La crise financière internationale vient à point nommé pour nous rappeler le prix à payer pour les pays qui se sont laissé aller à vivre au-dessus de leurs moyens sans penser à l'avenir. Cette crise est la résultante de plusieurs dérapages, mais retenons celui dû à l'endettement. Ces pays ont profité de l'endettement pour se permettre un niveau de vie, de loin supérieur à leurs moyens de création de richesse et de mobilisation d'épargne à l'avenir. Leurs responsables politiques, ayant refusé d'écouter les avertissements d'experts, se trouvent à faire face à une crise structurelle généralisée à différentes nations, sans moyens pour y faire face. Ils ont fait vivre leurs populations dans le leurre de la richesse importée ! Qu'en est-il en Algérie ? En réalité, l'Algérie s'est installée dans une crise structurelle grave, bien avant celle vécue par les pays développés. L'attention est actuellement focalisée sur le risque que peuvent encourir les réserves de changes déposées à l'étranger. Or, ce qu'il faut bien noter, c'est que la source d'accumulation de ces réserves étant les exportations d'hydrocarbures et non l'épargne du travail des algériens, ce sont des pertes définitives à leur naissance. En effet, nous disposons de 173 milliards $, accumulés à la suite d'exportation d'hydrocarbures. En clair, cela signifie que si nous retenons un prix du baril à 100 $ (le prix affiché actuellement), c'est l'équivalent de 1,7 milliard de barils de pétrole extraits du sous-sol algérien et déposés à l'étranger. C'est l'équivalent de 20% de nos réserves prouvées de pétrole ! Comme j'ai eu à le dire à différentes occasions, l'économie algérienne se distingue par la transformation d'une réserve non renouvelable (les hydrocarbures) en une réserve volatile (les dollars déposés à l'étranger). Chaque baril de pétrole extrait du sous-sol est, au départ, une perte pour les générations futures. Cela deviendra un gain par la manière efficiente dont sont utilisées les recettes générées des ventes de ce pétrole. Que peut-on faire de ces 173 milliards $ ? Les faire fructifier pour qu'ils passent de 173 à 200 ou plus. Laisser faire et les voir perdre de leur valeur ! Mais quelle conséquence pour le développement national ? Rien. Dans l'état actuel de l'économie algérienne, la seule utilisation pouvant avoir des effets positifs sur l'économie, c'est de les utiliser pour financer des importations d'équipements, tout en réduisant les exportations d'hydrocarbures. Mais alors, c'est la baisse des recettes fiscales pour financer le budget de l'Etat qui dépend à 77% de la fiscalité pétrolière réalisée sur les exportations d'hydrocarbures. Voilà le piège dans lequel se sont enfermés les responsables de cette politique de gaspillage de nos réserves d'hydrocarbures, non renouvelables et de dépenses publiques avec peu d'effets sur la création de richesses ! Une économie, qui ne dispose pas d'une monnaie convertible au niveau de la balance des capitaux, n'a besoin de réserves de changes que pour assurer une liquidité suffisante pour réaliser les opérations d'importation de biens et de services. Lorsque le niveau de réserves en devises couvre trois mois d'importations, c'est bien. Si c'est six mois, c'est excellent ! Mais au-delà, c'est du gaspillage ! Cette politique a placé l'économie dans une situation suicidaire pour aujourd'hui et meurtrière pour demain. En augmentant de façon inconsidérée des dépenses publiques, sans effet notable, sur la création de richesses et en utilisant la fiscalité pétrolière comme source principale des recettes budgétaires, l'on se trouve à extraire de plus en plus d'hydrocarbures du sous-sol. Comme la fiscalité pétrolière, qui est libérée sur les exportations d'hydrocarbures, couvre 77% des recettes budgétaires directement et autour de 85% indirectement, le gouvernement se trouve pour des raisons budgétaires, mais non pour les besoins de la balance des paiements à extraire de plus en plus d'hydrocarbures au détriment des générations futures. On se trouve à gonfler un niveau de réserves de changes tout à fait inutiles pour l'économie interne, parce qu'on n'a pas de ressources alternatives pour réaliser les investissements d'infrastructures et même pour payer les fonctionnaires autrement qu'en exportant le pétrole. Plus on parle de l'après-pétrole, plus on s'enfonce dans le pétrole ! Il faut noter que le programme d'investissement de 286 milliards $ ne sera pas financé par les réserves de changes. Celles-ci servent à financer les importations. Il sera financé, dans le cas algérien, par des recettes fiscales pétrolières. Lorsque nous parlons de 286 milliards $ d'investissements, nous ne parlons pas d'une épargne réalisée sur des revenus permanents renouvelables à partir de notre travail ou notre développement technologique, mais d'extraction en quelques années d'un patrimoine non renouvelable que la nature a mis des centaines de millions d'années pour constituer. Les réserves de changes accumulées et les dépenses budgétaires réalisées sont une dette non remboursable qu'auront à payer les générations de l'après-2020 ! Le pays se place dans une impasse financière qui déclenchera immanquablement des émeutes non maîtrisables. J'ai appelé dans le Manifeste pour une Algérie nouvelle à la constitutionnalisation de l'utilisation des recettes d'exportations d'hydrocarbures. C'est le moment de s'en inquiéter sérieusement. Quel avenir pour les générations futures ? Des réserves d'hydrocarbures sur la voie de l'épuisement. Des constructions et des infrastructures sans développement qui vont exiger plus d'exportations de ressources naturelles pour financer leur maintenance et leurs frais d'exploitation. Un budget de fonctionnement appelant à plus d'exportation d'hydrocarbures pour combler un déficit très élevé. Autrement dit, un fort besoin d'exportation des hydrocarbures face à des réserves de plus en plus rares. Y a-t-il un capitaine dans le navire qui chavire lentement mais certainement ? A. B. Réagissez à cet article en envoyant vos commentaires sur [email protected]