Le métier d'entraîneur en Algérie emprunte, depuis l'indépendance, des chemins sinueux. Ceux du hasard, du bricolage, du mérite sportif, de la légitimité historique tirée de l'appartenance à la glorieuse équipe du FLN, de diplômes divers, parfois valables mais non validés par une autorité ad hoc, et, last but not least, de l'ancienneté et de la gloire d'ancienne vedette du football. En Algérie comme ailleurs, la sempiternelle question de l'œuf et de la poule, à savoir de l'entraîneur diplômé et du coach diplômé de sa seule expérience d'entraîneur ou de joueur se pose. Faut-il être nécessairement diplômé pour être un bon coach ou faudrait-il plutôt avoir été un bon joueur pour devenir un bon entraîneur ? Vaste débat que la pratique et l'expérience n'ont jamais tranché, ni ici ni ailleurs, là où le ballon tourne plus rond et où les pelouses sont plus vertes et jamais pelées. En somme, qui est finalement meilleur, Nour Benzekri ou Rachid Mekhloufi ? Mahieddine Khalef ou Boualem Charef ? On doit à Rachid Mekhloufi l'élégance même balle au pied, les premiers titres, celui de champion du monde militaire et la médaille d'or des Jeux méditerranéens d'Alger. Techniciens devant l'eternel, certainement compétents en diable et modernistes dans leur vision du ballon rond, Nour Benzekri et Boualem Charef, eux, n'ont rien gagné comme lauriers significatifs. Comme quoi, dit le vieil adage algérois, «atihouli fahem lahla kra», littéralement, mieux vaut quelqu'un d'intelligent qui n'a jamais été à l'école républicaine mais provient de celle de la vie, c'est-à-dire du football. Toutefois, si la sagesse populaire n'a pas forcément tort, elle n'a pas pour autant toujours raison. Mekhloufi et Kermali Il reste que la vérité est celle voulant que ce soient d'anciennes gloires de l'équipe du FLN de 1958 qui ont donné à l'Algérie ses premiers titres internationaux même si parfois ils ont valeur d'accessits sportifs. Il s'agit bien sûr de Mekhloufi, ancienne gloire de l'AS Saint-Etienne et entraîneur du FC Bastia, et d'Abdelhamid Kermali, étoile filante de l'AS Monaco et gagnant de la seule coupe d'Afrique des nations que l'Algérie a remportée chez elle, en 1990. Il y a donc autant de profils et d'écoles d'entraîneurs qu'il y a de coachs. Il ya la filière du FLN, elle-même issue du football professionnel français avec les stars que furent Mekhloufi, Kermali, Larribi, Boubekeur, les frères Soukane et bien d'autres. S'y ajoute celle des vedettes du championnat algérien avec des noms comme Rabah Madjer, Meziane Ighil, Ali Fergani, Chaabane Merezkane ou Lakhdar Belloumi. A ne pas oublier non plus l'école des entraîneurs diplômés, qui n'ont pas forcément été de grands joueurs de football. Quelques noms : Rachid Belhout, Kamel Mouassa, Saïd Hammouche, Nour Benzekri, Abdelkader Yaïche, Noureddine Saadi et Rabah Saadane, l'inénarrable sélectionneur de l'EN. Dans cette catégorie, Nour Benzekri, l'un des entraîneurs «scientifiques» les plus titrés en Algérie mais qui n'a jamais gagné quelque chose à l'échelle continentale ou internationale, fait rétribuer aujourd'hui son expertise et son expérience en pétrodollars, avec quelques satisfactions sportives, il est vrai. Benzekri est fidèle en cela à la tradition inaugurée avec quelque bonheur par l'actuel commentateur de la chaîne El Djazeera, Rabah Madjer, ancien coach national. Si Rabah Madjer ne possède pas de diplôme d'entraîneur digne de ce nom, du type DEPF en France, Nour Benzekri, lui, est diplômé en Belgique et possède les caractéristiques techniques pour officier dans des championnats européens. Bien sûr, la filière des entraîneurs issus du football français des années 1980-90 est un autre cas d'école. Les exemples les plus significatifs sont ceux de Moussa Saïb qui a entraîné la JSK et de Djamel Mennad, coach du rival, la JSMB, et ex-joueur en France et au Portugal. Rabah Madjer est, à ce propos, le joueur et l'entraîneur le plus emblématique. Cette immense star de l'EN de 1982, des championnats de premier niveau français et portugais, coach de l'EN, avec laquelle il a gagné la coupe d'Afrique des nations en 1990, est le seul à cumuler casquettes et lauriers. Evidemment, il y a par ailleurs l'école étrangère inaugurée durant les années 1970 par le célèbre Carlos Gomez, gardien de but et entraîneur fantasque de la JS Djidjelli.Cette filière, qui amènera souvent du tout-venant footballistique durant les années 1990 et 2000, avait quand même donné au football algérien deux très grands noms du foot français, en l'occurrence Albert Batteux et Jean Snella qui feront du NA Hussein Dey une véritable pépinière du football. Absence de système de formation La réalité plurielle du métier d'entraîneur en Algérie pose inéluctablement la question de la formation. Car il n'y a pas, à proprement parler, un système de formation hiérarchisé, pyramidal, digne de ce nom, comme celui que l'on trouve en France, chapeauté par la DTN et qui délivre avec ces différents degrés le DEPF, le diplôme d'entraîneur de football professionnel. Dans notre pays, il y a l'ISTS, l'Institut du sport et de la technologie des sports, qui ne dispose pas de filière foot spécialisé. Parallèlement, la Fédération algérienne ne dispose pas d'un système de formation en bonne due forme. Elle se contente, à ce jour, de programmes d'urgence de formation d'entraîneurs, c'est-à-dire de recyclage de techniciens, diplômés ailleurs ou ne possédant pas de titre spécialisé. Elle applique aussi des programmes de licences d'entraîneurs CAF (C, B, A), fait effectuer des stages FIFA ainsi que des cycles de régularisation pour ceux possédant un diplôme du 3ème degré. Ah ! Enfin, il y a eu la fameuse filière de Leipzig, dans l'ex-RDA, qui faisait souvent obtenir des diplômes de complaisance. Les mauvaises langues disent encore que l'on pouvait l'avoir moyennant quelques kilogrammes de «deglet nour» et quelques mauvaises bouteilles de Cuvée du président dont les tanins non fondus valident parfois une formation de même qualité. N. K.