Un politique français pas comme les autres, Arnaud Montebourg, candidat à la primaire du Parti socialiste en prévision de la présidentielle de 2012, se déclare publiquement très favorable à assumer le passé colonial de la France en Algérie. La question de mémoire est un “point central” pour renforcer la relation entre les deux, a-t-il jugé, hier, lors d'un point de presse qu'il animé à Alger à l'issue de sa deuxième journée d'entretiens avec des officiels et des représentants politiques algériens, dans le cadre de sa visite de campagne. “Assumer l'histoire” est même une initiative politique chez M. Montebourg qui reconnaît qu'“il faut se mettre d'accord que la colonisation a été condamnée par l'histoire”. Vantant ses origines franco-algériennes, fier d'avoir un grand-père maternel algérien, (il s'appelait Khermiche Ould Cadi), il condamne toutefois aussi bien la “glorification” du colonialisme que sa “criminalisation” pour appeler les responsables des deux pays à trouver une issue favorable à la crise née de cette question de mémoire, et œuvrer à construire des “passerelles d'avenir et ne plus ressasser le passé”. “Je ne vois aucun problème à assumer le passé colonial ; la reconnaissance est de la responsabilité de la France”, a-t-il renchéri, lui qui juge que les Français se doivent d'agir vis-à-vis de l'Algérie autant qu'ils l'ont fait auparavant avec l'Allemagne ou encore Madagascar. À une question sur le visa d'entrée entre les deux pays et la libre circulation des personnes, le candidat du parti socialiste a eu cette réplique originale : “Moi, je revendique ce que j'appelle la fin définitive de la guerre d'Algérie !”. Pour lui, s'il est normal qu'il y ait un contrôle des personnes rentrantes dans un pays comme dans l'autre, il faut, en revanche, établir des “rapports normaux, mais aussi un couloir d'amitié” entre les deux pays. Aussi, ajoute-t-il, il faut qu'il y ait une sorte “d'exception et de bienveillance” pour l'octroi des visas pour les citoyens des deux pays, et pourquoi pas donner “une autre orientation à notre coopération, et faire un peu comme durant la période d'avant 1986”. Interrogé, par ailleurs, sur sa vision et son analyse sur l'évolution des réformes engagées par le président Bouteflika en Algérie, dans la foulée des révoltes populaires des pays arabes, Arnaud Montebourg juge qu'il y a encore “hésitation et crainte” à mener ce chantier. L'hésitation s'explique, selon lui, par le fait notamment que les Algériens sont encore victimes de leurs réflexes se situant entre le “conservatisme” et des “aspirations innovatrices”. Devant l'“absence de débouchées politiques” ayant provoqué les révoltes des peuples arabes, explique encore le socialiste français, l'Algérie, même si elle a vécu une expérience similaire il y a 20 ans, est appelée à “évoluer”. M. Montebourg, qui préconise de “faire confiance au peuple”, ne manque pas l'occasion d'avertir les peuples arabes qui veulent se débarrasser de la dictature politique, de ne pas tomber dans les bras d'une autre, en œuvrant à barrer la route au courant intégriste susceptible d'accaparer le pouvoir. Abordant le conflit libyen, le député et président du Conseil général de Saône-et-Loire a déclaré que “nous avons été indignés des conditions dans lesquelles le gouvernement Sarkozy s'est approché de Kadhafi, même s'il a du sang dans les mains”. S'il dit qu'il respecte la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, stipulant la protection des populations, M. Montebourg s'en prend à Sarkozy qui s'acharne à chasser Kadhafi, alors que le droit international est clair. Le candidat du Parti socialiste assimile le conflit libyen au scénario irakien d'où son accusation contre Sarkozy de “dérive progressive”. Selon M. Montebourg, les “dérives” de Sarkozy ne se limitent pas à ce conflit, mais aussi à d'autres conflits en Afrique. Il reproche à ce dernier d'avoir “renforcé la Françafrique”, mais aussi et surtout d'avoir “injurié l'âme africaine”, lors de son discours prononcé à Dakar. La politique interne de Sarkozy n'est pas moins critiquable aux yeux du candidat socialiste qui prévoit d'ores et déjà la mission délicate du futur président français lequel, dit-il, aura à gérer “les graves dérives de 10 ans de Sarkozysme”.