En remportant son 15e titre continental sur 43 éditions, dimanche contre le Paraguay (3-0), l'Uruguay a mis en valeur son paradoxe historique, entre sa population réduite et son ample palmarès, fruit d'une tenace tradition footballistique. L'Uruguay, pays le moins peuplé de la Confédération sud-américaine (Conmebol) avec ses 3,5 millions d'habitants, devance désormais d'une unité l'Argentine au nombre de titres en Copa America. Le Brésil occupe la troisième marche (8) devant le Paraguay et le Pérou (2 chacun). Après ses deux titres olympiques (1924 et 1928), qui faisaient alors office de sacres mondiaux, la Celeste a remporté deux Coupes du monde (1930 et 1950). Au nez et à la barbe de ses deux puissants voisins : d'abord en battant en finale l'Argentine (4-2) lors du premier Mondial, organisé en Uruguay, puis lors du fameux “Maracanazo”, battant le Brésil chez lui (2-1), dans le match considéré comme la finale du tournoi. Au Mondial-2010, il avait atteint le dernier carré d'une Coupe du monde pour la première fois depuis 1970. Et son sélectionneur, Oscar Tabarez, avait alors parlé de “surprise avec des antécédents”. “On est un pays qui est resté loin des victoires dans les derniers tours depuis 40 ans, mais ça reste un des pays avec la plus grande culture football”, avait-il souligné. “ça se compte sur les doigts d'une main, je parle de pays où le foot est important pour les passionnés mais aussi pour les autres. Le jouet le plus important qu'on donne aux enfants, c'est un ballon.” Le sélectionneur du Pérou, l'Uruguayen Sergio Markarian, l'a d'ailleurs lui aussi relevé : “L'Uruguay est le meilleur pays du monde en ce qui concerne le football. Il a une base historique qui pousse tous les jeunes, et produit le maillage de foot juvénile le plus dense du monde.” Un tiers des enfants de 6 à 13 ans sont inscrits dans un club. Cela permet de maintenir un certain niveau : en 2011, outre la Copa America, l'Uruguay s'est hissé jusqu'en finale du Mondial des moins de 17 ans (défaite 2-0 face au Mexique) et de la Copa Libertadores, par le biais du club de Peñarol (défaite 0-0, 2-1 contre le Santos de Neymar). Cette passion nationale se traduit aussi en politique, puisque bon nombre de présidents de la République ont d'abord dirigé des clubs. Plusieurs cadres du parti Colorado (centre-droit), au pouvoir quasiment sans interruption pendant plus d'un siècle, ont ainsi dirigé Peñarol. L'ex-président Julio Maria Sanguinetti (1985-1990, 1995-2000) en est encore le président honoraire. Le premier chef d'Etat de gauche du pays, Tabaré Vazquez (2005-2010), dirigeait Progreso l'année de son seul titre de champion (1989). Et l'actuel président, Jose Mujica, téléphone régulièrement au capitaine de la Celeste, Diego Lugano.