Jeudi dernier, des clients sont venus réclamer des véhicules commandés au Salon automobile de 2011. D'autres sont venus avec des sacs bourrés d'argent et des chèques certifiés pour acquérir jusqu'à trente voitures à la fois. Du jamais vu : le Salon de l'automobile de 2012 révèle un phénomène incroyable. Mais lequel ? Le grand public, venu des quatre coins du pays, n'a pas attendu la fin de la cérémonie d'inauguration du 15e Salon international de l'automobile (SIAA-2012) pour investir le Palais des expositions des Pins-Maritimes. On avait cette nette impression que c'est la première fois que les Algériens découvrent la voiture ! On avait ce sentiment de pénurie, de crise et d'esprit revanchard pour assister, dès la première heure du SIAA-2012 à un rush phénoménal. À peine les stands ouverts, des queues interminables se sont formées devant les agents commerciaux chargés d'enregistrer les commandes. Des commandes au-delà des prévisions des concessionnaires, quand on sait que les facturations ont dépassé les 300, 400 et 500 sur certains modèles de véhicules ! Des familles entières, des jeunes élèves qui venaient à peine de récupérer leurs bulletin scolaire du 2e trimestre, des bébés sur des poussettes bousculés par un public en furie, des vieillards, des smasris (spéculateurs) bourrés de fric pour passer des commandes dignes des appels d'offres, des escalades verbales et des rixes devant les préposés aux guichets de vente, le Salon de l'automobile d'Alger de 2012 révèle des secrets imprégnés de folies. Malgré la bonne organisation des services de la Safex et des concessionnaires, l'anarchie a encore sévi dans cet évènement. Difficile de se frayer un chemin, encore moins de trouver un stationnement, les visiteurs sont restés jusqu'à la dernière minute de la soirée. Dans les couloirs de la “Foire d'Alger”, il y avait même des individus qui ont déserté leur lieu de travail pour venir s'enquérir des nouveautés et s'offrir une voiture à n'importe quel prix. Les organisateurs, les hôtesses et les agents commerciaux étaient tout simplement surmenés devant cette affluence qu'ils attendaient à partir du 2e et 3e jours, mais pas à partir du premier quart d'heure. Les ratages des uns, la mauvaise prestation des autres Les délégations étrangères venues en force cette année, que ce soit d'Europe, d'Asie ou d'Afrique, sont restées bouche bée. “Ça, c'est un salon ! Maintenant je comprends pourquoi il y a crise de livraison et de disponibilité immédiate de voitures en Algérie”, dira un cadre exerçant dans le secteur de l'automobile. Des commandes à flots, le saisissement déborde sur un monde parallèle : si l'Algérie fabriquait 100 voitures/minute, rien ne pourrait satisfaire cette forte demande - en croissance chaque mois - alors que le parc national de l'automobile a franchi les 6 millions d'unités, dont 1,6 million immatriculées à Alger. C'est que la voiture est devenue, par la force des choses, un créneau de placement pour les Algériens et rien ne pourrait arrêter ce phénomène. Jeudi dernier, il y avait même des clients qui ont passé commande en mars 2011, lors du 14e Salon de l'automobile, et qui n'ont vu que du vent. “Mon frère a commandé un véhicule en mars 2011. Hier soir (mercredi-ndlr) je l'ai rappelé pour venir voir avec son concessionnaire si son véhicule pouvait être livré enfin. Je vous assure qu'il a complètement oublié sa voiture. Pour moi, cela relève de la publicité mensongère !” nous raconte un fonctionnaire rencontré au pavillon central. De la publicité mensongère ? Les clients ne parlaient que de ça jeudi. Le SIAA-2012, dédié cette année à la prévention et à la sécurité routières, a complètement changé de thématique : achat, vente, spéculation et flambée des prix malgré les ristournes annoncées à coups de placards publicitaires. Fort heureusement, certains concessionnaires ont tenu parole et affiché leurs prix. Les autres arguent que les modèles remisés sont déjà vendus au premier jour. Un pur mensonge puisqu'il ne s'agit que d'un stratagème commercial afin de vendre un produit similaire et qui répond au sobriquet de “double six” au marché d'occasion. Il est vrai que certains modèles sont très prisés et très vendus, mais pas seulement puisque de grosses cylindrées, dépassant le milliard, ont également été prises d'assaut. Pourvu que la livraison soit au rendez-vous, des acheteurs ont mis le paquet sans réfléchir. “Je préfère acheter un véhicule plus cher et l'avoir dans les délais que d'attendre 15 mois”, ironise cet homme aux apparences trompeuses. Hyper friqué, il remettra sur le champ un chèque certifié. Cet homme refuse le fait accompli, “car après commande, explique-t-il, les agents commerciaux ne décrochent même pas au téléphone”. Ce à quoi un bon accueil et le payement cash ne payent pas en Algérie. La qualité de service dans le secteur de l'automobile aura besoin d'une autorité de régulation pour endiguer l'escroquerie. Les folies aussi. F B