La situation en Syrie semble pour une bonne majorité de chez nous, une énigme, bien qu'il s'agisse d'un secret de polichinelle. En effet, c'est très difficile d'assimiler le succès du régime syrien à affronter presque tout le monde. Pourtant c'est très simple. Depuis la chute en 1961 de l'unité avec l'Egypte, presque improvisée en 1958, le régime Ba'ath a concentré tous ces efforts pour émasculer un des grands pays du monde arabe, profitant de la disparition précoce du président égyptien Nasser, une disparition qui était, en partie, le résultat des manœuvres ba'athistes en mai 1967. La direction syrienne, avec la complicité de Moscou, avait prétendu qu'Israël a mobilisé 12 bataillons à ses frontières pour envahir la Syrie et faire disparaître son pouvoir pan arabe et avant-gardiste. C'était une atteinte préméditée au prestige du président Nasser et une provocation intentionnelle à l'arrogance du régime égyptien, accusé alors par Damas de se cacher derrière les casques bleues de l'ONU pour ne pas courir au secours du frère syrien. Nasser tombe dans le piège, et c'est la débâcle de six jours, et le choc d'une défaite inattendue a provoqué dans quelques mois le décès du Rais, suite à une atteinte diabétique compliquée par une série de crises cardiaques. Je rappelle qu'en 1967, le régime syrien a annoncé, dans les premiers jours de la guerre, la chute du Golan syrien entre les mains des Israéliens, avant même que l'envahisseur n'occupe cette région, qui devient, depuis, la zone la plus calme de l'ensemble sioniste. La suite des événements au Moyen-Orient montre que la doctrine ba'athiste était basée sur l'exclusion par tous les moyens de ses adversaires politiques, même qu'ils soient ba'athistes. Cela explique l'animosité fratricide contre le régime de l'Iraq, bien que la Syrie se réclame de la même idéologie. Les dirigeants syriens ont franchi la barrière de l'incompréhension en essayant de marginaliser, puis d'exclure, le théoricien de l'idéologie ba'athiste, Michèle Aflak, qui a fui la Syrie, sa terre natale, pour l'Iraq de Saddam Hussein. Il ne faut pas oublier que la Syrie du Hafiz El Assad était une des chevilles ouvrières pour la liquidation du régime irakien, en contrepartie de lui laisser les mains libres au Liban, plus quelques avantages financiers, sans oublier le calme maintenu sur ses frontières avec Tel Aviv. Ça ne pouvait se faire sans la bénédiction des Américains, voire même les Israéliens, cela est confirmé par la déclaration de Rami Makhlouf, beau-frère de Béchar, qui avait dit que c'est la stabilité de la Syrie qui garantit la paix en Israël. Le régime s'est montré plus machiavélique que Machiavel lui-même, car il était l'héritier du régime le plus machiavélique de l'histoire du monde arabo-musulman, c'est-à-dire, la dynastie des Oumaiades de Mouaouia Ibn Abi Soufiane. Par la ruse et la manipulation de Amr Ibnoulâass, les oumaiades ont volé l'Islam et abattu le 4me Khalife, cousin du Prophète Mohamed (et non..Mahomet SVP) Ali Ibn Abi Taleb. Mouaouia a manœuvré pour que son fils, Yazide, lui succède, exemple suivi à la lettre par Béchar, qui n'avait pas le droit constitutionnel de succéder à son père, vu qu'il avait moins de 40 ans. Mais la constitution a été modifiée en moins d'un quart d'heure par l'assemblée du peuple, dont les membres étaient triés sur le volet et choisis sur mesure par Hafiz El Assad, Président depuis trente ans, qui avait liquidé en 1970 les dirigeants syriens, anciens moudjahidines de la révolution algérienne, Alatassi, Makhos et Zouein. Ce qu'a fait Hafez pour préparer sa succession donne la réponse à la question pertinente suivante : comment le régime n'a pas connu, depuis la révolte populaire, la fuite des cadres éminents, diplomates illustres et officiers supérieurs, à l'instar de la Libye de Mou'âmr El Gueddafi après février 2011. La réponse est très simple. à travers les trois décades de son règne, le chef de l'état syrien a consacré ses efforts pour remodeler l'état à sa taille, choisir, lui-même, les cadres du pays…tous les cadres, supérieurs ou moyens. La police politique était d'une férocité inouïe, le système de l'information était cadencé et le secteur financier était chasse gardée pour les fidèles. Il a instauré un système sécuritaire multiple très compliqué, encadré essentiellement par les adeptes de sa secte alaouite, une branche fermée de Che'ite. C'est cela qui explique le soutien absolu de l'Iran chéite, et en partie, du régime irakien, à Bechar El Assad. La secte alaouite était en Syrie du moyen âge le berceau des Assassins (El Hachachine) de El Hassan Assabbaah, qui étaient en quelque sorte, les ancêtres des dirigeants syriens actuels, qui ont très bien étudié l'histoire. L'héritage de machiavélisme, le patrimoine d'intrigue et l'arsenal de ruses bien assimilés par le régime syrien, lui ont permis de faire marcher tout le monde et de survivre aux pièges et aux secousses qu'a vécus le monde arabe. La secte alaouite, qui constitue 11% de la population, maîtrise l'armée syrienne, notamment ses postes de commande et ses verrues de sécurité. Moscou soutient Béchar parce que c'est le seul allié qu'il lui reste dans la région, et qui lui a garantit la présence effective dans la Méditerranée, grâce à la base navale de Tartous, tout en étant le seul client au Moyen-Orient de l'armement russe, et une carte très utile dans le jeu politique dans la région. Le président Assad est fini, si ce n'est pas demain, ça serait pour l'après-demain ou le jour d'après. Ya saadak ya fa'el elkheir. M. A.