La guerre entre la CIA et son homologue pakistanais (ISI) bat son plein. Cette fois, c'est le portable de Ben Laden qui attise le feu. Son téléphone, découvert lors de l'opération contre Oussama Ben Laden le 2 mai dernier au Pakistan, contenait des contacts avec un groupe d'activistes lié aux services de renseignement pakistanais, a rapporté le New York Times, citant de hauts responsables américains. L'armée pakistanaise s'est indignée des insinuations du quotidien. Les données de l'appareil indiquent que le groupe Harakat Al-Moujahidin faisait partie du réseau de soutien de l'ex-chef d'Al-Qaïda abattu par le commando des Navy Seals dans la résidence d'Abbottabad, au nord d'Islamabad. En vérifiant les appels passés à l'aide de ce portable, les spécialistes américains ont établi que des chefs du groupe Harakat avaient téléphoné à des responsables du renseignement pakistanais. Ce qui corrobore la thèse de la CIA selon laquelle Ben Laden aurait bénéficié de la protection des services pakistanais. Sa résidence d'Islamabad est située à un jet de pierre d'un complexe militaire ! Et il y a séjourné cinq années avec sa smala, ses épouses, ses enfants et des proches. ISI s'en est défendu et précise aujourd'hui qu'il n'existe pas de preuve irréfutable montrant que ses services ont protégé Ben Laden. “Cela entre dans le cadre d'une campagne de dénigrement de nos services de sécurité”, a affirmé le général Athar Abbas, porte-parole de l'armée pakistanaise. “Le Pakistan et ses services de sécurité ont été les plus touchés par Al-Qaïda et se sont montrés les plus efficaces face à elle. Nos actes sur le terrain parlent davantage que l'article du Times”, a-t-il plaidé. Comment Ben Laden a réussi à échapper pendant des années à la vigilance des renseignements et de l'armée pakistanais dans une ville située à 50 km de la capitale, reste une énigme. Enfin, c'est l'ISI qui a monté les talibans, avec la complicité de Washington, pour bouter hors de l'Afghanistan les Soviétiques et poser à travers ce djihadisme les bases de ce qui allait devenir Al-Qaïda, grâce à la manne financière saoudienne et à son wahhabisme, cette idéologie crasse que les pétrodollars ont hissée en règle. L'armée pakistanaise sait qu'elle n'est pas exempte. N'a-t-elle pas confirmé le 21 juin avoir procédé, le 6 mai dernier, à l'arrestation d'Ali Khan. Le général, qui travaillait au quartier général de l'armée à Rawalpindi, près d'Islamabad, accusé par l'état-major militaire, d'être en contact avec le Hizb ut-Tahrir, un réseau islamiste. Il a été interpellé quatre jours après le raid américain mené pour liquider Ben Laden, raid qui avait ravivé les soupçons de collusion entre militaires et islamistes. La guerre de l'ombre entre Washington et Islamabad est loin d'être achevée.