Un univers étoffé d'images de rêve et de cauchemar… métaphores du conflit intérieur des personnages, des sentiments profonds et troubles, des angoisses. Présentée vendredi soir au Théâtre régional de Batna, la pièce Escurial el Mahzala, une production de l'association culturelle de Djilali Ben Abdelhalim du théâtre de Mostaganem, est une adaptation de la pièce Escurial, un drame en un acte écrit par Michel de Ghelderode. Ce huis clos entre un roi et son bouffon, qui décident d'échanger pour un moment leur rôle, n'était pas du goût du public qui a évacué la salle. En fait, le spectacle présenté n'avait rien de ce portrait grinçant de la nature humaine. Le roi et Folial (son valet) sont des reflets de nos propres angoisses, l'expression scénique du tragique de la nature humaine. La pièce, une véritable tragédie, nous raconte l'histoire d'un roi fou, enfermé avec son bouffon dans son palais décrépi, dans un royaume décadent. Par jeu, par défi ou par pure cruauté, le roi impose au bouffon soumis qui l'accompagne un jeu étrange : pour un temps, ils inverseront leurs attributs et leurs fonctions. Bon gré, mal gré, le bouffon s'exécute, mais il se prend au jeu et, au moment de restituer au roi son sceptre et sa couronne, il les garde et tente de conserver le pouvoir. Le roi le fait alors mettre à mort par son bourreau. Un univers étoffé d'images de rêve et de cauchemar… métaphores du conflit intérieur des personnages, des sentiments profonds et troubles, des angoisses. Les personnages se situent dans un état d'extrême conscience. Leurs actes peuvent être horribles, amusants et délirants. Interviennent des scènes de confusion mentale entre rêve et réalité. Au-delà d'un conflit personnel, on accède aux sentiments enfouis d'une humanité dont il ne reste que les instincts primaires de survie. Toute la scène se déroule à Escurial, qui évoque l'immense palais situé à l'ouest de Madrid, construit à la fin du XVIe siècle. Mais la pièce est traversée par beaucoup de moments difficiles. Dès le début, on ne voit pas ce roi, inquiété par la mort imminente de la reine ; ce roi dégénéré, morbide qui mélange à tout moment le rire et le chagrin. Le spectateur constate tout simplement un personnage, qui oblige son bouffon à lui avouer l'amour qu'il éprouvait pour la reine, cette pauvre femme à l'agonie dans ce palais où rode la mort. On ne ressent pas ce monde bizarre où se mélangent mystique et sensualité, grandeur et bouffonnerie au moment où le roi va jouer le rôle de son bouffon pour connaître les véritables sentiments de celui-ci vis-à-vis de la reine. La pièce est fade et sans attraits. Même le décor ne fait pas évoluer l'histoire dans son cadre naturel, dans l'Escurial, le fameux palais espagnol. À l'issue de la pièce, certains hommes de théâtre de Batna, ont trouvé que la pièce est traduite à l'arabe parlée avec une simplification de rédaction ou une réduction du volume, sans que les membres de la troupe opèrent un grand travail de profondeur, ce qui a créé d'ailleurs, comme tout le monde a pu constater, une déformation, un détournement de sens, une trahison par rapport à l'œuvre d'origine. Les membres de la troupe qui ont mis en scène la pièce Escurial El-Mahzala nous ont laissé penser que nous n'étions pas dans un conte de fées, ce qui a réduit, considérablement la portée de l'œuvre.