Ils sont étudiants, salariés, cadres, arabes, juifs, de gauche et de droite, et ils occupent la rue depuis deux semaines en Israël. Le mouvement ne connaît ni clivage politique ni clivage communautaire ou de classes. Le logement, la santé, l'éducation et, plus prosaïquement la vie chère sont au centre de la contestation. Selon un récent sondage publié par le quotidien Haaretz, pas moins de 87% des Israéliens approuvent le mouvement qui replace les questions sociales au centre du débat démocratique. Dès la nuit tombée, les contestataires affluent par dizaines de milliers dans les rues des grandes villes du pays. Plus de 150 000 manifestants ont défilé, par exemple, samedi à Tel Aviv et autant d'employés municipaux sont entrés en grève depuis lundi. L'avenue Rothschild, dans le quartier chic de la capitale, est essaimée de tentes pour dénoncer la flambée des prix de l'immobilier. Le mouvement, majoritairement animé par les classes moyennes, échappe à l'initiative des syndicats et des politiques. Il n'est pas lié au conflit israélo-arabe, sauf à considérer, comme le suggèrent de nombreux manifestants, que la question palestinienne monopolise l'action du gouvernement, qui déserte en conséquence le terrain économique et social. Par son ampleur, ses motivations et son caractère trans-partisan, l'évènement est sans précédent dans l'histoire de l'Etat hébreu. Les leaders du mouvement ont été reçus par le président d'Israël, le travailliste Shimon Pérès, et exigent l'ouverture d'un débat public et télévisé avec le Premier ministre Benyamin Netanyahu. C'est le seul, considèrent-ils, à avoir le pouvoir de décision et rejettent toute idée de négociation avec des ministres, à “l'intérieur de bureaux clos”. Cette exigence est néanmoins dénoncée par le principal syndicat du pays, qui refuse qu'on accapare la question sociale pour en faire une arme d'affaiblissement du Premier ministre. S'il venait à s'étendre et à s'inscrire dans la durée, le mouvement pourrait, en effet, avoir un impact direct sur les législatives à venir. Le Parti travailliste, relégué au rang de troisième force du pays derrière le Likoud et Kadima à l'issue du dernier scrutin, pourrait alors retrouver des couleurs. Nombre d'observateurs font le parallèle entre la contestation en Israël et le printemps arabe, d'une part, puis les “indignés” d'Europe, d'autre part. Si les apparences suggèrent des similitudes, la nature et les motivations des trois mouvements sont profondément différents. De manière directe ou détournée, les “indignés” européens remettent en cause une mondialisation débridée et le système financier mondial, gangréné par la spéculation, avec des effets néfastes sur le niveau de vie des citoyens. Les révoltes arabes ont pour objectif affiché de limoger leurs dirigeants pour acquérir plus d'espaces démocratiques et de liberté. Les Israéliens, eux, ne réclament rien moins que davantage d'Etat providence.