernement travailliste à se débarrasser des activistes islamistes après les attentats de juillet 2005 à Londres. S'appuyant sur la Convention européenne des droits de l'homme, des juges britanniques viennent également de permettre à 11 islamistes libyens de rester sur le sol britannique, compte tenu des craintes de torture les concernant après leur refoulement. Ils ont pris cette décision alors qu'un accord d'extradition existe aussi avec la Djamahiria. S. L.-K.