Cette nouvelle offensive de la répression survient au moment où les Russes et les Chinois, engagés dans un bras de fer avec les Occidentaux, les pays du CGC et le secrétaire générale de la Ligue arabe, persistent à soutenir un pouvoir que les suscités accusent de perpétrer un “bain de sang atroce”, selon le Président américain Barack Obama, après avoir opposé leur veto à l'ONU à une résolution dénonçant sa répression. Moscou et Pékin accusent nommément l'Occident de complicité dans l'aggravation de la crise en soutenant les opposants qu'ils tiennent pour unique responsable dans le bain de sang. L'Onu face au veto russo-chinois, veut participer avec la Ligue arabe à une mission conjointe d'observateurs en Syrie, après l'annonce par le chef de l'ONU Ban Ki-moon d'une décision arabe de renvoyer en Syrie sa mission d'observateurs. Une réunion arabe sur la Syrie devrait se tenir aujourd'hui au Caire. Mais Moscou reste de marbre, droit dans ses bottes. Tout comme Pékin, qui, cependant, se fait plus discret. Pourtant, la communauté internationale a vivement réagi après leur veto. Quelles sont les raisons du refus de ces deux pays de condamner un régime qui tire sur sa population avec des armes de guerre ? D'abord, il faut évacuer cette explication en boucle de Vladimir Poutine : “Il ne faut pas se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il faut laisser les Syriens décider eux-mêmes de leur sort”. Il n'y a pas d'angélisme en politique étrangère, la Russie a de multiples intérêts dans ce pays au cœur du moyen Orient. Sur le plan économique, Moscou s'est bien servi dans le processus de libéralisation économique syrien : les investissements russes y sont importants, notamment dans le domaine énergétique. Sur le plan militaire, Moscou dispose depuis 1971 d'une position militaire dans le port de Tartous, à l'ouest de la Syrie, il s'agit du complexe militaire russe de son unique accès direct à la Méditerranée. Poutine souhaite faire de ce port une base navale destinée à accueillir des navires lourds, comme des frégates, des croiseurs et des porte-avions. La totalité des contrats de la Syrie avec l'industrie d'armement russe dépasserait les quatre milliards d'euros. Avions, missiles, systèmes de défense aérienne... la Russie réalise 7% de ses ventes d'armement grâce à l'armée de Bachar al-Assad dont on sait maintenant à quoi sert son arsenal. Mais ce ne sont pas les seuls ni les vrais motifs de la posture russe même si ce sont des paramètres d'intervention supplémentaire de leur diplomatie sur les dossiers chauds de la région (Israël, Palestine, Iran, Liban). Au-delà des aspects économiques et militaires, l'enjeu, c'est de montrer que Moscou est un acteur incontournable dans les relations internationales malgré l'éclatement de l'URSS. La Russie connaît une vague de contestation sans précédent depuis l'avènement à la tête du pays en 2000 de Vladimir Poutine. L'ex-agent du KGB, qui veut revenir au Kremlin pour un troisième mandat après deux précédents (2000-2008), a vu baisser sa popularité et bien qu'il reste le grand favori de la présidentielle, veut s'éviter un second tour. Des dizaines de milliers de Russes, opposants et partisans de l'homme fort de Russie se sont rassemblés à Moscou, défiant un froid glacial samedi 4 février, jour du début de la campagne de la présidentielle du 4 mars. Des analystes estiment que ce mouvement anti- Poutine a réussi à s'installer dans la durée, la protestation va se renforcer après l'élection, prédisent-ils. Et à Poutine de croire que sa nouvelle corde nationaliste viendra à bout de cette menace, le veto se voulant une réaction forte au monde mondialisé version occidentale. C'est un peu comme si Russes et Chinois rappellent que la “guerre froide” est loin d'être enterrée ! Entre la Chine et la Russie, au Conseil de sécurité de l'ONU, c'est du donnant-donnant. La Chine défend toujours les intérêts stratégiques de son partenaire en échange de son soutien lorsque les intérêts chinois sont menacés. Et puis les deux pays sont des alliés stratégiques : en 2001, ils ont signé un accord de bon voisinage, d'amitié et de coopération et dix ans plus tard, en 2011, un accord sur la coopération gazière entre les Russes et les Chinois est venu enrichir ce partenariat stratégique. Moscou et Pékin, qui n'avaient pas mis leur veto à la résolution sur la Libye en mars 2011, ont eu le sentiment de s'être fait rouler, avouant aujourd'hui qu'ils avaient pensé avoir donné leur accord pour la paix, pas pour enclencher une invasion de l'Otan ! Les deux pays disent alors rejeter toute velléité d'intervention étrangère, s'opposant jusqu'au droit d'assistance humanitaire. Il n'est plus question pour eux de tendre le bâton pour se faire battre, d'autant que tous deux cultivent des démocraties dites “responsables”. D. B