À quelques jours de la 9e réunion des MAE des pays membres du dialogue 5+5 prévue le 20 février à Rome et qui sera coprésidée par l'Italie et la Tunisie, l'envoyé spécial italien est à Alger pour convaincre ses interlocuteurs de l'importance du dialogue politique euroméditerranéen dans un monde arabe en plein bouleversements. “Il y a une spécificité algérienne, la situation est différente, l'Egypte n'est pas la Libye, la Libye n'est pas la Tunisie, le Maroc a fait une ouverture depuis une année et les choses fonctionnent plutôt bien. En Algérie, il y a une spécificité que nous respections car elle a porté le pays vers des ouvertures importantes jusqu'à aujourd'hui, à savoir le pluralisme politique et médiatique. L'Algérie a trouvé un équilibre qui est spécifique à la société algérienne”. C'est la conviction de l'envoyé spécial du ministre italien des Affaires étrangères, Maurizio Massari, exprimée lors d'un point de presse animé lundi soir en présence de l'ambassadeur nouvellement accrédité, Michele Giacomelli, au siège de l'ambassade à Alger. Un sommet algéro-italien en 2012 En relançant le projet d'un second sommet algéro-italien dont il est convaincu qu'il aura lieu cette année mais sans avancer de date précise, l'envoyé spécial a délivré aux journalistes la contenance du message politique dont il était porteur avant de se livrer à une analyse des conséquences du Printemps arabe une année après le début des évènements. “Le message politique dont je suis porteur est le suivant : il y a une très forte solidarité italienne envers l'Algérie”, a affirmé Maurizio Massari, avant de souligner que pour Rome“Alger est un partenaire crucial dans la stabilité et la sécurité en Méditerranée”. En développant les axes fondateurs de la diplomatie italienne, l'envoyé spécial a précisé que la Méditerranée en était “la priorité stratégique”. Pour le troisième partenaire de l'Algérie après les USA et la France, l'énergie reste le pilier de la coopération bilatérale algéro-italienne. “Mais d'autres secteurs à l'instar de la PME sont en train de se développer. Il y a aussi l'agroalimentaire ; l'échange culturel en plus des consultations politiques de haut niveau”, a ajouté le diplomate. Dans la dimension européenne, l'envoyé spécial a surtout mis en relief la volonté de son pays de “s'engager pleinement à Bruxelles pour être le sponsor de l'Algérie et d'autres Etats africains afin de raffermir la relation entre l'UE et la rive sud de la Méditerranée”. Faire du forum des 5+5, une nouvelle UPM ? Et à cinq jours de la réunion des 5+5 qui doit se tenir le 20 février à Rome et à laquelle devrait participer Mourad Medelci, l'envoyé spécial italien a fait savoir aux responsables algériens les attentes de son pays quant au renforcement de ce cadre de discussions qu'il semble vouloir sortir de son format “informel” pour relancer l'idée d'une Méditerranée unie. Une sorte de nouvelle UPM (Union pour la Méditerranée), un projet lancé en juillet 2008 à Paris mais qui a vite révélé ses limites en raison du conflit palestinien et de la question de la circulation des personnes notamment. “La rencontre des 5+5 est un cadre auquel nous attachons une importance particulière. D'abord, c'est la première réunion après le Printemps arabe. Avec l'Algérie, on s'est mis d'accord que ce format soit utile pour le rapprochement et l'union de la Méditerranée. Il faudra plus de concrétisation des projets des 5+5 afin d'élargir la coopération dans plusieurs domaines dont le sécuritaire, l'échange de délégations parlementaires ; la sécurité alimentaire et les mécanismes de suivi par l'évaluation de la coopération”, a-t-il expliqué. Pour sa neuvième édition, la réunion des 5+5 intervient dans un contexte marqué par les bouleversements induits par le Printemps arabe et leurs conséquences sur la stabilité des pays du pourtour. Une analyse de la situation se fera par les partenaires siégeant au sein de ce cadre informel. Il faut savoir que le 5+5 est un forum centré sur la Méditerranée occidentale et la coopération avec le Maghreb. Il réunit sur une base annuelle, les cinq pays du Maghreb : Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie, et cinq pays de la rive nord de la Méditerranée : Espagne, France, Italie, Malte et Portugal. Ce forum constitue un cadre de discussions informel permettant aux ministres d'évoquer les enjeux régionaux. “Nous apprécions beaucoup que l'Algérie ait fait un choix stratégique qui a permis d'approfondir les relations avec l'UE dans plusieurs domaines et nous allons les soutenir aveuglement”. Syrie : il faut arriver à une cessation des violences Le dossier de la Syrie sera abordé lors de la réunion de Rome. L'envoyé spécial a indiqué que “cette crise nous préoccupait beaucoup et que nous partagions avec nos amis algériens les mêmes objectifs à savoir la cessation immédiate des violences. La Ligue arabe a pris une résolution que l'Italie et l'UE ont soutenue”. En revanche, Maurizio Massari n'a pas caché “son optimisme quant à l'aboutissement d'un consensus au sein des Nations unies pour faire cesser les violences en Syrie”. Tout en levant un amalgame sur l'attitude la communauté internationale dans la gestion de ce dossier, le diplomate remet les pendules à l'heure. “Il ne s'agit pas d'une intervention militaire comme dans le cas de la Libye”, a-t-il affirmé, avant d'ajouter que “la cessation des violences doit être vérifiée sur le terrain par des observateurs, il faut faciliter une unification de l'opposition syrienne pour qu'elle soit représentative des différents partis de la société syrienne qui est une société très complexe. Le futur de la Syrie est entre les mains des Syriens, nous devons faciliter la mission de l'opposition. Nous pensons que le régime de Bachar al-Assad a perdu toute la légitimité au sein du peuple syrien”. Printemps arabe, des lignes rouges sont fixées Tout en affirmant que les révolutions arabes ont été une surprise pour le monde démocratique occidental, qui a salué le dynamisme des sociétés civiles, l'envoyé spécial a commenté la montée de l'islamisme. Tout en déclarant “respecter le choix démocratique des peuples”, il a averti qu'“il y a des lignes rouges à ne pas franchir”. “Il s'agit de processus de transition politique qui doivent se dérouler sans interférences de l'extérieur. Les islamistes affirment respecter les droits de l'Homme, l'alternance au pouvoir et ils renoncent à la violence comme moyen d'accéder au pouvoir”, a-t-il répondu à une question sur le fait que le nouveau pouvoir islamiste en Egypte est en train de réprimer des blogueurs et des militants des droits de l'Homme sans que la communauté occidentale, si prompt à soutenir aveuglement les changements dans la sphère arabe, ne semble adopter désormais la même attitude lorsque des dictatures étaient en place dans ces mêmes pays. “Cela reste une affaire interne”, s'est contenté de dire le diplomate. S T