Deuxième jour de la Grève du Secondaire Le mouvement prend de l'ampleur Les lycées de la wilaya d'Alger ont confirmé, hier, leur large participation à la grève lancée par la Cnapest et la CLA. Les CEM et les écoles primaires menacent d'emboîter le pas aux lycées. Hier matin, deuxième jour de grève. Les enseignants sont présents dans les établissements, mais les classes sont désertes. Les manifestants ont opté, cette fois-ci, pour un piquet de grève dans l'enceinte des écoles. À 9h, les professeurs grévistes du lycée Abdelmoumen, dans la commune de Rouiba, se sont rassemblés dans la cour durant une heure, afin de rappeler aux pouvoirs publics leurs revendications. “C'est scandaleux ce qui arrive dans le secteur de l'éducation. Maintenant, les professeurs n'ont plus le droit à la circulation. Samedi, les services de sécurité nationale nous ont interceptés au carrefour le Golfe-la Colonne afin de nous empêcher de rejoindre le mouvement de protestation”, nous déclare Hakima, professeur d'histoire. Et d'ajouter : “Je me demande comment je vais enseigner cette matière, car l'histoire c'est apprendre aux citoyens de demain les différentes révolutions populaires, alors que nous mêmes sommes opprimés et nous nous révoltons contre ce pouvoir despote.” Au même temps, plusieurs professeurs ont observé un piquet de grève dans différents lycées de l'Algérois. Hier, à 14h30, la Coordination des lycées d'Alger (CLA) a organisé une réunion pour faire une première évaluation de la grève. Cette assemblée regroupait la majorité des délégués des lycées d'Alger. M. Osmane, présidant de cette coordination, a donné les premières appréciations de ce mouvement : “Nous pouvons dire que c'est une grève réussie à 100%. Tous les lycées de la capitale ont répondu favorablement à cette grève. On enregistre même un taux très élevé dans certaines wilayas, telles que Oran, Sétif, Souk-Ahras, Annaba et autres.” Il souligne aussi la participation des trois lycées de Constantine, qui, pourtant, n'adhèrent ni à la CLA ni à la Cnapest. M. Osmane met en garde les contestataires de ne pas céder à la pression et aux menaces des pouvoirs publics : “Nous sommes restés 15 ans sans bouger. C'est le moment de changer les choses. Le ministère de l'Education ne pourra pas nous éradiquer, ce n'est pas dans ses prérogatives.” Concernant la légalité de leur mouvement, M. Osmane rappelle que cette action de contestation est tout à fait légale, étant donné que le droit à la grève est un acquis. Il précise que la demande de l'agrément enregistré sous le code RC 60 a été déposée à la wilaya et n'a pas donnée lieu à des suites. La Coordination des lycées d'Alger serait satisfaite du résultat de cette grève. “La réussite de ce mouvement est un miracle social. Cela est dû à l'union des forces du secteur de l'éducation”, déclare M. Osmane. Les délégués des lycées se sont séparés avec un commun accord consistant à unifier les différentes coordinations, la CLA et la Cnapest, afin de former un rapport de force pour pouvoir affronter les prochaines étapes, telles que la journée du 5 octobre, qui est considérée comme la journée de la dignité de l'enseignant. La Coordination des lycées d'Alger lance un appel aux autres paliers de l'éducation à joindre le mouvement de contestation, puisque les revendications des enseignants du secondaire sont identiques à celles du moyen et du primaire. “Si le pouvoir public a changé de ton, ce n'est pas par sagesse, mais parce que notre mouvement prend de l'ampleur et commence à leur faire peur.” Notons enfin que la Coordination des parents d'élèves de la wilaya d'Alger lance un appel à l'arrêt de la grève. Nabila Afroun Les aveux d'un enseignant Un enseignant rencontré en marge de l'assemblée et qui a requis l'anonymat, nous a conté son drame. “Ne citez pas mon nom, c'est très honteux de vivre cette situation !”, déclare Amin, professeur de mathématiques dans un lycée de la commune d'El-Harrach. Celui-ci est un ingénieur en recherche opérationnelle. Faute de travail, il se trouve professeur vacataire depuis plus de 5 ans dans un établissement. Son salaire est de 14 000 dinars par mois : “Je n'arrive pas à joindre les deux bouts. Je suis obligé de faire des emprunts pour pouvoir faire vivre mes trois gosses.” Et d'ajouter : “Plusieurs fois, je me retrouve obligé de faire manger des œufs à mes enfants. Chaque fin de mois, j'ai peur de rentrer à la maison et de trouver mes enfants pleurant de faim. Plutôt mourir que vivre cette scène.” Il nous avoue, par ailleurs, que le désespoir l'a poussé même à penser à faucher une chaîne en or à une dame. “La tentation était forte, mais, Dieu merci, je me suis ressaisi à temps”, conclut-il. N. A. A travers le pays, le debrayage continue BOUMERDÈS Les lycées à l'arrêt Bien que “partielle”, la rentrée scolaire qui a eu lieu, avant-hier, dans la wilaya de Boumerdès connaît déjà de sérieuses perturbations. En effet, hier, au 2e jour de la grève à laquelle avait appelé la Coordination nationale autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) pour réclamer une revalorisation à 100% des salaires, la réduction de l'âge de la retraite après 25 ans de service, ainsi que l'élaboration d'un statut particulier pour l'enseignant du secondaire, la plupart des lycées de la wilaya étaient à l'arrêt. “Sur les 25 lycées que compte la wilaya, nous en avons une quinzaine où le taux de suivi de la grève a dépassé les 90%”, nous a déclaré, hier, un enseignant au lycée Frantz-Fanon du chef-lieu, et représentant local de la Cnapest, qui confirme qu'en cas de non-prise en charge de leurs revendications, une autre journée de débrayage sera observée le 5 octobre prochain, avant de recourir à la base, pour lui soumettre la proposition de “grève illimitée”. Par ailleurs, les enseignants du secondaire de Boumerdès dénoncent la “précipitation” avec laquelle s'est faite la rentrée scolaire dans cette wilaya, d'autant plus que sur les 409 infrastructures scolaires touchées par le tremblement de terre du 21 mai dernier, les travaux de confortement et de réhabilitation n'ont été achevés que dans 119 établissements. En somme, les PES estiment qu'il s'agit bel et bien d'une “rentrée politique” que les pouvoirs publics veulent “imposer” aux enseignants et aux élèves, pour camoufler leur échec avéré dans la gestion de l'après-séisme en général et de la restauration des édifices pédagogiques endommagés en particulier. Mohamed B. Oran Intimidations et pressions Au deuxième jour de grève dans les établissements du secondaire, un renforcement de la mobilisation se fait sentir avec trois nouveaux lycées qui ont décidé, hier, à l'issue d'une assemblée générale, de rejoindre le mouvement lancé par la Cnapest. Par ailleurs, les animateurs de la coordination ont tenu à dénoncer les graves intimidations qui ont été proférées à l'encontre d'enseignants grévistes. Ainsi, dans un lycée d'une petite commune, c'est la gendarmerie qui se serait pointée “pour effectuer une petite visite…” tout en restant correcte nous a-t-on dit. Cela n'en est pas moins significatif. Ailleurs, à Oran, ce sont des directeurs d'établissement qui ont ni plus ni moins menacé les enseignants de dresser la liste des grévistes et de la transmettre aux forces de police… D'autres formes de pression sont signalées par endroits. Mais, pour les membres de la Cnapest ces procédés n'altèrent en rien leur volonté de faire aboutir leur revendication et réhabiliter la fonction de professeur : “Pour nous, c'est une répétition pour le 5 octobre, date de la grève nationale…” Quant aux propos du ministre de l'Education, M. Benbouzid et qui ont été rapportées dans notre édition d'hier, ils sont en tous points semblables à ceux qu'ils avaient tenus lorsqu'il était ministre de l'Enseignement supérieur lors de la longue grève du CNES. Le ministère change, mais l'homme, à l'évidence, est resté égal à lui-même. F. BOUMEDIENE Constantine Large suivi L'appel lancé pour une grève de trois jours par la Coordination des lycées d'Alger, s'il n'a pas été entendu par la corporation de Constantine pour la première journée, il le sera pour la deuxième où, hier, plusieurs établissements secondaires ont été complètement paralysés, à l'exemple des deux plus anciens lycées, Ibn-Badis et El-Houria. De visu, le mouvement de solidarité avec l'action protestataire des enseignants affiliés à la CLA sera largement suivi dans la capitale de l'Est où une grande partie du corps enseignant se retrouve dans la liste revendicative. Les principaux points relevés sur cette dernière, pour rappel, font état d'une augmentation de 100% de salaire, de la révision immédiate du statut de l'enseignant et de la baisse de l'âge de la retraite. NAIMA DJEKHAR Les Autorités veulent les briser Pressions sur les Enseignants Les coordinations CLA et Cnapest persistent à porter les revendications professionnelles de l'éducation malgré un climat d'intimidation. À l'assemblée de la Coordination des lycées d'Alger, M. Osmane donne d'emblée le ton en déclarant qu'un collectif d'avocats a été saisi pour prendre en charge l'affaire de l'agrément déposé de longue date, et qu'un référé en justice serait introduit dans ce sens. “Nous sommes dans la légalité alors que la tutelle emploie toutes sortes de moyens de pression pour casser le mouvement.” À cet effet, la nouvelle circulaire en vigueur permet des mutations sans concertation préalable des principaux concernés : “Pas moins de 25 déplacements ont été enregistrés au lycée Abdelkader, épicentre de la protesta. Et au lieu de réussir à essouffler le mouvement, cet essaimage a permis, au contraire, de semer les graines de la colère dans d'autres établissements”, souligne-t-il malicieusement. “Alors que le langage de la violence a été instauré comme seule réplique à nos revendications légitimes, nous estimons avoir cassé le mur de la peur. Le mythe de l'administration hégémonique est désormais rompu, et nous ne nous considérons plus comme le patrimoine du ministère de l'Education.” La relation de travail censée être collective devient individuelle et c'est au cas par cas que l'on s'attaque aux enseignants pour tenter de les faire revenir sur leurs positions. “La peur est comme une fissure. Elle finit par avoir raison des murs les plus solides, et c'est pour cela que nous devons la conjurer.” Les menaces de licenciements, de radiation du corps des enseignants n'ont certes pas eu raison de la protestation, mais elle a malheureusement fait une victime : une enseignante gréviste, persécutée par son administration et mal notée par l'inspecteur d'académie à la fin de l'année, a vu sa prime de rendement revue à la baisse après des années de bons et loyaux services. Incapable de supporter ce stress, elle est décédée, hier matin, d'une crise cardiaque. Ce grave précédent n'est pas sans raviver la détermination des enseignants à poursuivre jusqu'à avoir gain de cause. Il ne faut pas en vouloir aux enseignants qui ne suivent pas le mot d'ordre de grève, insiste M. Osmane, car ce sont les plus fragiles qui sont ciblés. “Comment leur en vouloir quand des responsables les menacent de leur couper les vivres ? Cette stratégie de la faim s'inspire du contexte particulièrement défavorable. Chacun sait que le chômage bat son plein et qu'en cas de licenciement, c'est à coup sûr la précarité qui les attend”. Quant aux menaces de radiation, Me Meziane est formel : “Il n'entre pas dans les prérogatives du ministère de radier quelqu'un de la Fonction publique. Seule une commission dûment installée a le droit de statuer sur la gravité d'une faute.” C'est cette méconnaissance des textes par les plus chevronnés des enseignants qui donne à la tutelle toute latitude pour exercer cet immonde chantage et brandir des menaces fantômes qui sont malheureusement prises pour argent comptant par la plupart des professeurs, poursuit M. Osmane qui apprend à l'assistance médusée qu'“il a été personnellement approché pour jouer la carte de la division avec la Cnapest alors que seule la solidarité reste l'atout maître de la coordination”. La meilleure preuve reste les 100 lycées en grève, hier, auxquels se sont joints trois de Constantine. La légitimité du terrain donne un souffle nouveau à ce mouvement qui promet de continuer à œuvrer jusqu'à la totale satisfaction de ses revendications. D. Lachichi Le mépris et la matraque, Jusqu'à quand ? Le pouvoir est il en train de remettre en cause le droit de recourir à la grève ? Les dernières déclarations du ministre du Travail, M. Tayeb Louh, le laissent entendre. Le ministre avait déjà suggéré l'introduction d'un amendement dans la prochaine révision de la Constitution portant interdiction du recours abusif à la grève. Il s'en tient, bien entendu, à certaines données chiffrées concernant les pertes financières subies par les entreprises en raison de la répétition des mouvements de grève. Cet aspect néanmoins important des choses ne peut pas occulter les drames que vit au quotidien la société. Le chômage, les salaires, le logement, la paupérisation la dégradation du cadre de vie et l'absence totale de l'Etat sont autant de problèmes cruciaux qui demeurent en suspens et qui, par conséquent, requierent toute l'attention des pouvoirs publics pour leur règlement. Ce qui n'est pas souvent le cas. Pis, le citoyen fait face au silence et au mépris quand il pose ses préoccupations et demande qu'il soit rétabli dans ses droits. Et cette absence de canaux du dialogue et de la communication pousse les contestataires à recourir à un droit qui est consacré par les lois de la République, à savoir la grève. Dans le cas du mouvement de protestation des enseignants du secondaire qui a commencé à Alger et qui s'étend aux autres villes de l'intérieur du pays, le ministère de l'Education fait la sourde oreille. C'est la logique de l'affrontement et donc du pourrissement qui prévaut alors que les revendications sont strictement d'ordre socioprofessionnelle. D'abord, le ministre déclare à la veille même du déclenchement de la grève qu'il n'est pas au courant du problème. Ensuite, des tentatives d'intimidation sont engagées contre les enseignants pour faire capoter la dynamique de grève. L'argument avancé est tout à fait fallacieux : “Le syndicat n'est pas agréé”. Mais cela suffit-il pour ignorer — à l'heure où il faut assurer toutes les conditions favorables pour la rentrée scolaire — que tous les lycées de la capitale et d'autres régions de l'Algérie profonde sont paralysés, et que cette contestation risque de faire tache d'huile au sein des paliers du moyen et du primaire ? Assurément pas. Pourtant, dans le sens où vont les choses, rien n'indique que la situation connaîtra un dénouement heureux dans les prochains jours. Si le pouvoir fait l'impasse, aujourd'hui, sur cette grève, il n'est pas exclut qu'il ait recourt, au cas où les enseignants décident de sortir, demain, dans la rue, aux brigades antiémeutes pour les matraquer. On a vu jusqu'à quel point il pouvait aller. On l'a vu condamner des sinistrés à une année de prison avec sursis, parce qu'ils ont tout simplement demandé à être relogés dans des chalets avant l'hiver, on l'a vu frapper des citoyens venus manifester leur solidarité avec des journalistes traînés dans des commissariats parce qu'ils ont contesté la manière dont sont gérées les affaires de l'Etat et on l'a vu interdire la rue à toutes manifestations populaires, même celles liées à des conflits internationaux, et ce, dans l'objectif de réduire à néant les formes d'expression nées des sanglants événements du 5 octobre 1988. Le pluralisme politique et syndical deviennent-ils des mots creux ? Le climat social est explosif. Les indicateurs sont au rouge. Le recours systématique à la répression pour se donner l'impression d'avoir géré ou réglé les problèmes posés, ne peut qu'aggraver le phénomène de la violence qui prend de l'ampleur au sein d'une société déstructurée et laissée à l'abandon. Salim Tamani Qui sont-ils et que veulent-ils ? Portraits express de profs M. Khezana Lahcène est professeur de sciences physiques au lycée Abdelmoumen à Rouiba. Normalien depuis septembre 1975, il est de cette race d'enseignants qui a opté pour ce métier par choix : “J'ai eu des professeurs tellement épris de leur idéal qu'ils ont réussi à semer en moi cette envie de marcher sur leurs traces. Mais, il faut dire qu'à l'époque, ils jouissaient d'une considération telle qu'une bonne partie d'entre nous voyait dans ce métier un gage de stabilité, de respect, qui n'a malheureusement plus cours.” Ces enseignants, véritables phares de la société, à une époque pas si lointaine, éclairaient de leur savoir les pauvres ignorants qui peuplaient leurs classes, induisant chez certains des vocations jusqu'alors insoupçonnées. “Il faut toutefois rappeler l'importance qu'occupait l'enseignant au sein de la société, et je ne parle pas de l'instituteur de village de la période coloniale, mais de celui des années 1970 qui influait positivement sur son petit monde, paré qu'il était de cette aura propre aux grands hommes.” Quand on fait un zoom sur cette période, on se rend compte vite de la réalité de ce statut de privilégié : “À l'époque, le professeur était rémunéré à l'échelle 13 et le proviseur à l'échelle 14 qui représentait le plafond. Actuellement, le PES se retrouve à la 15, alors que le plafond est à 25. De plus, le point indiciel concernant le secteur de l'éducation se trouve être le plus bas de la Fonction publique, ce qui représente une dévaluation supplémentaire dont on aurait très bien pu se passer.” Puis, vint la période de l'arabisation obligatoire et les professeurs bilingues se sont vu contraints de suivre ou de changer d'activité. “J'ai été titularisé en 1981 et mon traitement alors suffisait à couvrir mes besoins. Les enseignants faisaient réellement partie de la classe moyenne et n'avaient pas de souci pour faire bouillir la marmite. Certains se constituaient une petite bibliothèque personnelle et parvenaient à acquérir un véhicule, en faisant quelques économies. Le niveau de vie des enseignants était somme toute correct.” Mais, depuis les années 1997-1998, les choses ont changé et le moindre imprévu devient motif d'inquiétude. “Les frais de santé sont devenus un luxe et de nombreux enseignants incapables d'assurer les dépenses les plus courantes sont contraints d'habiller leurs enfants au rayon friperie. Quant aux vacances, il est parfaitement inutile d'en parler tant cela relève de l'utopie.” Cette situation a amené bon nombre de professeurs à aller rejoindre les écoles privées, faisant fi de leurs principes d'égalité, d'école pour tous, “car, il faut se rendre à l'évidence, les principes ne nourrissent plus leur homme”. Déçus par la prise en charge socioprofessionnelle des enseignants par la tutelle, beaucoup ont rejoint l'UGTA avant que ne s'instaure le pluralisme syndical, et ce sont des coordinations de professeurs non affiliés à la FNTE qui ont décidé de porter leurs revendications jusqu'à leur aboutissement. “Le lycée s'est réuni en assemblée générale en février dernier suite à l'appel de la CLA et a décidé de faire siennes les revendications de ce syndicat autonome qui se démarque de toute affiliation politique et veille bien à ne pas être récupéré par une quelconque mouvance.” C'est ainsi que ce père de famille tranquille s'est retrouvé embarqué comme un malpropre aux portes du lycée Hassiba, durant la période de correction des épreuves du bac, alors qu'il répondait au mot d'ordre de la CLA. Ainsi va la vie dans un pays où les professeurs, assimilés à des voyous, sont maltraités, bousculés, pour avoir osé dénoncer le malaise qui les ronge et dont on ne veut absolument pas entendre parler eu haut lieu. M. Rouina Zoubir est professeur d'économie et gestion au lycée Mohamed-Boudiaf d'El-Madania. Marié et père d'un enfant, son traitement de 17 000 DA ne suffit guère à couvrir les besoins des sept membres de sa famille à sa charge. “Quand on a payé les différentes factures qui se font de plus en plus salées, il nous reste juste de quoi tenir quinze jours, et encore, j'estime avoir les prérogatives pour bien gérer un foyer. Les extras sont prohibés et la viande est devenue un met si rare que l'on arrive à en oublier le goût.” Interrogé sur le devenir des lycéens directement concernés par ces mouvements de grève répétitifs, il se dit “désolé pour eux, parce qu'il s'agit d'enfants du quartier, de voisins, dont le devenir nous tient à cœur. Mais, on ne peut, à ce point du conflit, agir autrement”. À l'heure qu'il est, “c'est une question de dignité car, quand un cadre n'arrive plus à assumer convenablement son foyer, autant aller en prison. Là au moins, personne ne m'en voudra de ne plus être à la hauteur et j'aurais l'avantage de circonstances atténuantes”. D. L.