Hallucinantes ! C'est le moins qu'on puisse dire des deux sorties simultanées et foncièrement contradictoires, en l'espace de 48 heures, de celui qui se présente comme étant le président du Rassemblement pour la concorde nationale (RCN non agréé), Sid-Ahmed Ayachi en l'occurrence qui, dans un premier entretien à Djazaïr News, a placé son parti dans la proximité immédiate du frère du Président, Saïd Bouteflika, en prévision de la présidentielle de 2014 pour se rétracter le lendemain et dire qu'il a “tout inventé”. Pour se déjuger, puisque c'est le cas, M. Ayachi a accordé un second entretien au journal où il déclare tout à fait le contraire évoquant “un acte isolé et personnel”, mais surtout, a-t-il précisé, “toute sa déclaration au sujet de Saïd Bouteflika” est le fruit de son imagination. Alors que dans le premier entretien, il a précisé jusqu'au détail les objectifs du parti, comment il l'a arrimé à Saïd Bouteflika avec ses perspectives de continuité. Cela d'autant que le concerné, qui serait intronisé président d'honneur du RCN, selon Ayachi, a déjà eu des rencontres avec ce mouvement et que le contact est maintenu par le biais de correspondances à la Présidence. Idem pour les personnalités, les officiers supérieurs à la retraite ainsi que les zaouïas qui seraient tous derrière, non pas le parti, mais Saïd Bouteflika. Il y a mis pourtant, semble-t-il, toute sa conviction pour imprimer à ses propos une crédibilité certaine. Des propos qui ont eu l'effet d'une bombe dans les milieux politiques et médiatiques. Et ce fut la déroute le lendemain lorsqu'il avoua avoir inventé tout ce qu'il a dit. Au-delà du comique, M. Ayachi, qui prétend avoir structuré le RCN au niveau national, appelle par son mouvement à une nouvelle pratique politique qui tranche avec ce que connaît la scène nationale, vient ainsi d'étaler sa conception de la pratique politique qui peut se résumer à un jeu. Un jeu où tout est permis. Y compris les scénarios les plus absurdes, fruit de son imagination. Cela dénote par-delà la gravité de la situation qu'il vient de créer, de la déliquescence de la scène politique du pays avec des partis en proie à des mouvements de redressement, une alliance présidentielle qui gère sans partage l'Exécutif, un FLN en crise désormais inhérente à sa vie interne, une opposition recroquevillée sur elle-même, effacée et incapable de renouveler son discours quand elle ne verse pas dans la critique au ton “osé”, qui a perdu le sens de la mesure et surtout l'espoir de prendre le pouvoir. C'est dire qu'avec cet épisode, on a atteint le fond qui donne, malheureusement, l'image de la politique devenue l'apanage de tout parvenu. Et faire son propre désaveu aussi rapidement relèverait du jeu qu'est devenue la politique dont les conséquences se mesureront au niveau de désaffection du citoyen vis-à-vis des élections et de la chose politique de manière générale. Ce qui alourdit également cette situation inédite est le silence du concerné par les propos de M. Ayachi. En effet, depuis sa création, le RCN a été catalogué parti de Saïd Bouteflika et ses initiateurs n'ont pas démenti l'idée de son soutien à sa création et leur soutien à sa candidature à la présidentielle pour succéder à son frère président. Depuis et jusqu'à cette sortie, Saïd Bouteflika, dont le nom a commencé à circuler pendant la période de flottement avant l'annonce de la candidature de Abdelaziz pour un troisième mandat. Présent tout au long de la campagne de son frère, il restera cependant très discret avant de s'éclipser et se cantonner dans son rôle de conseiller. Posture qui encouragera les comités de soutien, les associations à s'afficher publiquement et leur position en faveur de Saïd Bouteflika. L'hypothèse est revenue régulièrement dans la presse sans qu'il ne démente une seule fois les intentions qui lui sont prêtées. Et avec son silence encourageant, assimilé à son assentiment, une sortie comme celle de Ayachi devait fatalement arriver. Car, la précipitation de M. Ayachi à battre “sa carte” dissimule mal une course de plusieurs acteurs “autour” de Saïd Bouteflika. Malheureusement, quand il a dégainé plus vite que les autres, il s'est tiré une balle dans le pied. Et porté, par ricochet, atteinte à la personne du conseiller du Président et terni par la même occasion l'image de la classe politique algérienne. Demeure la question de savoir quelles sont les véritables raisons qui ont poussé Ayachi à se rétracter aussi rapidement. Mystère ! À moins qu'il n'ait reçu instruction de revenir sur ses déclarations. Mais là, ce ne serait pas un jeu ou le fruit de son imagination !