En parlant de 15% d'Algériens massacrés par les Français entre 1945 et 1962, le Premier ministre turc, qui reste loin du compte, aura le mérite d'avoir relancé la polémique sur la nature de la présence française dans notre pays, dont le but était tout simplement d'effacer l'identité algérienne. Jusque-là, l'Organisation des Nations unies ne reconnaît comme génocide que le massacre des Arméniens de 1915, celui des Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale a été reconnu par la cour de Nuremberg en 1945 et a même servi de point de départ à la définition du terme, ainsi que ceux des Tutsis au Rwanda en 1994 et des Bosniaques de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine) en 1995, qui ont été qualifiés de génocide par les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie. Mais, rien sur le million et demi de martyrs algériens tués par la France en 132 ans de présence en Algérie, parce qu'ils se révoltaient contre l'occupation pour recouvrer leur liberté. L'instance onusienne n'a certainement rien fait en ce sens, pour n'avoir pas été saisie par qui de droit. Il n'est d'ailleurs pas trop tard pour le faire, car à voir de plus près, l'œuvre colonialiste de la France avait pour seul but de faire de l'Algérie un territoire français par tous les moyens. C'est pire qu'un génocide, dont la définition, selon les termes de la convention des Nations unies du 9 décembre 1948, est : “Un génocide est un acte commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.” Selon la même source, “cet acte peut être un meurtre, mais aussi une atteinte grave à l'intégrité mentale ou une mesure anti-natalité, l'essentiel étant que l'acte soit dirigé intentionnellement contre un groupe donné”. Pour l'historien Yves Ternon sur Le Monde.fr, “cette définition est imprécise, et il est préférable de la limiter à la destruction physique, massive d'une partie substantielle d'un groupe humain dont les membres sont tués pour leur appartenance à ce groupe”. En 1946, l'Assemblée générale des Nations unies avait donné une première définition du terme : “Le génocide est le refus du droit à l'existence de groupes humains entiers, de même que l'homicide est le refus du droit à l'existence à un individu.” Ceci s'applique très bien pour le cas algérien, parce que ce qu'ont fait les généraux français en Algérie de juillet 1830 à juillet 1962, de Bugeaud avec ses célèbres enfumades de 1845 à Bigeard et ses tortures durant la bataille d'Alger, ne peut être qualifié que de génocide. Le pic de l'horreur aura été atteint le 8 mai 1945, lorsque l'armée coloniale française a froidement exécuté 45 000 Algériens dans les rues des villes de Sétif, Guelma et Kherrata, eux qui sont sortis rappeler à la France de tenir sa promesse de leur rendre leur liberté après avoir contribué à la libérer du nazisme. La récompense a été la persistance dans le crime, par la France coloniale, qui a tenté d'arracher aux Algériens ce qu'ils avaient de plus précieux, à savoir leur identité, pour annexer le territoire à l'Hexagone, comme cela a été le cas avec la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, la Nouvelle Calédonie et la Polynésie. En parlant de 15% d'Algériens massacrés par les Français entre 1945 et 1962, le Premier ministre turc, qui reste loin du compte, aura le mérite d'avoir relancé la polémique sur la nature de la présence française dans notre pays, dont le but était tout simplement d'effacer l'identité algérienne. “On estime que 15% de la population algérienne a été massacrée par les Français à partir de 1945. Il s'agit d'un génocide”, affirme Erdogan, qui a oublié les Algériens massacrés durant un siècle auparavant parce qu'ils ont résisté à l'opération de “francisation” obligatoire du peuple algérien. Le chiffre est beaucoup plus important que les 15% cités par le Chef du gouvernement turc. I l suffit qu'un travail de mémoire plus approfondi soit fait pour montrer au monde l'horrible œuvre génocidaire française durant les 132 années d'occupation, car ce n'est qu'une infime partie qui a été révélée jusque-là. Au lieu de reconnaître ses torts et présenter des excuses, voire verser des indemnités, comme cela a été fait par d'autres puissances coloniales, à l'instar de l'Italie avec la Libye, la France de Sarkozy s'attelle à provoquer d'autres pays en pénalisant la négation d'un génocide qui s'est déroulé à des milliers de kilomètres de ses frontières. Le moment n'est-il pas opportun pour agir en ce sens ? Merzak Tigrine