Alors que devra se tenir demain le premier tour du scrutin présidentiel au Sénégal, le Mouvement du 23 juin (M23), composé de partis de l'opposition et d'organisations de la société civile, a estimé jeudi que “les dérives d'une gravité extrême” et “le climat d'insécurité générale (…) rendent impossible la tenue d'un scrutin transparent, libre, apaisé et fondé sur le respect de la Constitution”. Le Mouvement dénonce la présence “d'agents provocateurs” du président sortant Abdoulaye Wade, candidat à sa succession à l'âge de 85 ans, après en avoir passé douze à la tête de l'état. Selon ses animateurs, ces agents “terrorisent manifestants, populations et leaders politiques de la société civile, notamment par un harcèlement des personnalités du M23 et de leurs familles”. Outre la violence qu'il impute au camp du président Wade, le M23 s'en est pris aux institutions de régulation de l'élection, tels le Conseil constitutionnel et la Commission électorale nationale autonome, dont il a dénoncé de graves dysfonctionnements. Plusieurs candidats tels Cheikh Tidiane Gadio, Cheikh Bamba Dièye et Ibrahima Fall, invoquant une “situation quasi insurrectionnelle”, sont favorables à un report du scrutin. Mais tout le monde au sein du M23 ne partage pas cette revendication. Ainsi, deux anciens Premiers ministres de Wade, Macky Sall et Moustapha Niasse, de même que le leader du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, ont continué normalement leur campagne jusqu'à hier, dernier jour officiel de celle-ci. Sûr de sa victoire prochaine dès le premier tour, le camp du président sortant accuse ceux qui réclament le report de l'élection de n'être pas prêts et d'avoir peur de la victoire annoncée de Wade. Ce dernier trouve d'ailleurs un soutien inespéré auprès de la communauté internationale, ONU, états-Unis et Union européenne en tête, puisque celle-ci se limite à appeler tous les acteurs politiques du Sénégal pour qu'ils encouragent la participation des électeurs à un scrutin transparent, libre et sans violence. Ni la revendication du report du scrutin ni celle relative au retrait de la course du président sortant n'auront été entendues. Pour sa part, le chef des observateurs de l'Union africaine, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, a rencontré tous les acteurs concernés, y compris Abdoulaye Wade, mais rien n'a filtré de ses entretiens. Il a notamment rencontré le chanteur Youssou Ndour, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel, un rejet qui, additionné à la confirmation de celle d'Abdoulaye Wade, a mis le feu aux poudres. Les affrontements entre policiers et manifestants de l'opposition, quotidiens depuis une dizaine de jours, ont lieu régulièrement aux alentours de la place de l'Indépendance, à proximité du Palais présidentiel. Jeudi dernier, la place était bouclée par les forces de l'ordre et, pour la première fois depuis plusieurs jours, il n'y a pas eu d'affrontement entre les policiers et les manifestants réclamant le retrait du président sortant. Au-delà de sa mission d'observateur des élections, l'ancien président nigérian a été chargé par l'Union africaine d'une mission de bons offices pour éviter que le Sénégal n'aille vers “le précipice de la violence”. Cité il y a encore peu comme le bon élève de l'Afrique, l'un des rares pays où l'alternance est démocratique, voilà donc que le Sénégal plonge à son tour dans ce travers si cher à de nombreux despotes afro-arabes dont l'addiction au pouvoir a toujours causé le malheur des peuples. M. A. B