La question du logement, couplée à celles du pouvoir d'achat et du chômage des jeunes, constitue le terreau où naissent et se développent toutes les contestations qui émaillent quotidiennement la scène économique et sociale nationale. Pour des milliers d'Algériens, le logement détermine leur vie. Se marier, fonder un foyer, accéder à un emploi, avoir des enfants, sinon quel espoir ? Une aspiration à laquelle tout le monde a le droit légitime de prétendre. Il est vrai cependant que le secteur du logement est caractérisé, ces dernières années, par une activité remarquable, perceptible à travers les réalisations déjà effectuées durant le plan quinquennal 2005-2010 et d'autres en cours de livraison. Lors de la réunion d'évaluation du secteur de l'habitat, tenue dans le cadre des auditions présidentielles, le bilan des réalisations à fin 2009 fait état de la livraison de 1 045 000 logements, dont 59% urbains et 41% ruraux. A la fin de la même année, le parc national de logements a atteint 7 090 000. Le taux d'occupation, quant à lui, a enregistré une baisse significative, passant de 5,79 personnes par logement en avril 1998 à 4,49 à fin 2009. Pour ce qui est du plan 2010-2014, 2 000 000 de logements sont programmés, dont 1 200 000 seront livrés durant la période quinquennale. Parmi ces habitations, 800 000 devront être de nature socio-locative et le reste (1 200 000) bénéficiera de l'aide de l'état (logements socio-promotionnels et ruraux). Dans ce même contexte, il est prévu la résorption de l'habitat précaire pour son éradication totale. Il reste que cette dynamique, dont les retombées sociales et économiques sont indéniables en termes de croissance, de création d'emplois et de relance de l'investissement, devra tendre vers plus de qualité, de maîtrise des coûts et de transparence dans les critères et les modalités d'affectation des logements. Par ailleurs, les pouvoirs publics seraient bien avisés de combattre plus énergiquement deux fléaux qui tendent à devenir structurels dans ce secteur. Le premier est relatif à la corruption, notamment au niveau des collectivités locales. Personne n'ignore que, compte tenu du bas prix de cession des logements socio-participatifs, par rapport aux prix du marché de l'immobilier, certains citoyens recourent à la “chipa” pour acquérir un appartement ? L'autre problème que tout un chacun sait, au moins par ouïe-dire, c'est la reconstitution quasi automatique des habitations précaires par certains bénéficiaires de logements eux-mêmes, qui n'hésitent pas à les revendre en renchérissant sur les prix. C'est probablement pour lutter contre ces phénomènes pervers que le projet de loi de finances 2012 prévoit la réintroduction de l'incessibilité du logement social pour une durée de 10 ans. Selon Nourredine Moussa, ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, lors de sa dernière prestation radiophonique, “la réinstauration de l'incessibilité des logements sociaux pour une durée de 10 ans vise à mieux contrôler le marché locatif pour éviter les détournements spéculatifs des logements sociaux participatifs”. à l'évidence, la question du logement et de l'amélioration du cadre bâti se décline aujourd'hui comme une problématique, à la fois cruciale et complexe, qui est au cœur des revendications sociales. Dans le sillage de cette dynamique ambitieuse de réalisation de logements à l'horizon 2014, selon M. Moussa, en marge du Logimmo 2011, “le programme global de réalisation de logements 2010-2014 est de 2 400 000 unités et coûtera à l'état 50 milliards de dollars” — loin de compenser les besoins. L'on ne peut, au vu des chiffres officiels affichés, que s'interroger sur les raisons du mécontentement des citoyens de cette politique. Cela est probablement dû à un faisceau de facteurs croisés, dont principalement le scepticisme de nombreux Algériens à pouvoir accéder à un logement, compte tenu de l'injustice avérée dans les critères de répartition des habitations. Cette injustice a été reconnue par le même ministre : “Le système d'attribution des logements sera amélioré, et les conditions d'octroi révisées. Il faut qu'il y ait un esprit de responsabilité dans la distribution des logements.” Au demeurant, il ne se passe pas un jour sans que des émeutes, parfois violentes, éclatent à chaque affichage, par les communes, de la liste des bénéficiaires des nouveaux logements. Parmi les autres facteurs, il y a lieu de noter les pesanteurs bureaucratiques, la survivance des réticences des banques publiques à jouer pleinement le jeu en termes de financement, notamment des projets de promotions immobilières privées, l'accès aux assiettes de terrains viabilisés, les difficultés que rencontrent les potentiels acquéreurs individuels à obtenir des crédits bancaires soumis à des cautions de garantie… Ces efforts considérables, il faut bien le souligner, ont été salués par Mme Ronik, experte en logement et urbanisme, déléguée onusienne aux droits de l'homme, lors de sa visite en Algérie en juillet 2011 : “J'ai apprécié l'effort considérable en matière de logement social, gratuit et vraiment dirigé vers les nécessiteux, et l'inversion budgétaire de l'état dans ce domaine, à considérer un contexte où la tendance mondiale montre un désengagement des états en matière de logement.” Tempérant ses propos optimistes, elle a ajouté : “Il y a crise de logement et le déficit est structurel.” Elle impute ce déficit à plusieurs facteurs, tels que les pressions économiques dans le passé, liées à l'effondrement des prix du pétrole, l'exode rural massif durant les années du terrorisme, aux prix inflationnistes de l'immobilier… Ce faisant, elle préconise une diversification des solutions à la problématique du logement, en liant cette dernière à “l'impératif de démocratiser le traitement du dossier en impliquant davantage la société civile qui pourrait remettre en question la rigidité uniforme des critères d'attribution et éviter le cycle infernal des émeutes”. A. H.