Parmi toutes les caractéristiques qu'ils partagent en qualité de despotes, il en est une, remarquable : le jusqu'auboutisme. Le leader libyen et le président yéménite donnent l'impression, au jour d'aujourd'hui, d'avancer jusqu'au bout de la corde. Rien ne semble les arrêter alors que le compte à rebours a commencé pour les deux régimes. L'OTAN prolonge sa mission “Unified Protector” en Libye. L'organisation Atlantique, qui assure le commandement des opérations contre Kadhafi depuis le 31 mars, vient de proroger son mandat de trois mois, le premier devant prendre fin le 27 juin. Pour son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, c'est un message clair à l'adresse de Mouammar Kadhafi : l'alliance et les dix-sept pays participants sont déterminés à poursuivre les opérations visant à protéger le peuple libyen, la formule consacrée pour dire jusqu'à la chute du despote de Tripoli. Les F18, Tornados, Rafales et Mirages de l'OTAN effectuent en moyenne 155 sorties par jour dont un tiers avec frappes, mais les forces de Kadhafi parviennent encore à pilonner à l'aveugle les populations civiles, notamment à l'ouest, bien que Benghazi, la capitale des insurgés ne soit plus menacée ainsi que le grand port pétrolier de Misrata. La ligne de front est gelée à l'est au niveau de Brega, et à l'ouest les rebelles de Misrata hésitent à mener des offensives sur Zliten, dernier verrou avant Tripoli. Français et britanniques, piliers de la croisade contre Kadhafi, se préparent à faire entrer en action leurs hélicoptères de combat, donc à intervenir au sol, ce qui est contraire à la résolution onusienne. Reste que le leader libyen se retrouve aujourd'hui comme un pestiféré sur la scène internationale, la tentative africaine de lui sauver la tête ayant échoué. Le président sud-africain Jacob Zuma est reparti de Tripoli bredouille, Kadhafi a campé sur ses positions : il a dit être prêt accepter un cessez-le-feu mais pas question ni de partager le pouvoir ni de partir. Les Russes se sont aussi détournés de Kadhafi, publiquement à Deauville au cours du sommet du G8. Le pourvoyeur en armes s'est rangé aux côtés des Occidentaux et à Kadhafi de voir tout le réseau forgé par ses pétrodollars tombé comme un château de cartes. Au Mali, où il a engagé de grands travaux, possède les grands hôtels, des rizières, au Tchad, dont Idriss Déby lui doit sa survie politique, au Bénin, au Niger qui ont également profité de sa manne. Le CNT commence à être courtisée par les Africains. De son côté, le Yémen s'enfonce carrément dans la spirale de la violence. La capitale Sanaa est le théâtre d'affrontements militaires et la situation devait encore dégénérer avec la prière du vendredi. Le président yéménite fait intervenir dorénavant son aviation aussi bien sur les combattants tribaux dirigés par le puissant cheikh Sadek Al-Ahmar, rallié à la contestation, que sur les manifestants civils et pacifiques qui occupent le pavé depuis janvier. Comme Kadhafi, Saleh a beau jeté contre son peuple ses forces spéciales, bien entraînées et formées à la guérilla y compris urbaine, il est fini. Les Américains l'ont totalement lâché par la voix d'Hillary Clinton. Par ailleurs, Washington va accroître sa pression, un proche collaborateur du président Barack Obama, en visite dans le Golfe, l'annoncé précisant que dirigeant yéménite doit céder le pouvoir. John Brennan, principal conseiller d'Obama pour l'antiterrorisme, effectue actuellement une visite en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, surtout consacrée au Yémen, à la réalisation de l'accord de transition proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) dont Riyad est le membre le plus puissant et qui prévoit la formation par l'opposition d'un gouvernement de réconciliation et la démission un mois plus tard de Saleh en échange d'une immunité pour lui-même et pour ses proches, puis une élection présidentielle dans les 60 jours. Après avoir vaguement évoqué la possibilité de faire aboutir la médiation du Golfe, Saleh refuse. Ce plan est également rejeté par l'opposition parce qu'il prévoyait une amnistie pour le président-dictateur.