On sait que les réserves d'énergies fossiles sont condamnées peu à peu à disparaître. L'avenir est donc désormais aux énergies renouvelables et notamment, à brève échéance, à la production d'électricité d'origine solaire. Notre pays veut parier résolument sur ce segment énergétique en s'insérant concrètement dans ces nouvelles orientations. Ainsi, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a-t-il assisté, tôt dans la matinée de vendredi, au siège de la Commission européenne — et en la présence du Commissaire européen à l'Energie, Gunther Oettinger —, à la signature d'un accord portant sur la collaboration future entre Sonelgaz et la société Desertec Industial Initiative (DII). Un projet qui concerne 56 partenaires issus de 15 pays souhaitant mettre en œuvre les conditions nécessaires en vue d'une mise en pratique accélérée du projet de production d'énergie solaire Desertec. Paul Van Son, le directeur général de DII, a estimé que l'Algérie est “le parfait endroit pour l'électricité d'origine solaire.” Il a ajouté qu'il était “heureux que les autorités algériennes soient déterminées à développer les énergies renouvelables à grande échelle et de créer des industries locales génératrices d'emplois”. Pour Noureddine Boutarfa, P-DG de Sonelgaz, “le développement des énergies renouvelables est un axe stratégique pour l'Algérie, qui veut s'engager dans une nouvelle ère d'origine renouvelable en intégrant dans son mix énergétique près de 40% d'électricité d'origine renouvelable d'ici 2030. Si les conditions le permettent, il est même prévu l'exportation de 10 gigawatts d'électricité solaire vers l'Europe.” L'accord signé vendredi à Bruxelles appelle aussi d'autres partenaires tels que la récente association des Transporteurs de l'électricité de la Méditerranée Metso ou encore Medgrid, le Comité maghrébin de l'électricité. Outre la signature de cet accord, la Commission européenne a organisé une journée euro-algérienne sur “le développement du partenariat dans le domaine des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique”. L'Europe a besoin d'énergie car la demande va croître au cours des prochaines années. Ainsi, d'ici 2020, on prévoit que le Vieux Continent éprouvera la nécessité d'utiliser quotidiennement 40 millions de barils de pétrole supplémentaires. L'Europe souhaite diversifier et sécuriser ses approvisionnements de gaz, et plusieurs pays de l'Union, comme l'Allemagne, ont décidé de fermer leurs centrales nucléaires en privilégiant l'énergie solaire. La problématique des gaz à effet de serre, les engagements pris depuis Kyoto ou Durban mais aussi la catastrophe de Fukushima ont entraîné de nouvelles orientations nationales. C'est dans ce contexte particulier que l'Algérie offre un potentiel considérable en matière de production d'électricité solaire, avec un territoire de 2 400 000 km2 bénéficiant d'une durée annuelle d'ensoleillement exceptionnel de 2 500 à 3 500 heures et d'une radiation solaire directe de 2 700 kw par m2 et par an. 12 000 mégawatts d'origine solaire ont été projetés pour répondre aux besoins nationaux, et Sonelgaz a envisagé également la production de 10 000 mégawatts pour l'exportation. Ces projets sont ouverts à un partenariat gagnant-gagnant mais les 10 000 mégawatts destinés à l'exportation seront nécessairement portés en partenariat de telle sorte que les risques soient partagés. D'ores et déjà ; plusieurs chantiers sont programmés, tels que l'implantation d'un million de km2 de panneaux photovoltaïques dans le Grand Sud, la géothermie à l'est du pays ou des fermes pilotes utilisant de l'énergie éolienne. Mais on comprendra que le solaire tient la cote même s'il reste pas mal d'obstacles à franchir, comme ceux liés par exemple aux investissements dans les infrastructures de transport de l'électricité et celui des interconnexions avec l'Europe. La coopération devra s'étendre aussi au transfert de technologie, à la formation et au partage des expériences. Déjà, à l'université de Boumerdès on travaille au développement du photovoltaïque, et le ministre Yousfi a tenu à annoncer qu'une “Ecole des renouvelables va démarrer bientôt en Algérie”, associée à d'autres institutions qui pourraient lui apporter leur appui. Et le programme se montre particulièrement agressif puisque sur la période 2011-2013, il est prévu un taux d'intégration de l'industrie algérienne de 60% en solaire photovoltaïque. À l'horizon 2020, l'objectif est d'atteindre un taux d'intégration des capacités algériennes de 80%. Par ailleurs, il est attendu qu'un réseau de sous-traitance soit mis en œuvre pour la fabrication des onduleurs, des batteries, des transformateurs, des câbles et autres équipements entrant dans la construction d'une centrale photovoltaïque. Le renouvelable est bien porteur d'emplois. Une usine de fabrication de modules photovoltaïques est, en effet, en voie de réalisation, suivie bientôt d'une entreprise de silicium, alors que d'autres applications sont prévues, comme le dessalement des eaux saumâtres et la climatisation. En matière d'énergie thermique, le lancement des études pour la fabrication locale des équipements de la filière solaire thermique est programmé et, entre 2014 et 2020, trois projets majeurs seront menés en parallèle à des actions de renforcement des capacités d'engineering : la construction d'une usine de fabrication de miroirs, la construction d'une usine d'équipements de fluide caloporteur et de stockage d'énergie et la construction d'une usine pour la fabrication des équipements du bloc de puissance. “Un Commissariat aux énergies renouvelables, en voie de création, permettra de cerner les différentes actions et de mobiliser l'ensemble de nos potentialités pour la réalisation de notre programme”, a lancé Youcef Yousfi, “et ce programme nous souhaiterions le réaliser avec nos partenaires, notamment les entreprises européennes. C'est un partenariat à long terme, mutuellement bénéfique que je vous invite à développer avec nos entreprises”, a-t-il ajouté. Bien que ces options nouvelles soient accompagnées de mesures incitatives et fiscales, le partenariat euro-algérien en matière d'énergies renouvelables pose également la problématique du retour sur investissements, et la règle récurrente des 51/49 pour cent n'a pas échappé aux discussions lors de cette importante journée bruxelloise qui témoigne de l'engagement de l'Algérie dans Desertec initialement boudé par elle pour des questions de forme, selon les propos de Youcef Yousfi. Le président-directeur général de Sonelgaz, Noureddine Boutarfa, a néanmoins tenu à préciser que ses services examinaient comment amener les partenaires déjà présents sur le marché algérien à être dispensés de cette règle des 51/49 pour cent en observant que Sonelgaz avait été assez souple dans l'application de cette règle. En effet, la majorité du capital doit être réservé localement aux Algériens mais rien n'empêche deux opérateurs locaux de détenir chacun, par exemple, 26 et 25%, ce qui pousserait un opérateur étranger à devenir majoritaire avec 49% du capital… A. M.