La Tunisie et l'Egypte connaissent, depuis le début de la semaine, un véritable assaut de réfugiés cherchant à fuir la Libye. Plus de 100 000 personnes seraient passées par leurs frontières, et le flux n'est pas près de s'arrêter tant que le despote de Tripoli n'a pas plié bagage. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n'a pas attendu pour tirer la sonnette d'alarme. Son porte-parole, Melissa Fleming, avait anticipé le mouvement et demandé aux pays voisins de la Libye (Tunisie, Egypte, Soudan, Tchad, Niger et Algérie) de ne pas refouler les réfugiés fuyant un pays en proie à une violente répression du régime contre l'insurrection populaire. Les images du check point tuniso-libyen, à Ras Jedir, sont édifiantes et alarmantes de la catastrophe humanitaire qui s'installent d'ores et déjà aux frontières est et ouest de la Libye. Les humanitaires tunisiens et égyptiens parlent de risque catastrophique d'exode massif. Les menaces de mort à l'encontre des manifestants assénées par Mouammar Kadhafi et son fils Seif El-Islam, qu'il avait choisi comme dauphin, ont terrorisé les populations de la Tripolitaine, qui ont pris le chemin de l'exil. À l'est, bien que des provinces aient été libérées par les manifestants contre le régime du guide, beaucoup de personnes ont également fui vers les frontières avec l'Egypte. Kadhafi qui a juré de leur payer leur révolte n'a pas hésité à faire donner ses hélicoptères et à organiser des opérations de représailles à même le sol par des mercenaires. La frontière algérienne, pourtant plus au sud-est également assaillie par des flots de réfugiés qui veulent quitter la Libye. Les voisins de la Libye, la Tunisie, plus que l'Egypte, s'organisent pour tenter d'éviter le pire. Des hôpitaux de campagne et des camps sont mis en place à la frontière tunisienne. Avec le Tchad, la situation doit être identique, bien que nous n'ayons pas d'informations. Il faut savoir qu'un tiers de la population libyenne, soit 2,5 millions d'habitants, est constituée d'immigrés d'Afrique subsaharienne. En outre, la Libye a toujours été une plaque tournante importante pour la migration, pour les gens qui fuient les guerres et la violence sur le continent africain. Face à la détermination de Kadhafi de mater l'insurrection inédite qui a fait en moins de deux semaines un millier de morts, et bien qu'il ait perdu le contrôle de vastes régions de l'est et du sud de la Libye, les capitales occidentales ont évacué leurs ressortissants et de nombreux autres pays dans le monde continuent d'évacuer par air et par mer, dans des conditions difficiles, les leurs, des dizaines de milliers, à partir de Benghazi libérée et des deux voisins de la Libye. L'Europe emmenée par le président de la France tire la sonnette d'alarme sur l'hypothèse d'un afflux de migrants en provenance de Libye. C'est l'Italie qui a commencé à faire état de ses inquiétudes après avoir vu déferler sur ses côtes 5 000 Tunisiens, et Nicolas Sarkozy, qui vient de voir ses espoirs méditerranéens fondre avec la perte de l'UPM, s'est saisi du dossier pour se refaire une virginité au sein de l'Union européenne. Et puis, l'immigration reste pour lui un dossier de campagne électorale, tout comme son corollaire, l'islamophobie. “C'est un vrai risque pour l'Europe qui ne doit pas être sous-estimé”, martèle le président français, avertissant que “la Libye, c'est l'entonnoir de l'Afrique”. Des menaces installant la peur, alors que la catastrophe humanitaire prend ses quartiers en Tunisie et en Egypte au moment où leur transitions post-dictature entre dans la phase délicate et déterminante pour leur avenir démocratique. Un sommet extraordinaire de l'Union européenne doit avoir lieu le 11 mars à Bruxelles pour aborder ces questions d'immigration liées à la crise libyenne, alors que l'Italie, en première ligne, demande à ses partenaires européens de l'aider à partager le fardeau de l'accueil des réfugiés. “Il faut défendre de façon européenne nos frontières et on ne peut pas accueillir des flux d'immigration illégaux que l'Europe n'est pas capable d'intégrer”, insiste la France ! Paris pousse le bouchon jusqu'à prévoir 200 à 300 000 personnes qui sur l'année pourraient chercher à franchir la Méditerranée en direction de l'Europe. Mais plusieurs pays, et notamment l'Allemagne et les pays nordiques derrière la Suède, estiment qu'il était trop tôt pour évoquer un tel scénario. Et qu'il faille en urgence un plan d'aide économique à l'Afrique du Nord, une sorte de plan Marshall à la fois européen mais plus largement impliquant les Etats-Unis, les pays d'Asie pour soutenir et stabiliser la rive sud de la Méditerranée.