En annonçant la révision de la loi de 2005, les pouvoirs publics ont décidé finalement de tourner le dos à un dispositif législatif contesté, dont une bonne partie des dispositions n'ont jamais été mises en œuvre. En fait, la logique de l'ouverture du marché à grandes portes n'a pu être poursuivie. Explication. L'Algérie a décidé de réviser sa loi sur les hydrocarbures. Une législation qui sent le soufre et qui traduit l'incohérence de la démarche de nos gouvernants. Il faut noter d'abord que la philosophie de ce texte était d'instituer un système de concessions, à l'avantage des compagnies étrangères, pour booster l'exploration-production. Avec cette conviction, confie un responsable du secteur, que seules les multinationales peuvent rendre efficients l'exploitation et le développement de gisements de pétrole et de gaz du pays. Pour les inciter à s'engager en Algérie, la part du partenaire étranger était alors fixée à 65%, Sonatrach à 35%, si celle-ci décidait d'entrer dans le projet d'exploration. Fort heureusement, sous la pression de pays membres de l'Opep et de cercles locaux bien avisés, nos gouvernants ont décidé en 2006 d'introduire des amendements majeurs qui allaient vider de sa substance le texte. Primo : Sonatrach continuera à détenir 51% minimum dans tout projet d'exploration ou de développement de gisements de pétrole ou de gaz, le partenaire étranger au maximum 49%. La loi de 2005 : un deal avec les multinationales pétrolières Secundo : La compagnie pétrolière nationale détiendra 51% minimum dans les projets de raffinage, dans la réalisation et l'exploitation d'oléoducs ou gazoducs. Troisième disposition majeure : une taxe exceptionnelle sur les profits des compagnies étrangère est instituée, avec le principe de rétroactivité de la taxe. Avec ce détail de l'amendement, Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'énergie, allait léguer à l'Algérie un véritable poison : le contentieux avec les compagnies respectivement américaine et danoise, Anadarko et Maersk. Ces dernières remettent en cause ce principe de la loi amendée, au motif que le contrat de partage de production avec la compagnie américaine date de la fin des années 80, soit antérieurement à l'amendement de 2006. Ce litige risque, au final, de coûter à l'Algérie plus de 3 milliards de dollars. Par ailleurs, au bilan de cette loi de 2005 amendée en 2006, l'échec des appels d'offres lancés en matière d'exploration : peu de contrats signés en trois ans. Conséquence, Alnaft n'a lancé aucun appel d'offres en 2011. Comment expliquer aujourd'hui ces contre-performances ? Il faut comprendre que la loi de 2005 comportait une fiscalité complexe qui réduisait la visibilité en termes de revenus au titre du profit oil, contrairement à la loi 86-14 où la base de calcul est beaucoup plus simple. La formule était intégrée dans le contrat de partage de production. En d'autres termes, cette fiscalité devenait contraignante pour les compagnies étrangères. Un argument pour ne pas s'engager dans des projets d'exploration. Dans un contexte d'essoufflement des anciens gisements de gaz et de pétrole algériens. Pour imager, l'amont algérien est actuellement sinistré à cause d'une politique intensive de production et d'exportation menée par Chakib Khelil. Hassi R'mel a été malmené, au point où il enregistre une chute de sa production et, partant, des exportations de gaz de l'Algérie. Hassi Messaoud n'a pas, du reste, bénéficié des investissements nécessaires pour maintenir sa capacité de production. Il fallait donc une politique de sauvetage du secteur, en vue de redresser la production et augmenter les réserves d'hydrocarbures afin de couvrir les besoins à long terme du pays en énergie, honorer nos contrats d'exportation signés avec les partenaires étrangers et consolider notre positionnement en tant qu'acteur majeur sur la scène énergétique mondiale, notamment en tant que principal fournisseur de gaz de l'Europe. Chakib Khelil a légué un cadeau empoisonné à l'Algérie : le litige avec Anadarko Tous ces facteurs justifient la révision de la loi sur les hydrocarbures prévue en 2012. Elle aurait dû être annulée et modifiée complètement en 2007-2008. Mais on peut se demander si le rapport des forces politiques était, à cette époque, en faveur de ce changement à 180 degrés. Il convient de noter enfin qu'une bonne partie des dispositions de la loi de 2005 n'ont pas été appliquées. C'est le cas de la libéralisation progressive des prix du gaz et des carburants sur le marché domestique. De l'obligation pour Sonatrach de réhabiliter le système de transport des hydrocarbures dans un délai considéré comme court. En outre, l'Agence de régulation des hydrocarbures, ARH, prévue par la loi, a gelé son activité de contrôle, faute de volonté politique. Il convient aussi de noter que les contrats signés avec les partenaires étrangers dans le cadre de la loi de 2005 ne porteront leurs premiers fruits que dans trois ou quatre ans. D'où la difficulté de dresser aujourd'hui un bilan plus objectif. Sonatrach en danger En fin de compte, les changements dans le dispositif institutionnel pour inciter les compagnies étrangères à investir dans des zones à risque, éloignées des infrastructures, en offshore, au nord du pays ou pour développer le potentiel de gaz de schiste du pays ne vont pas tout régler. Le renforcement de Sonatrach, en danger de perdre ses parts de marché en Europe, devient une urgence. Des investissements conséquents dans la formation, la mise à niveau du capital humain, l'acquisition des savoir-faire technologiques pour développer nos ressources en hydrocarbures demeurent plus qu'indispensables. Or l'opacité actuelle sur l'activité du secteur n'arrange pas les choses. Elle ancre, entre autres conséquences négatives, la conviction que la branche fonctionne au service d'un système rentier et non au profit de la collectivité nationale, au sein de larges couches de la population. K. R.