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La r?alit? de l??galit? entre les sexes ? l??preuve de la garde des jeunes enfants
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 12 - 2008

L'offre de garde des jeunes enfants demeure très restreinte, ce qui consolide les différenciations sexuées sur le marché du travail et l'assignation des femmes aux tâches éducation. Mais quand ils sont confiés à des structures collectives, celles-ci n'exercent-elles pas une socialisation différenciée ? En appliquant une division sexuelle des tâches presque caricaturale, les crèches sont au début d'une longue chaîne d'institutions qui renvoient imperturbablement les filles et les garçons à leurs rôles sexués. Nicolas Murcier, qui a enquêté dans le secteur de la petite enfance, fait le point sur les pratiques et les idéologies qui renforcent les stéréotypes de genre en crèche et ouvre des pistes pour tenter d'en sortir.
De nombreux travaux sociologiques se sont intéressés à la contribution de l'école au processus de socialisation différenciée entre filles et garçons. L'étude de la contribution de la crèche à la socialisation différenciée ne fait pas actuellement l'objet de recherches, tout comme la féminisation du champ de la petite enfance. La persistance de l'idéologie de la primauté maternelle dans le «bon» développement du tout-petit a un impact majeur sur les politiques sociales et familiales, sur les modalités d'accueil des jeunes enfants et de leurs parents comme sur l'assignation aux femmes (mères et professionnelles) de pourvoir, de façon quasi exclusive, aux soins et à l'éducation des bébés et des jeunes enfants. Cet article propose de mettre en évidence les stéréotypes de genre qui traversent les modes d'accueil et de garde pour jeunes enfants et sont largement véhiculés par les professionnels.
Une socialisation différenciée
Quelles valeurs sociales, quels habitus sont transmis aux jeunes enfants par les professionnels au travers des interactions, des relations, des soins et des activités mises en place dans la vie quotidienne en crèche ? Quels rôles sont montrés aux filles et aux garçons au sein de l'institution ? Ces derniers – tels qu'ils sont montrés, vécus, tels qu'ils sont implicitement et/ou explicitement préconisés – ne véhiculent-ils pas encore largement des stéréotypes ?
Si les professionnels disent ne pas faire de différences entre enfants, entre filles et garçons, l'observation, l'analyse des interactions adultes/enfants et des discours témoignent qu'à leur insu la prise en charge des filles et des garçons est différenciée en de nombreux domaines. Cela même si le jeune enfant accueilli est souvent appréhendé comme un individu asexué. Très tôt, les remarques sur les capacités enfantines sont différenciées selon le sexe des enfants en fonction d'attitudes et/ou de comportements attendus. Ainsi, au niveau de la motricité, un petit garçon «peu adroit» sur le plan moteur reçoit généralement davantage de remarques négatives qu'une petite fille pourtant au même niveau de développement moteur. Une petite fille jugée «agitée» reçoit davantage de remontrances qu'un petit garçon. Les petites filles sont davantage sollicitées pour faire des activités «calmes» assises autour d'une table : «Aux filles on va plutôt proposer des trucs calmes, on va leur donner des poupées, de la dînette, on va leur mettre des activités manuelles.» Les petits garçons sont, quant à eux, plus sollicités pour participer aux activités motrices : «Aux garçons, on propose plus des jeux, des activités où ils vont se dépenser, des jeux où ils vont pouvoir courir, ils en ont plus besoin que les filles.» Comme le souligne Marie Duru-Bellat : «Comme tout individu engagé dans une interaction sociale, les enseignants abordent leurs élèves avec des attentes stéréotypées ; en l'occurrence ils tendent à prévoir des succès inégaux, chez les élèves garçons et filles, dans des disciplines connotées sexuellement.» En crèche, des attentes stéréotypées sont également présentes et les propositions d'activités peuvent être différenciées : «En général, chaque matin, on propose différentes activités selon l'âge des enfants, leurs centres d'intérêts que les professionnels ont observés. Les enfants y viennent ou pas c'est selon, donc on leur dit voilà aujourd'hui ce qu'il y a en plus des différents espaces de jeux qui sont ouverts en permanence comme les coins poupées, dînette, jeux de construction, voitures ou trains. Les enfants ils viennent selon leur envie. […] Bien souvent, on les sollicite aussi. Moi, c'est vrai que cela m'arrive aussi par exemple de solliciter davantage les garçons pour les trucs moteurs.» Les activités dirigées proposées ont pour objectif de participer à l'éveil et aux apprentissages premiers des jeunes enfants. Elles ont également comme but de «canaliser» l'agitation, de réguler la dynamique du groupe d'enfants, ou autrement dit de le «gérer» : «On peut prendre un enfant pour réaliser une activité parce que ce jour il embête tout le monde, il est agité. C'est vrai que cela m'arrive de solliciter davantage les garçons pour des activités motrices, pour les faire courir afin qu'ils se défoulent.»
Un accueil des parents différencié ?
Les sociologues Thierry Blöss et Sophie Odena ont mis en évidence comment les institutions d'accueil pour jeunes enfants jouent un rôle important dans la perpétuation du partage inégal des pratiques parentales. Le rôle maternel étant survalorisé, les institutions font appel en permanence aux mères participant ainsi, pas forcément de manière consciente, à la reproduction de la division sexuelle des rôles parentaux. Le parent attendu est la mère. C'est avec elle que les professionnelles traitent, y compris lorsque c'est le père qui accompagne et/ou vient chercher son enfant. Lorsque seul le père fréquente la structure d'accueil, il est fréquent que les professionnelles échangent entre elles sur les possibles raisons pouvant expliquer «l'absence maternelle».
Panique morale autour de la pédophilie
La représentation actuelle de l'enfance comme une «espèce en danger», crée un climat insécurisant et fait émerger pour bon nombre de professionnels (mais également de professionnelles comme de parents) une incertitude quant à «la bonne et donc la mauvaise distance dans les relations adultes-enfants». Le phénomène de panique morale lié à la mise en exergue de la pédophilie et à sa mise sur le devant de la scène sociale et médiatique depuis les années 1990 a une incidence sur les pratiques professionnelles. Cette panique morale autour de la pédophilie donne lieu à la mise en place de stratégies de protection par les professionnels masculins pour mettre à distance les soupçons liés à l'exécution de certaines tâches, notamment celles de care, que requiert la prise en charge de tout-petits et vient renforcer l'idéologie de la complémentarité.
Cette idéologie justifie ainsi une répartition différenciée des tâches et des activités entre hommes et femmes en crèche : aux femmes le travail de care, aux hommes les activités ayant recours à l'autorité (représenter l'autorité, être un tiers dans la relation, socialiser l'enfant par sa confrontation à la loi et à l'altérité, encadrer une équipe, gérer un établissement, etc.) Nous avons montré que dans le champ de la petite enfance se jouent des enjeux de pouvoir avec une division sociale des fonctions entre hommes et femmes asymétrique et hiérarchisée. La féminisation massive du secteur de la petite enfance, des activités de soin et de garde des jeunes enfants s'étaie sur l'assignation sociale des femmes aux tâches requises par le travail de care : puisque celles-ci ont trait à des activités relevant communément de l'intimité familiale et des responsabilités parentales, essentiellement maternelles. L'accueil de jeunes enfants demande aux professionnel-le-s d'avoir développé une capacité suffisante de «souci d'autrui» mais également de porter intérêt aux tâches d'hygiène, de soins du corps, de réconfort, etc.Cette assignation naturalisée constitue un pilier de l'idéologie de la complémentarité entre les sexes. Les professionnels masculins se voient, explicitement ou implicitement, interdire l'effectuation, de certaines tâches (surveiller la sieste, changer une couche, etc.). Ces interdictions participent à assigner aux professionnelles tout un ensemble de tâches, généralement dévalorisées socialement. La panique morale autour de la pédophilie a pour incidence une délégation-relégation aux femmes au travail.
Il y a, donc, une inégalité conjoncturelle entre le travail effectué par les femmes et celui qu'effectuent les hommes s'appuyant sur une inégalité structurelle ayant permis «la construction pour les femmes d'un domaine d'expertise qui leur soit réservé et leur garantisse une place spéciale et indispensable à la société, […] la mise en place d'un métier : la maternité». Comme le soupçon porte quasi uniquement sur les hommes, il s'avère donc difficile pour ces derniers d'effectuer certaines tâches doublement entachées : dévalorisées et disqualifiées culturellement et socialement et source de soupçon. La délégation-relégation, aux femmes, de certaines tâches de care qui s'ensuit est soit subie, soit volontaire.
L'idéologie de la primauté maternelle portée par les professionnelles
Si les rôles parentaux font l'objet de définitions sexuées illustrées par l'implication et l'investissement différents des pères et des mères dans les soins et l'éducation des jeunes enfants, les attitudes des professionnelles qui les prennent en charge au sein des structures d'accueil et de garde, en survalorisant le rôle maternel, renforcent la partition traditionnelle des rôles parentaux. Au sein de la cellule familiale, si les femmes portent des revendications égalitaires relatives à une plus juste répartition des charges que constituent les tâches domestiques, ces dernières ne portent quasiment jamais sur la prise en charge des jeunes enfants tant elles semblent avoir intériorisé la norme de la «bonne mère» véhiculée dans la société contemporaine et intégré la primauté de leur rôle maternel sur leur investissement professionnel.
Dans les propos des éducatrices de jeunes enfants (EJE) interviewées, nous trouvons mise en avant et en valeur cette idéologie de la primauté maternelle comme celle qu'un tout jeune enfant, et a fortiori un bébé de quelques mois a avant toute chose besoin de sa mère ; d'une mère disponible, attentive à ses besoins. La crèche est, alors, objet de dénigrements, elle ne pourrait et ne saurait répondre aux différents besoins d'un nourrisson ou d'un tout-petit : « La crèche collective je ne pense pas que ça convienne à un bébé, la vie en collectivité c'est pas adapté à un petit, un bébé a surtout besoin d'une relation individuelle, d'attention […] » ; «[…] Pour moi, c'était pas pensable de le confier à la crèche, bon j'aurais pu le confier à une assistante maternelle, ça oui, j'aurais pu car c'est familial, c'est plus respectueux des besoins des enfants, il y a moins d'enfants au maximum trois, donc là j'aurais pu […] ».
Incapable de répondre de façon satisfaisante aux besoins d'un bébé, la crèche constitue alors un pis-aller pour celles qui n'ont pu faire autrement : « La crèche c'est pas le mieux pour un bébé, c'est pas ce qui correspond à leurs besoins, même la meilleure des crèches avec une équipe qui réfléchit ne peut apporter comme une mère. En même temps il en faut car il y a des parents qui ne peuvent pas faire autrement que mettre leur enfant dès deux mois en crèche, il y a des mères qui n'ont pas le choix car elles ne peuvent pas s'arrêter de travailler ou qu'elles n'ont pu le mettre chez une assistante maternelle».
Un discours négatif sur l'institution «crèche» est véhiculé sans que ne soient interrogées les pratiques dont certaines devraient être amandées.


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