Depuis la révolte qui a entraîné la chute du président Hosni Moubarak en février 2011, l'égypte est devenue le théâtre de violences sporadiques et multiformes, très souvent meurtrières. Le Sinaï, où sont concentrées les stations balnéaires les plus rentables du pays, habité par des bédouins qui s'estiment lésés autant par le gouvernement de Hosni Moubarak que par celui des militaires qui lui a succédé, échappe au contrôle du pouvoir central, et l'insécurité y règne en toute impunité. Ainsi, deux touristes brésiliennes et leur guide égyptien ont été enlevés dimanche dans la région, alors qu'ils étaient à bord d'un bus de retour du monastère de Sainte-Catherine, un site touristique célèbre dans le sud de la péninsule. L'un des ravisseurs réclamerait la libération de son fils arrêté par les autorités. Le 10 février dernier, trois touristes coréens et leur guide ont connu le même sort sur le même trajet, tout comme deux touristes américaines et leur guide, une semaine plus tôt. Le mois de janvier, ce sont 25 travailleurs chinois qui avaient été pris en otages. Tous ont fini par être libérés et, dans la plupart des cas, les ravisseurs exigeaient la libération de prisonniers. Les bédouins de la région sont remontés durablement contre la police. Les attentats des années 2000 contre les stations balnéaires du Sinaï ont suscité une répression féroce de la part des autorités. Pas moins de 3000 bédouins ont alors été arrêtés, très souvent à tort, et quelques centaines d'entre eux sont encore en prison. La semaine dernière, à quelques kilomètres de la frontière avec la bande de Gaza, ces mêmes bédouins ont assiégé le camp de la force multinationale chargée de veiller au respect du traité de paix de Camp David. Ils exigeaient la libération de cinq des leurs arrêtés suite à l'attentat de Taba, qui avait fait 30 morts en 2004. La police se fait très discrète dans la région, ne s'aventurant guère dans les zones rurales, contribuant par son attitude à aggraver une situation de vide sécuritaire. Les djihadistes de tous poils s'y sentent chez eux et prolifèrent. Selon des observateurs sur place, les djihadistes affluent de toutes les régions d'égypte, car ils bénéficient d'une grande liberté de mouvement dans ces grandes étendues désertiques. Alors qu'ils étaient moins de 100 en 2004, de source policière, ils seraient désormais plus d'un millier à se rendre peu à peu maîtres de la péninsule. Les tribus bédouines s'en inquiètent, car leur autorité s'effiloche face à ces groupes armés. L'armée, qui s'est déployée dans le Sinaï dès le mois d'août dernier, après quelques interpellations qui ont mal tourné, a fini par ne plus s'occuper de la sécurité. à terme, la confrontation entre l'armée égyptienne et les djihadistes est inévitable, mais la hiérarchie militaire refuse de les attaquer pour l'instant, de peur d'embraser le Sinaï, pensent beaucoup d'observateurs. M. A. B