C'est à visages découverts qu'elles sont venues parler de leur maladie, espérant que leur détresse aura un écho auprès des plus hautes autorités du pays. Ces malades, ce sont ces personnes, des femmes, vivant avec le virus du sida (VIH), qui sont privées encore une fois de traitement contre le sida, et ce depuis plus d'un mois, qui n'arrivent plus à garder le silence sur leur situation, même si le sujet est encore tabou dans notre société. Un tabou qu'elles n'ont pas hésité à briser face au danger de mort qui les guette et au sentiment de discrimination par rapport aux autres malades dont elles se sentent victimes. Ces femmes sont venues, lundi, au centre de prévention d'Oran parler au nom des 700 malades suivis au service infectieux du CHUO qui se battent depuis un mois pour avoir quelques comprimés ou se partager entre eux les médicaments. Les plus résistants à la maladie donnent aux plus faibles juste pour tenir le coup et ne pas tomber dans le coma ou mourir, comme cela a été le cas pour leurs camarades hospitalisés au service des infectieux. «Ma vie est en danger. Je suis prête à frapper à toutes les portes pour parler de ma maladie et de ma souffrance quotidienne pour avoir les antiviraux. J'ai été contaminée par mon mari. J'ai eu du mal à accepter cette situation lorsqu'on m'a annoncé que j'avais le VIH. Ce n'est qu'après avoir été suivie par un psychologue que j'ai pu me remettre sur pied et accepter le traitement. Mon mari, lui, refuse toute discussion sur le sujet et depuis un an qu'il souffre du sida, il ne veut suivre aucun traitement», nous dira Salima (c'est ainsi qu'on l'appellera). Cette mère d'une fille qui n'a qu'un espoir, vivre pour son enfant après avoir perdu un garçon de 4 mois. Salima, ainsi que les autres femmes qui ont insisté pour parler à la presse de leur calvaire, se disent épuisées par la pénurie des médicaments et aussi par le changement, à chaque fois, du traitement. Ce qui risque d'augmenter la résistance du virus aux médicaments et rendre tout traitement inefficace. C'est ce que nous a confirmé un spécialiste en infectiologie, expliquant que lorsque deux molécules de la trithérapie sont disponibles, la troisième est en rupture. A titre d'exemple, souligne ce spécialiste, si les deux molécules «Strocrin» et «Lamivir» sont livrées par la pharmacie centrale, la molécule «Zidovir», indispensable pour la trithérapie, manque. «Nous ne pouvons pas donner aux malades deux molécules seulement. Elles n'auront aucun effet», explique ce spécialiste. Ce problème de pénurie des antiviraux se pose uniquement dans la wilaya d'Oran, expliquent des médecins et les malades. La seule explication qui leur a été donnée justifiant cette rupture de stock répétée vient de dettes s'élevant à plusieurs milliards non payées pour la livraison des médicaments. Aujourd'hui, les malades, jusqu'à maintenant dans l'anonymat, veulent sortir de leur silence et interpellent le président de la République pour une meilleure prise en charge. Auparavant, ils avaient demandé à l'association de protection contre le sida d'Oran de se constituer partie civile et déposer plainte à la justice pour non-assistance à personnes en danger. Selon le président de cette association, aucune suite n'a été donnée à cette plainte.