C'est un véritable cri de détresse que lancent à nouveau des malades porteurs du virus VIH, le cri du désespoir face à une énième pénurie de médicaments, les fameux antirétroviraux qui ne sont plus disponibles au service infectieux du CHUO. Ce service de référence régional suit et assure le traitement pour près de 1 000 malades originaires de l'ensemble de l'ouest du pays qui, depuis plusieurs années, arrive à contenir le développement de la maladie grâce à la trithérapie. Parmi ces malades figurent des pères et des mères de famille, des nourrissons, des enfants… Pour tous, l'arrêt du traitement d'antirétroviraux est tout simplement catastrophique et peut s'avérer fatal. Par le passé déjà, les malades porteurs du virus VIH, au niveau de l'Ouest, avait dû faire face à de telles situations et leurs appels n'avaient reçu aucun écho de la part du ministère de la Santé. À l'étranger, des associations maghrébines de familles de malades du sida s'étaient offusquées provoquant un élan de solidarité. Cette énième pénurie nous a été confirmée par un médecin qui explique, qu'en effet, il y a bien en ce moment rupture de médicaments. Il ajoute que le service est dans l'attente d'une commande d'un quota. “Les malades sont très inquiets car ils ont compris que nous n'avons plus de médicaments et ils savent ce que cela signifie pour eux. Nous sommes désarmés en tant que médecins et la situation est dramatique.” Et de poursuivre sous le couvert de l'anonymat : “Parmi les patients suivis ici à Oran et sous traitement, nous avons le cas de femmes enceintes qui doivent absolument poursuivre leur traitement pour éviter que le fœtus ne soit par la suite porteur du virus à la naissance. Il y a aussi des enfants d'à peine deux ans… Pourtant, avec la trithérapie nous avons réussi, ces dernières années, à réduire la mortalité chez les patients atteints du sida.” Tous ces efforts risquent d'être balayés par des ruptures récurrentes que personne ne s'explique. Les malades souffrent plus que tout dans leur chair. Ceux que nous avions déjà rencontrés par le passé expliquaient à quel point la stigmatisation du sida, dans notre pays, démultiplie leurs difficultés à faire face à cette maladie. Vivre avec l'angoisse permanente que leurs proches, voisins ou collègues devinent qu'ils sont atteints du sida est déjà un fardeau que beaucoup n'arrivent pas à assumer seuls. Le besoin de prise en charge psychosocial qui fait défaut pousse certains d'entre eux à fuir le pays. Pour les parents dont les enfants sont nés avec le virus VIH, la culpabilité est un fer rouge qui quotidiennement les marque. Pour eux, aujourd'hui, cette rupture de médicaments, qui va remettre en cause leur espérance de vie et celle de leurs enfants, est insoutenable, mais comment le dire ? Comment le faire savoir ? L'un d'entre eux nous explique : “Je vis dans le secret de ma maladie et qui va pouvoir parler aujourd'hui et dire ce qui se passe ?” Et de se retourner justement vers la presse pour exprimer leurs besoins de prise en charge et leur profond désarroi.