Depuis trois jours, des manifestants, en grande majorité des jeunes issus des quartiers populaires où les conditions de vie sont difficiles, ont pillé des magasins et des organismes étatiques et privés, saccagé des voitures et tenu tête aux forces de l'ordre. Il faut dire que les émeutes, il y en a toujours eu en Algérie. Alger, Oran, Constantine, Annaba, Chlef, Ghardaïa, et même les wilayas les plus reculées du pays, ont souvent été le théâtre d'affrontements entre la population et les services de sécurité. Cependant, la colère exprimée, en ce début 2011, contre la forte hausse de certains produits de large consommation n'est que la goutte qui a fait déborder la coupe. La protesta, qui a accompagné toute l'année 2010, a une autre cause, celle du logement. Des dizaines d'émeutes ont éclaté à travers le pays et chaque opération de relogement a eu son lot de dégâts. Il est vrai que ce volet semble connaître, à la faveur de l'embellie financière de ces dernières années, une amélioration dans sa prise en charge. Le programme du chef de l'Etat du million de logements lancé dans le cadre du plan quinquennal 2005/2009 a été atteint dans les délais, fait-on savoir au niveau du secteur de l'habitat. Les dernières déclarations de Noureddine Moussa à ce sujet restent optimistes quant à la réalisation du deuxième million durant l'actuel quinquennal 2010/2014, au moment où le même ministre n'a pas manqué de tirer à boulets rouges sur les promoteurs immobiliers les qualifiant de non professionnels, ce qui n'est pas pour faciliter les choses, à moins d'un coup de baguette magique. Mais le problème n'est pas tant dans la manière de concrétiser ce programme, et la question posée est celle de savoir comment faire face à la protesta grandissante et grondissante ? Les structures chargées de gérer le relogement semblent dépassées avec le nombre important des demandes de logements et des recours. Au niveau de la wilaya d'Alger, pour ne citer que celle-ci, plus de 1 500 recours sont enregistrés pour une distribution globale de 10 000 logements en 2010. Seulement 250 recours ont reçu un avis favorable. Pour ceux qui n'ont pas été retenus, force est de croire qu'ils iront grossir les rangs des contestataires. Et dire que le logement social reste la voie de salut des ménages modestes qui forment la majorité de la population. Quant aux autres formules LSp location-vente, c'est une autre histoire. Pour la première formule, le handicap se situe au niveau du paiement cash de 850 000 DA comme premier versement au promoteur. S'agissant de la location-vente appelée AADL, il n'y a pas, aujourd'hui, de secret pour conclure que l'expérience de cette formule, dont la gestion a été menée dans la plus grande opacité, ne sera jamais refaite. Pour preuve, l'Etat s'y est désengagé en adoptant la formule Cnep-banque, laquelle à son tour est en train de patiner à l'exemple du projet de Draâ El-Gandoul à Rouiba. On évoque, certes, le problème du manque de foncier, mais c'est aussi une façon de noyer le poisson. Quant au promotionnel, il est généralement destiné aux plus nantis. Ainsi, le problème restera posé pour la frange démunie qui n'a ni les moyens de se payer un logement LSP ni, encore moins, promotionnel. C'est justement cette frange qui se révolte aujourd'hui. Une frange issue des quartiers populaires où deux à trois ménages vivent dans la promiscuité d'un F2. C'est tirer sur une ambulance en disant que c'est là le résultat d'une mauvaise ou carrément de l'absence d'une politique de l'habitat durant des décennies. On continuera de croire que les pouvoirs publics ont tiré les enseignements de cette conséquence. Car les mal-logés oublieront vite la question de la cherté de la vie dès le prochain relogement. Les Algériens ont vécu en 2010 plus d'émeutes à ce sujet qu'à la hausse des prix.