Cinquante ans d'Indépendance, 32 ans de Printemps. Avec le recul que permet ce demi-siècle riche en luttes, en sacrifices et en acquis mais aussi en trahisons, renoncements et gâchis, une rétrospective sommaire permet de se rendre compte, presque dubitatif, que “les longues années de plomb” n'ont eu, au final, qu'une vie éphémère. À peine 18 ans. En ce printemps 2012, le premier grand soulèvement populaire ayant ébranlé le régime et ses certitudes célèbre son trente-deuxième anniversaire ! Car le Printemps amazigh avait, dès 1980, porté sur la place publique, non pas seulement la demande de réhabilitation d'une identité victime de reniement officiel, mais aussi la revendication des libertés démocratiques universelles et des droits de l'Homme. Les documents, produits à l'époque par le noyau d'animateurs de ce qui deviendra le Mouvement culturel berbère (MCB), sous forme de déclarations ou d'articles parus dans la fameuse revue Tafsut, en attestent les aspirations politiques et sociales exprimées aujourd'hui dans plusieurs pays du Moyen-Orient et du Maghreb, dans le sillage du Printemps arabe, étaient au cœur du soulèvement d'Avril 80. Depuis, et parce que le pouvoir a systématiquement refusé de souscrire à ce qui relevait pourtant de l'exigence historique, l'Algérie n'a cessé, 32 ans durant, de broyer du noir. Ce qui en fera le théâtre de révoltes et de répression à temps plein, la Mecque de la manigance politique à l'occasion, et un terrain de violences extrêmes parfois. Aujourd'hui encore, les voix officielles s'égosillent, pour le compte d'une des plus indigentes et plus drôles campagnes électorales de l'histoire du pays, à nous convaincre que l'Algérie, berceau des premières luttes démocratiques de la région après avoir été la patrie des plus grands sacrifices humains pour sa libération, “ne saurait être concernée” par le Printemps arabe ! Comme en 1980, ou encore en 1988 lorsqu'un ministre s'autorisait à qualifier les évènements d'Octobre de “chahut de gamins”, l'irresponsabilité des dirigeants algériens est encore au rendez-vous aujourd'hui. Comme si de rien n'était, ils continuent de planer, dans tous les sens du terme, au-dessus de nos têtes tels des nuages assombrissant le ciel du printemps. Mais le vent souffle désormais de plus belle : dans toute l'Algérie, les jeunes arrachent les panneaux d'affichage de la campagne électorale alors qu'en Kabylie, ils revendiquent l'esprit d'Avril 80 et l'opposent à la mascarade du 10 mai. Oui, le vent souffle. Et le destin des nuages est d'être balayés par le vent. S. C.