Le régime des ayatollahs, qui encourage le monde arabe à prendre exemple sur sa révolution islamique, fait face à la résurgence de la grogne intérieure. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblés dans différents endroits du centre de Téhéran lundi, moins d'une semaine après la prédiction du guide de la révolution islamique iranienne lors de la prière du vendredi et selon lequel l'islamisme va se promouvoir après la chute des dictatures tunisienne et égyptienne de l'océan Atlantique à l'Euphrate. De violentes échauffourées ont éclaté avec les forces de l'ordre, forces qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de “paintball”, ces projectiles remplis de colorants pour traquer les manifestants même hors des lieux de la protestation. Le régime iranien qui a peaufiné son ingénierie en matière de prévention et de lutte contre les mouvements politiques et sociaux au fil de leur développement s'en est encore sorti, mais la fièvre n'est pas tombée. Loin s'en faut. Les leaders de l'opposition Mir Hossein Moussavi, ancien Premier ministre, et Mehdi Karoubi, ancien chef du Parlement, qui avaient demandé une autorisation pour organiser des rassemblements de soutien aux révoltes en Tunisie et en Egypte, et qui ont été isolés durant les manifestations, ont déclaré poursuivre leurs actions. La police iranienne avait bloqué l'accès au domicile de Moussavi, coupant aussi ses lignes téléphoniques. Karoubi était, quant à lui, en résidence surveillée, cinq jours auparavant. La veille, les responsables du régime multipliaient les menaces, le procureur général de Téhéran, Abbas Jafari Dolatabadi, avait prévenu que “la police et les autres organes feront leur devoir !” Mardi, il devait confirmer la vague d'arrestations dans les milieux contestataires. Téhéran est, par ailleurs, en état d'alerte depuis les révoltes dans le monde arabe et le dispositif répressif va s'alourdir davantage au fur et à mesure que tomberont les dictatures du monde arabe. Washington a estimé que le régime islamique semblait redouter la volonté de son peuple et une contagion de la contestation qui s'est emparée des pays arabes. Le régime semble en fait avoir été pris à son propre piège. Le 4 février, Khamenei avait exprimé son soutien au peuple égyptien, Moussavi et Karoubi avaient immédiatement appelé à une manifestation de soutien aux mouvements tunisien et égyptien et publié un communiqué décrivant le pouvoir iranien comme “absolu et héréditaire”. Alors qu'Ali Khamenei insistait sur le “réveil islamique” arabe et incitait les Egyptiens à suivre “le modèle de la Révolution de 1979”, les chefs de la contestation appuyaient “les demandes du peuple pour la liberté et la démocratie contre la dictature”. Les dernières révoltes de Téhéran sont l'écho des manifestations antigouvernementales qui ont secoué l'Iran après la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Le pouvoir avait durement réprimé le mouvement, et l'opposition n'avait plus, depuis, organisé de manifestation significative. C'est comme si le régime a remis lui-même le feu aux poudres : autistes à la grogne de leur population, les ayatollahs, persuadés que les révoltes arabes sont la conséquence de la révolution iranienne de 1979, montraient dans leur “unique”, en parallèle de la célébration du 32e anniversaire du retour de Khomeyni à Téhéran, les images de foules égyptiennes en liesse, fêtant la chute de Moubarak. L'arroseur arrosé.