La conférence de Doha a entériné les ordres du G8 et de l'OTAN : Kadhafi doit partir. Elle a promis aux insurgés libyens un chèque de 1 milliard de dollars. La course à la reprise de la production pétrolière dans les zones libérées est déclarée ouverte. Le G8 l'avait exigé et l'OTAN l'a repris à son compte. La seule feuille de route pour Kadhafi : partir. Cet objectif a été avalisé par la conférence de Doha qui a réuni l'argent nécessaire pour mener à terme l'opération et instaurer la nouvelle Libye. Pour ses stratèges, le départ de Kadhafi devrait permettre à l'OTAN de sortir de l'impasse, la poursuite des raids aériens se révélant couteuse et gênante à la fois et le lancement d'une opération terrestre ne suscite pas l'enthousiasme ni en son sein ni chez l'opinion mondiale, y compris dans les pays qui sont à la tête de la croisade contre le régime de Kadhafi. Aux yeux de nombreux Africains, Arabes et de beaucoup d'autres, la guerre en Libye n'est pas tout à fait une lutte de la démocratie contre la dictature, c'est aussi un phénomène bien familier, à savoir un conflit intertribal, voire la manifestation brutale d'une mondialisation qui a montré ses travers et limites. Bon, c'était en quelque sorte la feuille de route de l'Union africaine qui proposait en filigrane un partage du pouvoir entre Kadhafi et ses rebelles. Le G8 la rejeté et le médiateur africain a jeté l'éponge après avoir clamé depuis Tripoli que l'OTAN, avec ses raids aériens, se mettait en travers de son chemin visant à pacifier la Libye. L'opposition, estimant que le potentiel militaire de Kadhafi a diminué de 80%, menace de déclencher une offensive décisive dans la direction de l'ouest dans les prochains jours. Cet optimisme n'est-il pas trop exagéré ? Quoiqu'il en soit, la conférence de Doha a promis aux insurgés des armes tout en insistant sur la reprise de la production pétrolière, sous-entendu au partage des concessions. Les Occidentaux et les représentants de plusieurs pays arabes se sont donc réunis à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis, afin de préparer ce qu'un responsable américain a appelé “la fin de partie” pour Kadhafi. Les ministres du groupe de contact pour la Libye, qui comprend notamment la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ainsi que leurs alliés arabes (Qatar, Koweït, Jordanie), ont demandé aux rebelles de présenter leurs projets pour l'après-Kadhafi. Le CNT (Conseil national de transition, instance de la rébellion) a besoin de trois milliards de dollars dans les quatre mois pour financer l'achat de vivres et payer les salaires, a déclaré à Abou Dhabi Abdourrahman Mohamed Chalgham, ex-ministre libyen des AE rallié à l'insurrection. La conférence lui a promis le tiers. La France, par la voix de son ministre des AE, Alain Juppé, a annoncé qu'elle allait débloquer 420 millions de dollars, sous la forme de prêts bonifiés. Une goutte d'eau pour le pays qui a pris la tête de la croisade contre Kadhafi ! Pour aiguiser les appétits, le ministre des Finances et du Pétrole de la rébellion, Ali Tarhouni, a annoncé que le CNT espérait relancer prochainement la production de pétrole, à hauteur de 100 000 barils par jour. Sur le terrain, l'OTAN a accentué sa pression sur Kadhafi, les bombardements aériens se sont intensifiés à Tripoli. Mme Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, a fuité des précisions sur la projet de fin de partie pour Kadhafi : le processus inclurait une sorte de cessez-le-feu et un processus politique au sein desquels devra être régler la question de Kadhafi et de sa famille. Dans les couloirs de la conférence, il a été fait état d'une intervention imminente de la Russie à Tripoli pour offrir à Kadhafi une voie de sortie. Ça sera l'ultime tentative, a-t-on fait savoir. À Benghazi, Abdoulaye Wade s'est adressé à Kadhafi en affirmant : “Plus tôt tu partiras, mieux ça vaudra.” À La Haye, les enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI) disent avoir des preuves que Kadhafi a encouragé les viols d'opposants, ce qui pourrait faire l'objet d'un nouveau chef d'inculpation. Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a requis en mai un mandat d'arrêt contre Kadhafi pour crimes contre l'humanité, ainsi que contre son fils Saïf Al-Islam et le chef des renseignements libyens, Abdoullah Al-Senoussi. Reste que le départ de Kadhafi n'est pas contenu en tant que tel dans la résolution de l'ONU qui avait pour unique motif la protection des populations civiles. Alors sera-t-il tué, extradé et à l'abri de poursuites internationales ou encore traduit devant la Cour de justice internationale ?