En pleine campagne des législatives et du débat sur la question du quota des femmes dans les institutions, le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran a ouvert avant- hier une journée d'étude intitulée “Genre et politiques publiques”. Organisée par l'équipe de recherche du Crasc/Université du Witwatersrand de Johannesburg, ce thème a fait ressortir combien la question des politiques publiques jouait un rôle important dans la construction des rapports sociaux et plus particulièrement comment elles pèsent sur l'évolution des pratiques sociales, et les rapports “hiérarchisés hommes-femmes”. De la société traditionnelle telle que connue dans notre pays ou d'autres pays musulmans, basée sur des rapports hiérarchisés, sexués et autoritaires, comme évoqué par le premier intervenant Fsian Hocine de l'université d'Es-Senia, la société d'aujourd'hui a beaucoup évolué sous l'impulsion de l'évolution de la femme et de son statut social. “La société algérienne a changé du fait de la femme et de sa percée sociale, rendue possible parce qu'elle a accès aussi de plus en plus à l'instruction et à la formation”, dira l'intervenant. D'où aujourd'hui les contradictions et les dichotomies des lois et des politiques publiques se retrouvant dépassées par les bouleversements et les changements de rapport au sein de la société et de la famille. Ces politiques publiques ne répondent plus à la construction traditionnelle de la famille qui “est révolue” argumente l'enseignant. Et de donner comme signe, la création des crèches qui signifie qu'aujourd'hui la mère exprime qu'elle ne veut pas où ne peut pas assumer à 100% son rôle de mère ; “ la femme hiérarchise ses fonctions et recompose une identité nouvelle dans une société non traditionnelle et ce sont ces nouvelles pratiques, qui doivent être à la base des politiques publiques. Dans la pratique, “les Algériens sont en avance sur le pouvoir politique, la rue est en avance et le pouvoir est conservateur”, avancera Fsian. L'autre intervenante, Kian Azadeh, Iranienne et enseignante à l'université de Paris 7, qui s'appuie sur son expérience de 14 années de travaux de terrains, estime que les inégalités sociales entre les sexes sont le fondement de l'Etat-Nation notamment en Iran, constate-t-elle et de poursuivre que “ces inégalités fondées encore par les politiques publiques viennent en fait pour maintenir l'autorité patriarcale de la société parce que ce sont des régimes non démocratiques et parce que ce sont là les bases de leur régime”. Mais malgré cela, la nécessité économique ou sociale a amené des changements bousculant les fondements même de la société telle que voulue par l'Etat et de donner l'exemple, dans son pays d'origine toujours, où “les hommes étant interdits d'enseigner dans des écoles réservées aux filles, l'Etat a été contraint d'ouvrir les universités aux femmes pour qu'elles enseignent dans ces écoles, aujourd'hui 60% des étudiants sont des femmes”. De même la nécessité économique de développer des filières et des spécialités a été comme une “contrainte” aux projets de politiques publiques en Iran. Accédant à un revenu social, les rapports sociaux ont été bouleversés. “La femme accédant à une indépendance économique, y compris dans le monde rural, du fait de l'importance de l'informel où elle est en grand nombre, lui permet d'avoir plus de pouvoir et elle participe à la prise de décision”, souligne encore l'intervenante. D'où l'importance dira Kian Azadeh que “dans les politiques publiques, l'aspect de l'emploi doit être à tout prix favorisé et ne pas se focaliser sur la religion”, et de rapporter encore comment en Iran les femmes dites laïques et islamiques travaillent ensemble pour agir sur cet aspect. Les débats ont porté notamment sur certains points comme celui de savoir s'il fallait attendre que la pratique sociale fasse bouger les lois où l'inverse. D. L