Le Premier ministre égyptien Ahmed Chafic, nommé par Hosni Moubarak en plein soulèvement de la population, décrié par les contestataires, a fini par remettre sa démission, jeudi, au Conseil militaire qui dirige l'Egypte depuis la chute de l'ancien président. L'opposition enregistre à cet effet une double satisfaction. Celle de voir partir une figure du système Moubarak et celle de le voir remplacé par Essam Charaf, ancien ministre des Transports (2002-2005), démissionnaire après avoir affiché ses divergences avec le gouvernement de l'époque. Très populaire, réputé intègre, cet ingénieur qui enseigne à l'université du Caire a activement participé à la révolution de la place Tahrir, et ce sont les manifestants qui ont proposé son nom à l'institution militaire. Seul bémol, certaines voix s'élèvent pour considérer que l'intéressé n'a pas l'expérience politique nécessaire pour faire face aux exigences d'une transition difficile, voire périlleuse. De plus, les exigences de la rue égyptienne ne s'arrêtent pas à la seule démission d'Ahmed Chafic, mais aussi de tous les caciques du régime Moubarak encore au gouvernement. Les ministres de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice sont ainsi dans le collimateur, et leur départ à l'occasion de la formation d'un nouveau gouvernement ne fait presque pas de doute. La démission forcée du Premier ministre, ancien officier supérieur de l'armée de l'air comme Moubarak lui-même, est intervenue à la veille de vendredi, journée où l'on craignait de vastes manifestations de contestation après la prière. L'armée, qui dirige la transition, a suspendu la Constitution et proposé une feuille de route qui mènerait au retour d'un régime civil vers la fin du mois d'août prochain. Cela commencerait par une révision constitutionnelle, suivie d'élections législatives et présidentielle. Des indications sont déjà données concernant les modifications apportées à la loi fondamentale, comme la suppression des mandats présidentiels illimités de 6 ans par deux mandats de 4 ans au maximum. La commission chargée de proposer les amendements constitutionnels plonge aussi sur la loi électorale et l'assouplissement des modalités et des conditions qui permettent de se porter candidat à la présidence de la République. Mais ce schéma de transition est critiqué, d'aucuns estimant que les délais sont trop courts pour permettre l'émergence de partis politiques compétitifs issus de la révolution, après des décennies d'une dictature ayant étouffé toute voix discordante. Pour sa part, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui a affiché son intérêt pour la présidence, a émis le souhait que l'élection présidentielle se tienne avant les législatives, contrairement à la feuille de route préconisée par l'armée. Dans la foulée de l'annonce de la démission du Premier ministre et du changement de gouvernement, la rumeur selon laquelle Hosni Moubarak a quitté le territoire égyptien pour aller se soigner en Arabie Saoudite a été, par ailleurs, formellement démentie.