Consternation et incompréhension, tel est le sentiment qui dominait chez les proches et les membres du comité de soutien à Karim Siaghi, le 1er décembre dernier devant la cour d'Oran, en apprenant la décision du juge de demander un complément d'information. Condamné en première instance à 5 ans de prison ferme pour prosélytisme et offense au Prophète Mohammed, à la suite de la dénonciation d'un voisin, le jeune homme de 29 ans converti au christianisme, avait été jugé en appel le 18 novembre dernier et le verdict mis en délibéré jusqu'au 1er décembre. Un vaste mouvement de solidarité et de soutien à K. Siaghi, relayé par les réseaux sociaux, était né “au nom de la liberté de culte garantie par la Constitution”, alors que lors de sa condamnation, le magistrat avait évoqué la conversion au christianisme comme argumentaire, employant même le terme “d'apostasie”. Ce complément d'information demandé par le magistrat jeudi est, selon l'un des avocats du jeune homme, “une procédure somme toute normale” mais qui n'est pas sans signification. Et de déclarer : “Dans une autre affaire, au vu du dossier vide, cela aurait été la relaxe pure et simple. Mais là, il s'agit d'une accusation d'offense au Prophète.” Les motivations du magistrat s'expliqueraient par l'absence, lors des deux audiences, de la personne accusant Siaghi d'avoir insulté le Prophète Mohammed. “Nous avons souligné que ce dossier était vide puisque l'accusateur était absent, nous ne l'avons jamais vu, il n'y a même pas un PV d'audition de ce dernier et aucune preuve matérielle contre mon client”, n'a cessé de répéter le défenseur du jeune homme, et ce, d'autant plus que l'accusé a toujours nié avoir insulté le Prophète Mohammed. En l'état, c'est une anomalie du dossier qui devrait être réparée avec la convocation à nouveau du prévenu d'ici 15 jours et la convocation fort probable de l'accusateur. Pour nombre de présents, la situation politique prévalant à l'heure actuelle dans le monde arabe pèse indirectement sur ce dossier qui prend ainsi une autre tournure. Quant aux membres du comité de soutien, une quinzaine de personnes, là aussi, leur première des réactions a été de manifester devant les grilles de la cour d'Oran. Scandant : “halte à la hogra”, “le peuple veut un Etat de droit”, brandissant également des banderoles où l'on pouvait lire : “liberté de culte égale liberté de conscience” ou encore “abrogation de la loi de 2006”. Aussitôt, des renforts de police arrivent sur les lieux et un dispositif policier se met en place à l'intérieur du tribunal. Au bout d'une heure, le calme est revenu aux abords de la cour. Pour le comité de soutien, c'est à nouveau un long travail de mobilisation qui va être relancé dès aujourd'hui, l'affaire n'étant pas close. D. LOUKIL