Existe-t-il, en matière de financement, un traitement de faveur au profit des entreprises publiques ? Non, affirmait, dans une interview accordée il y a quelques jours à Liberté, le ministre de l'Industrie, M. Benmeradi. Les chiffres récents publiés par la Banque d'Algérie concernant le financement de l'économie pour l'année 2011 semblent pourtant démontrer le contraire. “Il n'existe aucune velléité du gouvernement de faire une distinction entre les deux secteurs public et privé (...) Les deux secteurs bénéficient quasiment également de l'appui de l'Etat (…) Plusieurs programmes et actions sont en cours de mise en œuvre pour développer notre industrie et diversifier notre économie en agissant sur les deux leviers que sont, d'une part, le secteur public marchand et, d'autre part, le secteur privé." Aucune discrimination, affirme le ministre… Il est vrai qu'au cours des derniers mois, voire des dernières années, des instruments nouveaux ont été mis en place pour tenter de rétablir l'équilibre entre un secteur public qui reste plus que jamais l'enfant chéri du gouvernement algérien et des entreprises privées réduites à la portion congrue. Pour la plupart des analystes, le problème réside cependant, au-delà des intentions affichées et des programmes annoncés, dans l'efficacité et le rythme de mise en œuvre de ces nouveaux instruments qui tardent à produire des effets sur le terrain. Pendant ce temps le financement des entreprises d'Etat qui repose sur des mécanismes plus simples et mieux rodés tourne de son côté à plein régime… Les crédits aux entreprises publiques en hausse de 32% en 2011 Ainsi que c'est le cas depuis plusieurs années, la Banque centrale signalait dans son dernier rapport de conjoncture publié au mois de février que les crédits à l'économie ont encore fortement progressé en 2011. Annonçant dans ce domaine une croissance proche de 20%, elle souligne : "La dynamique des crédits observée en 2011 concerne aussi bien les banques publiques (19,5%) que les banques privées (23%), pendant que son rythme est inégal entre les banques." Elle relève cependant que l'évolution des crédits directs distribués par les banques est contrastée et a profité principalement aux entreprises publiques, en raison essentiellement des programmes d'assainissements financiers décidés par le gouvernement et pris en charge par le Trésor public : "La forte hausse des crédits au secteur public (31,8%) s'est accompagnée d'une hausse plus modérée des crédits aux entreprises privées (13%)." Le moins que l'on puisse dire est que l'égalité de traitement n'est pas encore au rendez-vous… Un mécanisme bien rodé à l'origine de ce décalage, on trouve des mécanismes d'aide aux entreprises publiques qui sont aujourd'hui parfaitement rodés. Voici plus d'un an, M. Ahmed Ouyahia estimait que "près de 200 entreprises publiques ont déjà bénéficié de la mise en route de leur processus de modernisation pour un total de 600 milliards de dinars (environ 8 milliards de dollars) dont, notamment, près de 500 milliards de crédits à long terme et fortement bonifiés". Des données plus récentes indiquent que le bilan de ces actions de recapitalisation aurait atteint désormais près de 800 milliards de dinars. Depuis le milieu de l'année 2009, le Conseil des participations de l'Etat (CPE), institution représentant l'Etat actionnaire et présidée par le Premier ministre, est le chef d'orchestre de ces nouvelles mesures de financement au profit des entreprises publiques. Un financement réalisé avec le soutien du Trésor et assuré exclusivement par des banques publiques qui ne disposent dans ce domaine d'aucune marge de manoeuvre. Le processus a été engagée dès juillet 2009 avec un des chouchous des pouvoirs publics algériens, le groupe des cimenteries publiques (GICA), à qui on a attribué, par le biais du Fonds national d'investissement (FNI), un prêt d'un montant de 180 milliards de dinars (1,8 milliard d'euros) à échéance de plus de 20 ans. En contrepartie, l'objectif assigné au secteur est de porter la production annuelle de 11 millions de tonnes actuellement à 18 millions de tonnes en 2014. Une autre opération majeure a été annoncée début 2011. Il s'agissait de faire "accompagner financièrement" 51 entreprises étatiques relevant du secteur des travaux publics. Le financement est assuré, sur injonction, par deux banques commerciales publiques : le CPA et la BDL, partenaires traditionnels des entreprises de ce secteur. Il porte au total sur 120 milliards de dinars (1,2 milliard d'euros) répartis entre 50 milliards d'effacement de dettes et 70 milliards d'investissements de modernisation. Au-delà des secteurs réputés "stratégiques", le processus toujours en cours concerne plusieurs centaines — on parle de 5 à 600 — d'entreprises publiques financièrement déstructurées. 10 milliards de dollars pour une "Banque des PME" D'une taille beaucoup plus modeste, la plupart des entreprises privées algériennes ne bénéficient pas de la même sollicitude de la part du système financier. Dans un document préparé à l'occasion de la dernière tripartite, le FCE soulignait déjà : "Les mesures prises au cours des dernières années par les pouvoirs publics, à travers notamment la création de fonds de garanties pour le financement des PME, n'ont pas eu les effets escomptés. Les PME continuent de souligner que la question de l'accès au financement bancaire constitue le problème majeur auquel elles sont toujours confrontées." Dans le but de faire bouger les lignes, l'une des propositions phares formulée par le FCE le 15 mars dernier invite les pouvoirs publics à "créer une banque d'investissement spécialisée dans le développement de la PME-PMI privée et dotée d'un capital équivalent à 10 milliards de $US. Le capital de cette banque sera ouvert à l'actionnariat privé et institutionnel et, éventuellement, à des investisseurs étrangers". Selon le FCE, la création d'une banque de crédits aux PME, ajoutée à un renforcement des capacités des fonds de garanties existants (FGAR, CGCI), peut contribuer grandement à impulser une plus grande dynamique au système bancaire, notamment "en réduisant les délais de traitement des dossiers de crédit, en diversifiant les produits bancaires offerts actuellement et en développant les compétences en matière d'étude de dossiers de crédit PME". H. H.