Certains observateurs, au fait de l'actualité économique du pays, se sont exprimés sur les chiffres avancés lundi par le gouvernement dans son bilan du 1er semestre. Si pour certains, les statistiques sont peu crédibles d'autres les ont plutôt relativisées. Les statistiques en matière de création d'emplois semblent ne pas convaincre ces experts. Parmi eux, l'économiste Salah Mouhoubi, qui a apporté des observations somme toutes logiques. Pour ses réalisations économiques et sociales en Algérie, l'Exécutif a annoncé la création de 1,09 million d'emplois durant les six premiers mois de l'année 2011. M. Mouhoubi nuance ce chiffre. Car, pour lui, il s'agit d'un cumul de postes d'emploi créés pendant plusieurs années et non en 6 mois seulement. “Il me paraît difficile pour un pays comme l'Algérie qui ne dispose pas d'une économie créatrice de richesses, de créer autant de postes d'emploi en une période aussi courte”, souligne-t-il. Les seuls emplois créés sont, selon lui, le fait des secteurs du BTPH et les services et à un degré moindre l'agriculture et l'industrie. Deux années après le lancement du plan quinquennal 2010-2014, l'on peut concevoir dès à présent, affirme ce spécialiste, que le million d'emplois créés correspond aux objectifs du gouvernement de garantir un total de 3 millions d'ici à 5 ans. Salah Mouhoubi aurait aimé que les pouvoirs publics donnent plus de précisions sur ce chiffre notamment la structure de ces emplois. “Il faut quand-même indiquer que créer un million d'emplois dans un pays comme l'Algérie est une prouesse alors que le chômage est un problème majeur, y compris dans les pays les plus développés”, reconnaît l'économiste. C'est dire que la création des postes de travail et par la même, la réduction du taux de chômage n'est désormais plus une chose aisée de par le monde. Créer 1 million d'emplois en 6 mois équivaut à environ 170 000 postes/mois. Rares sont les économies capables d'une telle performance. Ce n'est surtout pas celle de notre pays qui peut réaliser un tel exploit... Par ailleurs, les résultats de l'enquête menée par l'Office national des statistiques (ONS) en janvier 2010, révélaient que le taux de chômage était de 10,2%, soit 1,072 million de chômeurs sur une population active de 10,5 millions de personnes. Ce chiffre a été validé en janvier dernier par le FMI. Si l'on compare les déclarations chiffrées de ces deux institutions au nombre d'emplois créés confirmé par le gouvernement durant le premier semestre, l'on peut déduire que le problème du chômage est définitivement réglé en Algérie… Ce qui est loin d'être le cas actuellement dans notre pays. Taux de chômage et emploi : qui a raison l'ONS ou le gouvernement ? Ces contradictions flagrantes dans les chiffres, pourtant officiels, montrent clairement le manque de fiabilité des statistiques dans notre pays. Compte tenu de toutes ces divergences dans les statistiques, l'on est tenté de dire que d'une manière ou d'une autre, l'un de ces trois acteurs à savoir, l'ONS, le FMI ou le gouvernement a menti. Sur un autre registre, le montant des 28,8 milliards de dollars d'investissements réalisés durant la même période prouve, affirme Salah Mouhoubi, que le plan quinquennal du président évalué à 286 milliards de dollars, se réalise apparemment sans problèmes majeurs. Ce chiffre avancé par l'exécutif est, d'après Mouhoubi à relativiser. “Grosso-modo, l'on prévoit, dans ce plan qui s'étalera jusqu'à 2014, des investissements de l'ordre de 70 milliards de dollars/an. Le chiffre des 28 milliards de dollars paraît à mon avis fondé puisqu'il est conforme aux prévisions”, relève l'expert. à présent, la problématique à laquelle fera face l'Algérie, c'est de savoir, dit-il, si l'état aura toutes les capacités nécessaires pour pouvoir poursuivre cet effort de développement dans un contexte mondial caractérisé par une crise boursière qui frise le krach. La crise de la zone euro et les perspectives sombres de l'économie américaine sont appréhendées par tous les observateurs. Une telle éventualité aurait, évidemment un impact négatif sur la demande énergétique mondiale. Ce qui va engendrer des conséquences néfastes sur les revenus des pays producteurs de pétrole. Et l'Algérie, bien entendu, ne sera pas épargnée par cette probable récession mondiale. En 2009, notre pays a connu, rappelle Salah Mouhoubi, une situation pareille où à cause de la récession, ses revenus ont enregistré une baisse de moitié par rapport à 2008. L'Algérie demeure toujours un pays vulnérable aux chocs extérieurs du fait de sa grande dépendance des hydrocarbures. “Notre pays doit impérativement construire une économie densifiée, diversifiée en dehors des hydrocarbures”, suggère le Dr Mouhoubi. Outre l'amélioration des capacités productives, il faut aboutir, propose-t-il, dans les plus brefs délais, à une “économie sans subventions”. Ce sont autant d'éléments à résumer en une feuille de route à intégrer dans le projet de réformes économiques et politiques qui sera soumis au pays prochainement.