L'équipe du ministre des Finances sera à coup sûr interpellée sur l'interdiction d'importation des alcools, promulguée dans la dernière loi de finances. L'épreuve sera difficile pour les membres de la délégation algérienne conduite par le ministre du commerce, M. Noureddine Boukrouh, qui doivent entreprendre, ces jours-ci, un cycle important de négociations pour l'accession de l'Algérie à l'OMC. Une accession que le ministre du commerce s'investit à finaliser avant la fin du premier semestre 2004, au risque, selon lui, de se voir sérieusement mis à l'écart après cette date, et notamment après le round prévu à Doha durant lequel les conditions d'adhésion devront se durcir. Cependant, force est de constater que des difficultés risquent de mettre l'équipe de Boukrouh dans une position délicate au lendemain du vote d'une mesure réglementaire à connotation protectionniste. L'interdiction d'importation de boissons alcoolisées, “religieusement” votée par l'APN et confirmée par le Sénat, risque de coûter cher économiquement et pourrait avoir des valeurs “d'alcotest” pour le dispositif juridique régissant le commerce extérieur algérien. L'équipe de Boukrouh sera à coup sûr interpellée sur cette question . L'embarras ne pourra être que plus grand à l'occasion de cette 6e réunion inscrite, cette semaine, à Genève avec, au menu, l'examen du régime lié au commerce extérieur de l'Algérie. Avec cette disposition “anti-alcool”, adoptée par les députés, la partie algérienne risque de traîner une lourde “erreur” stratégique, en ce sens que l'élan d'ouverture affiché précédemment est remis en cause par le fait d'une décision parlementaire. Une situation d'ambiguïté qu'il faudra tenter de surmonter, en essayant de convaincre les membres influents de l'Organisation mondiale du commerce. La tâche est on ne peut plus ardue. Et dire que Boukrouh déclarait, il n'y a pas si longtemps, que les règles du commerce extérieur du pays ont été revues et corrigées pour être totalement conformes aux principes de l'OMC. Cela dit, notre ministre du Commerce aura besoin d'une forte argumentation pour lever les suspicions et les appréhensions, nées au lendemain de cette prohibition. Pourtant, Boukrouh a déjà eu à connaître une situation similaire à l'occasion de la fameuse disposition de la loi de finances 2002, qui imposait une révision à la hausse du capital des sociétés versées dans l'importation des marchandises destinées à la revente en l'état. Capital qui ne devait pas être inférieur à 10 millions de dinars. Pis, il était fait obligation aux sociétés étrangères, intervenant dans le commerce directement en Algérie, à ouvrir leur capital à des opérateurs algériens, comme préalable à leur exercice. Il aura fallu une ordonnance de dernière minute pour que la mesure soit annulée non sans avoir provoqué des dégâts et relancer le débat sur les compétences de ceux qui ont en charge la conduite juridique des textes afférents à la gestion des affaires économiques. À l'époque, boukrouh était hors de lui et il n'avait pour autant pas manqué de déclarer : “Cette disposition n'aura pas d'avenir.” Aujourd'hui, il s'agit de l'avenir d'une accession à une organisation qui est censée, malgré tout, garantir un flux de capitaux via des investissements directs pour une Algérie en quête de mondialisation et en mal de partenariat. Les lois de finances se suivent et se ressemblent ; avant le dérapage sur les alcools pour cette loi de finances 2004 et avant la disposition visant les importations en 2002, il y a bien eu cafouillage sur les tarifs douaniers que véhiculait la loi de finances complémentaire de 2001. Celle-ci avait, en effet, soumis aux mêmes droits de douanes des produits finis et des matières premières. Et là encore, il a fallu rectifier le tir sous les pressions des industriels domestiques. À l'évidence, une absence de lisibilité économique revient de manière chronique dans l'élaboration des textes de loi aussi sensibles que les lois de finances. Ces défaillances, avec lesquelles des prétentions à la mondialisation sont affichées, pourraient sérieusement se traduire en manque à gagner pour nos projets d'exportations hors hydrocarbures. Car, en fermant les frontières aux alcools, les députés les ont ouvertes à la contrebande et ferment une source sûre de revenus pour les vins algériens candidats à l'export. Outre le caractère unilatéral de cette décision, l'instabilité du dispositif réglementaire qu'elle met à nu ne peut être occulte à l'occasion de cette nouvelle réunion ou plutôt épreuve à laquelle seront soumis boukrouh et sa délégation. Le coût réel du vote des parlementaires sera finalement connu au terme de ces négociations. Attendons l'addition qui risque d'être bien enivrante. A. W.