Le 11e congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) se tient, depuis hier, au Palais des nations, dans une conjoncture assez particulière. Il se tient à la veille du 19 mars, date du cessez-le-feu, une date que les Français considèrent comme celle de la fin de la guerre d'Algérie et autour de laquelle ils font un tapage médiatico-politique sans précédent. Un cinquantenaire, ça se fête, et, hasard de calendrier, il intervient en pleine campagne électorale pour la présidentielle française. Mais, devant les surenchères de tous bords, et de peur de se faire griller, le gouvernement français a décidé, en dernière minute, de n'organiser aucune célébration officielle. La floraison d'émissions et de déclarations au sujet de cette guerre où les Français, leur président en tête, refusent toute idée de repentance, essaye, par tous les moyens, de salir la mémoire des moudjahidine, en leur attribuant tous genres d'atrocité. En filigrane, les Français tentent de faire croire qu'ils n'ont fait que répondre à la “violence” des Algériens, que ce soit pour les massacres du 8 Mai 1945 ou encore depuis le déclenchement de la Révolution de Novembre 1954, omettant, par tous les moyens, d'évoquer le fait colonial, la pire des violences que l'on puisse faire subir à un peuple. Cela rappelle le triste épisode où le Parlement français avait voté une loi sur “les bienfaits de la colonisation”, avant qu'elle ne soit retirée par le président Chirac. À la campagne pour la mémoire qui bat son plein en France, en ce moment, l'on s'attendait à une campagne plus féroce, du moins similaire, du côté algérien. Saïd Abadou, le secrétaire général de l'ONM, avait multiplié, ces derniers jours, des déclarations en faveur de la criminalisation du colonialisme, un projet qui suscite encore des hésitations au sein du pouvoir. Le président de la République, président d'honneur de l'ONM, a finalement fait faux bond aux congressistes, en se contentant d'envoyer un discours, repris par les médias à la veille du congrès et relu par le ministre des Moudjahidine à l'ouverture des travaux. Tout en se gardant de brandir l'épouvantail de la criminalisation du colonialisme, histoire de ne pas envenimer davantage des relations avec la France et ne pas donner l'occasion aux candidats à l'Elysée d'en faire un sujet de campagne électorale, le chef de l'Etat, en boudant, à la dernière minute, le congrès de l'ONM, a tenu quand même à transmettre un message clair. “Je souhaite que cette organisation soit une citadelle qui fournira à l'Ecole algérienne de l'histoire la matière authentique aidant à assainir notre histoire des éclaboussures des écrits irréfléchis et des souillures des campagnes de désinformation coloniales.” L'attitude officielle des Algériens laisse perplexe, dans la mesure où c'est la victime qui ne veut pas gêner le bourreau, pour des considérations électoralistes franco-françaises, ou pour des raisons de situation interne marquée par une élection législative très incertaine. L'absence du président Bouteflika avait jeté un grand froid sur la salle du congrès archicomble pour la circonstance. D'ailleurs, la volonté du chef de l'Etat d'éviter de répondre à la campagne française a été relayée par le secrétaire général de l'ONM qui, dans son discours d'ouverture, a évité soigneusement d'évoquer la question de la criminalisation du colonialisme. Saïd Abadou s'est contenté de rappeler que le congrès se tient à la veille de deux importantes échéances : la célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance et “les élections inédites” de mai prochain. Il louera les qualités du chef de l'Etat, notamment “la capacité de comprendre la volonté populaire et d'y répondre”. Saïd Abadou s'interroge, enfin, sur le rôle et la place de l'ONM dans le sillage des changements en cours dans le pays. Des changements qui seront certainement au centre des discussions des congressistes durant ces deux jours. A B