Alors que le procès se déroulait dans la salle d'audience, dehors une soixantaine de personnes, dont des personnalités politiques, se sont rassemblées, à l'appel conjoint de la CNCD-Oran et du comité de soutien au jeune converti. Le procès en appel du jeune Algérien converti au christianisme s'est ouvert jeudi après-midi. Dans une salle d'audience très attentive et archicomble de la cour d'Oran, avec une présence policière plus marquée que d'habitude, le magistrat demande à Karim Siaghi s'il veut ajouter quelque chose. Ce dernier réclame alors l'annulation de sa condamnation à 5 ans de prison ferme, prononcée en première instance. Le magistrat décide alors la mise en délibéré du verdict pour le 1er décembre. La salle d'audience se vide alors calmement, et sur les visages des proches de Karim, de ses deux avocats et de tous ceux qui se sont mobilisés autour de lui un relâchement est perceptible. En effet, dans cette affaire de “prosélytisme et d'insulte au Prophète”, puisque ce sont les faits reprochés à ce jeune homme de 29 ans, converti au christianisme depuis 2006, et lui ayant valu, en mai dernier, cette condamnation à 5 ans de prison, une mobilisation sans pareil s'est créée autour de lui et “au nom de la liberté de penser, de la liberté de culte reconnue par la Constitution.” Un rassemblement de plus d'une soixantaine de personnes à l'appel de la CNCD-Oran et du comité de soutien à Karim Siaghi a eu lieu devant la cour d'Oran, avec la présence de personnalités politiques, de moudjahidine originaires de Tlemcen, des jeunes, du représentant de la LADDH et de l'Eglise protestante d'Algérie, d'Arezki Aït Larbi représentant du collectif SOS Liberté. Pour Me Khemisti, l'un des deux défenseurs, le déroulement des débats, jeudi, laisse espérer une issue heureuse. “Le magistrat a bien restitué les faits et l'affaire en déclarant d'emblée qu'il n'était pas question dans ce tribunal de religion où de la question de la conversion au christianisme de mon client… La seule chose qui devait être évoquée, c'est cette accusation d'insulte au Prophète.” C'est ainsi, qu'une fois l'affaire replacée dans son contexte uniquement du droit, la défense mettra en relief le vide du dossier puisqu'aucune preuve n'a été apportée sur l'offense au Prophète dont se serait rendu coupable Karim Siaghi, qui, d'ailleurs, l'a toujours nié. Par ailleurs, l'absence depuis le début de l'affaire de la personne ayant dénoncé le jeune homme a été mise en avant par la défense, faisant encore remarquer qu'il n'existait même pas un PV de police sur l'audition de l'accusateur et que, par conséquent, aucune preuve matérielle n'avait été produite. Mais, par-delà les plaidoiries de ce procès en appel, c'est le contenu du jugement en première instance, qui avait provoqué une levée de boucliers et des indignations ayant dépassé les frontières de l'Algérie. En effet, dans les arguments notifiés dans le jugement de première instance, le magistrat avait fait référence à la conversion au christianisme de l'inculpé et d'employer le terme “d'apostasie”. Plus grave, les avocats font remarquer que ce même magistrat a justifié la peine qu'il a prononcée en expliquant que “de part sa conversion, Karim Siaghi était coupable.” Ce qui fera dire à tous les présents que c'était là un jugement “inquisiteur, inacceptable et prononcé au nom de conviction personnelle et non selon le droit.” Par ailleurs, nous apprenons que le magistrat ayant prononcé la peine de 5 ans en première instance a été muté. Ce qui sonne un peu comme une sanction qui ne dit pas son nom. Interrogé par nos soins, Karim se dira confiant quant à l'issue de ce procès en appel, remerciant tous ceux et celles qui le soutiennent, et aspirant à retrouver la paix. Le représentant de l'Eglise protestante d'Algérie, Krim Mustapha, présent à la cour d'Oran jeudi, demande à nouveau l'abrogation de la loi 2006, ou du moins son amendement. “Je suis Algérien chrétien et je vis ma foi au jour le jour, je crois Karim quand il dit qu'il n'a pas offensé le Prophète. Nous n'avons pas besoin de cela mais d'être reconnus comme des citoyens à part entière ; notre religion ne doit pas faire de nous des Algériens de seconde catégorie”, et de conclure en déclarant encore une fois qu'il “serait important d'entendre le premier magistrat du pays, qu'il se positionne, puisque c'est lui qui a signé la loi de 2006.” Les comités de soutien entendent maintenir leur mobilisation jusqu'au 1er décembre, date pour eux de “l'acquittement de Karim Siaghi.” D. LOUKIL