Un Conseil interministériel s'est longuement réuni samedi dernier “pour examiner les mesures à mettre en œuvre en vue de faire face à la hausse subite des prix de certains produits alimentaires de base”. Dans le communiqué qui conclut cette réunion, il n'est fait mention ni des évènements violents qui frappent le pays ni des réactions que ceux-ci inspirent au gouvernement, si ce n'est une série de mesures douanières et fiscales censées juguler la hausse des prix de l'huile et du sucre. Les tarifs de l'huile et du sucre, et accessoirement une rumeur au sujet d'une pénurie redoutée de farine, ont conduit à ces émeutes, par ailleurs occultées par le communiqué gouvernemental. En supposant qu'il en est ainsi et en admettant que l'urgence de la situation autorise le conseil à se dispenser des formes, il reste que le Conseil interministériel a quelque peu forcé sur l'argumentaire, notamment quand il précise qu'“en ce qui concerne les huiles et le sucre, la hausse des prix de leurs matières premières sur le marché international ne saurait, à elle seule, expliquer la brusque augmentation des prix de ces produits au détail”. Et surtout quand il dispose qu'“à ce titre, les procédures nouvelles, imposées par certains pour l'approvisionnement des grossistes en sucre et huiles alimentaires sont des mesures injustifiées, qui de surcroît relèvent du domaine et de la compétence de la puissance publique”. Ainsi posée la problématique, le gouvernement relie, à juste titre, la hausse des prix à l'application “par certains” des mesures prévues par la loi de finances et dont le délai de mise en œuvre est fixé au 1er avril 2011. En fait, ce qui a été décidé — par le gouvernement —, c'est simplement d'obliger les distributeurs et grossistes à faire ce qu'ils auraient dû légalement toujours faire : présenter un registre du commerce et payer par chèque les commandes facturées. C'est probablement cette traçabilité aux répercussions évidentes en matière de devoir fiscal qui a poussé les concernés à une augmentation des prix de revente en prévision d'une évolution du poste impôt de leurs coûts. En décidant que les grossistes “n'ont nullement à présenter au producteur de sucre ou des huiles alimentaires ni une documentation nouvelle ni à procéder au règlement de leurs commandes par chèque, cette dernière mesure ne devenant obligatoire qu'à la fin du mois de mars prochain”, le gouvernement “légalise” le commerce informel dont il dénonce depuis toujours les effets préjudiciables à… l'emploi et au pouvoir d'achat ! Tous ces maux qui expliquent en premier le ras-le-bol à la base des émeutes en cours ! La reculade ne constitue pas une parade suffisante à la mesure de la crise politico-sociale, les prix de deux ou trois produits, même de première nécessité, ne pouvant constituer des explications à des troubles d'une telle envergure. Elle formalise surtout l'emprise de l'économie de bazar sur la fonction commerciale dans le pays. Navrante issue d'une crise que le pouvoir analyse comme une révolte contre la cherté des produits de base mais qui, pour toute solution, oblige l'état à conforter le commerce illégal et à le préserver de la traçabilité comptable et de la rigueur fiscale ! Navrante issue qui donne la mesure de la convergence politique entre la rente et le bazar. M. H. (*) la solution dans le bazar ? [email protected]