“De la discussion jaillie la lumière”. Cet adage s'applique assûrément à tout brin de causette avec le président du NA Hussein-Dey, M. Meziane Ighil. L'homme au caractère bien tenace n'a pas la langue dans la poche. Il ne se perd guère dans cette langue de bois qui ne rapporte rien au débat. Dans cette interview, il expose ses idées avec autant de clarté que de sincérité. LIBERTE : Tout d'abord M. IGHIL, une question plutôt personnelle, pourquoi cette rareté de vos interventions dans la presse ? M. MEZIANE IGHIL : (rires) C'est assurément un trait de caractère qui fait que je ne juge utile d'intervenir que lorsque j'ai naturellement des choses à dire. La presse sportive est plus friande d'interventions courtes sur des sujets bien précis qui sont d'ordre plus technique. Et à ce propos, j'estime que cela relève des compétences du staff technique et des joueurs. Souvent, des confrères à vous me sollicitent pour des déclarations dans ce sens auxquelles je ne donne pas de suite préférant les orienter vers les intéressés. Il y a le fait aussi que le NAHD est un club tranquille où il n'y a pas beaucoup de remous, comme c'est le cas chez certains clubs médiatiques. Pourtant la situation actuelle du football national nécessite un vrai débat, ce qui rend paradoxale cette absence criante de critique… Quel débat ? Il n'y a même pas l'ébauche d'une réflexion autour des problèmes de fond du football algérien. Tout se passe comme si chacun est préoccupé par les aléas quotidiens faits de crise financière et de misère infrastructurelle, sans se soucier finalement des voies et moyens permettant à notre football de se développer. La Fédération, pour sa part, s'occupe à résoudre ses propres problèmes. à l'heure actuelle, le débat sur le football est carrément inexistant. Pis, l'on est tenté de croire que tout le monde trouve son compte dans cette platitude du débat. Vous voulez dire que tout le monde s'arrête à de simples constats… Tout à fait. L'on continue à faire des constats évidents sur la faiblesse de notre football et de son marasme sans aller au fond des choses. Pourtant, les solutions existent, il suffit de les prendre en charge. D'où la conclusion qu'il n'existe pas une réelle volonté, surtout des pouvoirs publics, de développer le football… Force est de constater aujourd'hui que les pouvoirs publics ne répondent toujours pas aux attentes des acteurs du football. Aucune politique sportive n'est mise en place et, là, c'est l'ex-ministre de la jeunesse et des sports, M. Benbouzid, qui l'avouait il n'y a pas si longtemps. Les décideurs se limitent en fait à des solutions conjoncturelles qui ne font que maintenir le football algérien sous perfusion. Il n'y a point de réformes, point de plan de sauvetage, point, donc, de ressources. Pourquoi ? Je crois que pour les pouvoirs publics, c'est là une question de priorités. Le football paie les frais de la crise financière que traverse le pays. Mais c'est une erreur monumentale. Il faut faire un effort pour ce secteur. A ce titre, à l'époque de M. Benbouzid, l'on se rappelle que toute une batterie de mesures a été dégagée à l'issue d'un conseil interministériel inédit, mais elles sont restées lettre morte. Effectivement, on attend toujours la concrétisation des promesses du dernier conseil interministériel qui avait annoncé des décisions salutaires pour le football national. C'est dommage qu'il n'y ait pas eu de suivi ! Mais, ne pensez-vous pas qu'il est temps que les acteurs du football montent au créneau pour réclamer justement que les pouvoirs publics fassent quelque chose ? Je crois surtout qu'il est urgent que tous les clubs de foot se réunissent autour de la fédération de football (FAF) pour constituer une véritable force de proposition afin d'amener les décideurs à s'occuper réellement des problèmes de ce secteur. Il y a eu, certes, jusque-là des tentatives de rassembler nos forces sous l'égide de la FAF, mais là aussi le suivi sur le terrain a fait défaut Comment jugez-vous la situation actuelle du football algérien ? Très délicate. Personne n'a le droit de se taire, même si je suis persuadé que certains trouvent leur compte dans ce marasme. M. Ighil, Comment avez-vous perçu les récentes subventions de Sonatrach ? Il faut dire que ces subventions ont soulagé les clubs. Elles leur ont permis de régler une partie de leurs dettes et surtout d'absorber la pression née des revendications pécuniaires des joueurs. Mais ce genre d'opérations ne sont que ponctuelles. Elles ne sont guère durables. Abordons si vous voulez bien, maintenant, le sujet de l'équipe nationale. Comment trouvez-vous le discours du staff technique à propos des chances de l'EN pour la CAN 2004 ? Je constate tout d'abord qu'à l'approche de chaque échéance importante, tout le monde est friand du sujet de l'EN. En fait, l'on ne parle de l'équipe nationale que lorsqu'un rendez-vous important pointe à l'horizon. L'EN sort d'une longue période d'hibernation et l'on veut qu'elle réalise quelque chose à Tunis. C'est aberrant, mais ce qui est le plus absurde dans cette affaire, c'est l'absence de clarté à propos de l'objectif de l'EN à Tunis. J'ai, en effet, l'impression que l'on ne sait pas trop où donner de la tête. Tantôt on parle d'une expérience positive à Tunis mais on exclut les joueurs du cru, qui peuvent reprendre le flambeau, tantôt on parle de simple participation et on fait appel à des joueurs de haut niveau, comme Madouni, Beloufa, Ouadah… C'est incohérent et illogique comme démarche et ça peut même cacher des intentions inavouées. Il est tout à fait clair qu'un responsable soit assujetti à l'obligation des résultats. Il a le devoir d'aller au-delà du simple constat et de trouver les solutions idoines pour rentabiliser la participation de l'EN à la CAN 2004. Autrement dit, il faut savoir assumer ses choix et surtout afficher ses objectifs au risque de paraître, pour le moins qu'on puisse dire, inconséquent avec soi-même. La vérité n'est pas seulement d'établir un constat de retard de préparation, mais il faut savoir aussi apporter une alternative. Ne pensez-vous pas qu'après deux ans de reconstruction de l'EN, l'on est toujours à la case de départ ? Il est clair que la gestion de l'équipe nationale est aujourd'hui un échec total. Revenons à votre équipe. Quel est votre objectif pour cette saison ? Le NAHD revient cette année à l'apprentissage du football. Nous avons recruté un entraîneur, en l'occurrence Biskri, pour faire découvrir de nouveau aux joueurs la joie de jouer et l'intelligence du jeu et aussi pour réconcilier le NAHD avec le football académique, qui faisait auparavant sa force. L'on s'attendait dès lors que cette rupture nécessite une période de transition, d'où notre début difficile. Cependant, je constate que l'équipe évolue plus intelligemment, fait circuler mieux le ballon mais elle a perdu quelque peu de son agressivité dans le jeu. C'est normal, il faudra encore du temps, car il n'est pas facile de concilier adresse technique et agressivité physique. Notre objectif est, donc, d'abord de reconstruire une bonne équipe capable de développer un beau jeu. Et qu'on est-il de la situation financière du NAHD ? Elle n'est pas plus reluisante que celle d'autres clubs. Grâce à l'aide de l'APC de Hussein Dey, Sonatrach et, bien sûr, notre sponsor habituel, GEMA, et ses deux filiales, FILTRANS et AVICAT, nous tentons tant bien que mal de placer l'équipe dans les meilleures conditions de travail. S. B. Assumez-vous M. Saâdane ! “Wash, Saâdane hab idjib Madouni, Antar, Belloufa, Ouadah, bach man ydir walou…. ” (Saâdane veut ramener Madouni, Antar, Belloufa, Ouadah pour ne viser rien du tout à la CAN 2004). Cette interrogation émane de mon ami Karim, qui, l'autre jour au café du quartier, m'apostropha carrément à propos de la situation de notre équipe nationale. Autant le préciser tout de suite, Karim n'est pas un fanatique du football algérien. Il a appris à prendre ses distances, depuis, dit-il, que le niveau vole au ras des pâquerettes. Mais cette fois si, apparemment, Karim est resté incrédule, il ne comprend pas comment on peut sillonner l'Europe entière pour dénicher du sang algérien — des joueurs de haut niveau, dixit Saâdane — pour affirmer ensuite qu'il ne faut pas s'attendre à grand-chose à Tunis.C'est là un problème de fond que pose notre interlocuteur. En effet, d'un côté, Saâdane répète à tue-tête que l'Algérie ne possède pas d'équipe nationale. Le coach a poussé sa “sincérité” jusqu'à asséner… à Leekens que la qualification à la CAN 2004 est le fruit du “bouzahroun” (chance). De l'autre, Saâdane prend son bâton de pèlerin pour faire le tour de l'Europe pour tenter de renforcer son équipe par des éléments à la notoriété bien établie. Alors, suivant la logique de Monsieur “altitude”, l'actuel staff, dont on ne sait toujours pas s'il est intérimaire ou non, veut “nationaliser” des expartriés au bénéfice d'une dérogation de la Fifa pour faire de la figuration à Tunis.Toutes ces démarches auprès de la Fifa, ces stages à l'étranger, ces matchs amicaux, tout cela c'est juste bon pour de l'apprentissage. Avouons qu'en matière d'incohérence de discours, il est difficile de faire mieux ! À vrai dire Saâdane ne veut être garant de rien. Il veut seulement tenter une carte, celle des “pros”, sans en être comptable. Si ça marche, ça sera un exploit qu'il tâchera bien sûr, a posteriori, de fructifier, si ça ne marche pas, eh bien les Algériens auront été prévenus… du fiasco. C'est facile, ça ne vous engage en rien, et ça peut surtout rapporter gros ! Au lieu de ressasser à tout bout de champ ce discours défaitiste qui fait fuir les plus inconditionnels de l'EN comme ce fut le cas mercredi dernier face au Gabon, Saâdane ferait mieux de s'assumer et proposer clairement une alternative crédible. C'est ce qu'on appelle être responsable, martèle mon ami Karim S. B.