Des professeurs en médecine considèrent que c'est le système de santé qui est à l'origine des blocages et ce, sans compter la frilosité des donneurs. La problématique de la greffe d'organes a été longuement débattue, dans la soirée de jeudi au Sénat, par des praticiens, des hommes du culte et des membres du gouvernement. Le Pr Sadek Belloucif (chef de service au CHU Amiens, France) a exposé l'évolution de ce procédé médical de la première greffe rénale en 1954 et de cœur en 1967 à nos jours. À partir de là, il a indiqué que l'Algérie se classe à la dixième place en matière de transplantation d'organe dans le monde arabe, très loin après l'Arabie saoudite. “En l'absence de statistiques officielles, il est difficile de donner des chiffres fiables”, a souligné le conférencier. Le ministre de la Santé a révélé que 400 patients algériens ont bénéficié de greffes d'organes, dont plus de la moitié à l'étranger grâce à des prises en charge de la Caisse nationale de la sécurité sociale. Le Pr Laïdli, chef de service de la médecine légale au CHU Bab-El-Oued, a affirmé que le chiffre annoncé prend en compte les transplantations pratiquées en Algérie depuis au moins la fin des années 1990. Ce qui donne une proportion très faible comparativement à la demande (environ 2 000 insuffisants rénaux ont besoin d'une greffe en urgence chaque année). Le ministre de la Santé a soutenu, par ailleurs, que “la greffe d'organe est actuellement un axe important de la politique de santé publique”. Il a annoncé que plusieurs centres sont ouverts à travers le territoire national, dont deux centres de greffe de la moelle osseuse. Une banque de tissus et d'organes verra bientôt le jour. “C'est le flou juridique qui freine les initiatives des praticiens”, a-t-il noté. Les médecins présents dans la salleont été quasi unanimes à soutenir le contraire. “La législation algérienne est très permissive sur le don ou le prélèvement d'organes sur des morts. La religion ne s'y oppose pas. Il ne faut pas chercher des alibis. C'est le système de santé qui a reculé sur ce plan-là”, ont asséné le Pr Chaouch et nombre de ses collègues. La loi 85-05, du 16 février 1985, révisée en 1990, autorise le don et surtout le prélèvement d'organes sur les cadavres, mais sous des conditions relativement correctes. À titre d'exemple, le donneur vivant doit être majeur, jouissant de toutes ses facultés mentales et consentant. Il ne doit en aucun cas demander une compensation financière. La transplantation des organes de reproduction est interdite, car ces derniers contiennent les empreintes génétiques. La mort encéphalique doit être dûment constatée par un médecin avant d'autoriser un prélèvement d'organes. Et ce, sous réserve que la famille donne son accord. Dès 1972, la Commission nationale des fetwas a affirmé que l'islam n'interdit nullement le don d'organes. En 1990, le Haut conseil islamique a carrément autorisé le prélèvement d'organes sur les morts. Dans le monde musulman, certains exégètes enlèvent même la prohibition sur les xénogreffes, à condition que les organes ne proviennent pas d'animaux proscrits à la consommation. “Au stade actuel de la science, le corps humain est la seule réserve d'organes. Tout prélèvement sur des animaux bute sur des risques virologiques et des valeurs morales”, a affirmé un praticien de Blida. C'est justement la frilosité des donneurs vivants et surtout le refus de la plupart des familles à permettre ce qu'elles considèrent comme “une profanation” du corps du défunt qui constituent les véritables obstacles à la généralisation de la transplantation d'organes. Souhila H.