La réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays de l'Union du Maghreb arabe, qui se tient aujourd'hui à Rabat, vise à réanimer une structure bureaucratique moribonde et à préparer la tenue d'un sommet maghrébin. Selon le ministre marocain des Affaires étrangères, Saâd Eddine Othmani, une série de décisions va être prise aujourd'hui afin de relancer le processus en panne. L'Algérie sera présente à cette 30e session des ministres des Affaires étrangères de l'UMA avec une importante délégation conduite par le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci. Cette réunion a été précédée, hier, par la réunion du comité de suivi à laquelle a pris part le ministre algérien délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, et après la réunion des hauts responsables tenue jeudi au siège du secrétariat général de l'UMA à Rabat. Le chef de la diplomatie marocaine a précisé, jeudi, que cette session va se consacrer également à la préparation d'un prochain sommet maghrébin, sans donner plus de détails. Il est à rappeler en ce sens que le nouveau président tunisien, Moncef Marzouki, vient d'effectuer une tournée dans le Maghreb au cours de laquelle il a réussi à obtenir l'accord de principe des chefs d'Etat maghrébins quant à la tenue d'un sommet en 2012, “probablement” à Tunis. Le dernier sommet en date s'était déjà tenu dans la capitale tunisienne en avril 1994. Pour Othmani, la réunion de Rabat constitue avant tout “une étape fondamentale pour impulser une nouvelle dynamique à l'UMA en lui permettant de jouer un rôle plus important dans la région, notamment dans un contexte international marqué par la stagnation économique”. Cette session permettra, donc, aux ministres des Affaires étrangères de poursuivre la concertation politique et d'examiner les questions intéressant la région. Il est à rappeler que l'Union du Maghreb arabe a été fondée le 17 février 1989, par un Traité constitutif de l'Union du Maghreb arabe, signé à Marrakech par les cinq chefs d'Etat. Le sommet de Marrakech avait été précédé par la réunion tenue par les cinq chefs d'Etat maghrébins le 10 juin 1988 à Zéralda où, dit-on, tout s'est joué entre le roi Hassan II et le président Chadli Bendjedid. Le Maroc et l'Algérie constituant les deux principaux pays (en termes politiques, économiques ou démographiques) de la sous-région. Un Maghreb au forceps Il faut souligner que les relations algéro-marocaines viennent de connaître, avec la visite officielle à Alger du ministre marocain des Affaires étrangères, Saâd Eddine Othmani, un réchauffement spectaculaire depuis 1994. Mieux, le rapprochement entre les deux pays voisins ferait partie désormais d'un agenda concocté au plus haut niveau. La réouverture de la frontière terrestre entre les deux pays n'est plus seulement d'une aspiration populaire de deux pays frères et voisins, mais c'est devenue à la longue un souhait “international”. “Même le FMI s'y met sous la férule de Christine Lagarde qui présente, elle aussi, l'Algérie comme un mauvais élève”, fulmine une source diplomatique algérienne interloquée par tant de sollicitations et devant une telle insistance. C'est précisément pour cette raison que la question de la réouverture de la frontière reste assez controversée en Algérie où la plupart des gens interrogés sont pourtant favorables. “Pour les Algériens, il y a lieu de tenir compte de la nouvelle donne, notamment des changements intervenus en Libye et en Tunisie, mais aussi des aspirations des cinq peuples à un meilleur cadre de vie. Il existe, certes, une volonté forte pour que les relations bilatérales soient développées dans le domaine économique, culturel et autres, mais la concertation politique sur tous les sujets ne doit pas être exclue !” Même en affichant une “adhésion minimale” à ce projet, l'Algérie reconnaît, indubitablement, que le Maghreb passe par cette ouverture incontournable. “Les Algériens estiment qu'il faut garder la porte ouverte aux autres car il s'agit, dans le cas d'espèce, de répondre également à des enjeux sécuritaires et de développement durable.” En tout cas, des deux côtés de la frontière fermée, les initiatives continuent à se multiplier, loin des circuits officiels, à l'image de cette délégation d'opérateurs économiques de Relizane qui a pris attache avec la chambre de commerce de Fès. Sur le net, les pétitions pour la réouverture de la frontière entre les deux plus grands pays du Maghreb foisonnent. De même que les clips prêchant la fraternité entre les deux peuples. Le sujet passionne les internautes. Notre source apporte toutefois son bémol : “L'Algérie ne se considère pas en guerre contre le Maroc. Ni même contre la France, cinquante après son indépendance. Mais si problème il y a, il ne proviendra que des sempiternelles interférences étrangères qui, dans ce dossier, deviennent parfois trop pesantes.” Pourtant, la première proclamation solennelle en faveur de l'unité du Maghreb remonte à avril 1958, à la fameuse conférence de Tanger, lorsque les représentants des mouvements de libération nationale ont posé le premier jalon de l'union maghrébine, en opposition au colonialisme français. Conscient de leur communauté de destin, de culture, de langue et de religion, les leaders maghrébins de l'époque avaient perçu la nécessité de concrétiser leur volonté d'union dans le cadre d'institutions communes. La conférence de Tanger a fait long feu. Elle reste à ce jour la seule expression forte, sinon la plus sincère de ce rêve longtemps caressé par les peuples du Maghreb. Espérons qu'aujourd'hui, l'esprit de Tanger va planer un peu sur le quartier de l'Agdal, à Rabat, où vont se dérouler les travaux de cette session. Marzouki, super héros maghrébin Le nouveau président tunisien, Moncef Marzouki, vient de faire de l'UMA son cheval de bataille. Pour le “révolutionnaire” tunisien (à moitié marocain selon ses propres dires), les crises qui désarçonnent actuellement les Etats de la région finiront par avoir raison de toutes les restrictions des libertés des peuples. Marzouki a parlé de “5 libertés”, de circulation avec une simple carte d'identité, de travail, d'installation, de propriété et de participation politique (aux élections municipales). Tous les Maghrébins confrontés aux tracasseries de toutes sortes ne pourront qu'apprécier la fougue militante de “l'homme au burnous” qui, pour l'occasion, aura marqué un point. En effet, beaucoup espèrent que grâce à ce “charivari” maghrébin, les dossiers qui s'amoncellent, çà et là, dans les différentes administrations, connaîtront, enfin, un début de solution. Pour rappel, le président provisoire tunisien s'est engagé à régulariser la situation de 15 000 algériens installés en Tunisie. Elu pour un an, il reste à savoir si Marzouki aura assez de temps pour y parvenir, sachant que certains de nos compatriotes attendent, eux, depuis des décennies, de voir leurs situations administratives dans leur nouveau pays d'adoption régularisées. Briseur de tabous, s'il en est, Marzouki vient de plaider également pour le retour du Maroc au sein de l'Union africaine (UA) que le royaume chérifien a quittée en 1984, après l'admission de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) en tant que membre. Malgré les difficultés et le fait que le Maroc fasse de l'exclusion de la Rasd une condition sine qua non à son retour à l'UA, Marzouki n'en démord pas moins : il espère trouver une solution au douloureux problème sahraoui. Un sujet qui sera probablement occulté par le conclave des MAE maghrébins. Mais ce ne sera que partie remise ! M-C L