Une foule de candidats courtisent les votants algériens au Royaume-Uni. Ils promettent d'être leur voix au Parlement et de rompre leur isolement. Mais leur discours sonne souvent creux dans l'esprit de beaucoup d'émigrés qui n'ont pas foi dans la mission des députés. Comme pour leurs compatriotes au pays, les élections législatives du 10 mai prochain ne constituent guère une actualité importante dans le quotidien des Algériens de Grande-Bretagne. L'éloignement accentue leur indifférence. En même temps, les piètres enjeux de ce scrutin les confortent dans l'idée d'avoir quitté l'Algérie pour les bonnes raisons. “Rien n'a changé. En Algérie, il n'y a qu'une seule bataille, celle du fauteuil”, déplore Yazid, informaticien. Il se marre en croisant sur les réseaux sociaux ou à la télévision algérienne le profil de certains candidats à l'allure d'acteurs de sitcom. Plus globalement, le casting de l'APN 2012 lui inspire du dépit. “La population n'est pas dupe. Elle sait très bien à qui elle a affaire”, explique son ami Mohamed, évoquant l'accueil mitigé, parfois hostile de certains candidats au cours de leur tournée électorale à travers le pays. En Grande-Bretagne, les candidats de l'émigration n'ont pas essuyé de quolibets mais des répliques défaitistes de la part d'Algériens, qui ont peu foi dans la mission des députés. Slimane Mohamedi le confirme à contre-cœur. Au cours d'une escale électorale en Belgique, les Algériens qu'il a eu l'occasion de rencontrer ne savaient même pas qu'une élue les représentait dans l'Assemblée sortante. “Ils ne la connaissaient pas et ne savaient même pas qu'elle existait”, fait-t-il remarquer. Selon lui, les émigrés algériens estiment qu'ils sont abandonnés et le plus grand défi consiste à leur faire sentir qu'ils ont des voix au Parlement. “Là où j'ai été, les gens parlent de hogra car personne ne défend leurs intérêts”, ajoute notre interlocuteur. De son côté, il défend les couleurs du Parti des patriotes libres (PPL), un des onze partis agréés récemment par le ministère de l'Intérieur. En endossant le sigle du PPL dans sa course à la députation, Slimane Mohamedi a fait un choix plutôt tactique que de conviction. Pour cause, ce parti comme toute autre formation, constituait son unique chance de faire approuver sa candidature par les autorités consulaires à Londres. À l'origine, il voulait concourir dans la catégorie des indépendants. Mais, selon lui, cette course était quasiment impossible à gagner en raison principalement du nombre impressionnant des signatures de validation de candidature requises. En vertu de la loi électorale, les postulants indépendants doivent obtenir au minimum 400 paraphes favorables. Les signataires devaient se présenter au siège du consulat à Londres. “Or beaucoup résident hors de la capitale britannique et ne pouvaient pas se déplacer”, note Slimane Mohamedi. Face à cette entrave du code électoral, il s'est résolu à porter la bannière d'un parti politique, prêt à l'accueillir. Ce mariage de raison semble avoir été néanmoins conclu sans un versement de dot. C'est à ses frais que le candidat PPL de l'émigration voyage en Europe pour vendre ses idées à la diaspora algérienne. Il a fait des haltes dans des villes d'Allemagne, des Pays-Bas et compte boucler son périple en Espagne. Ces pays et l'ensemble de leurs voisins du Vieux Continent représentent sans la France et avec les deux Amériques, les cantons électoraux de la zone 4 telle que désignée par un décret exécutif signé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en février dernier. Elle compte 125 854 électeurs dans 40 circonscriptions consulaires englobant 40 centres de vote et 92 bureaux d'élection. 17 listes partisanes de candidatures y ont été également recensées. Les postulants de cette zone se disputent deux sièges à l'Assemblée. La course est rude. Faute de moyens financiers suffisants, Slimane Mohamedi, par exemple, ne fera pas campagne aux Etats-Unis. Il compte sur les électeurs établis en Europe et plus particulièrement en Grande-Bretagne pour avoir une place dans l'hémicycle. Afin de les séduire, il s'engage comme ses concurrents à se battre pour la promotion de leurs droits. Le discours électoral de Mohamed Gahche, député sortant, est pratiquement le même. Il estime que les Algériens de l'étranger ont le droit d'avoir une voix au chapitre et se décrit volontiers comme leur porte-parole. Le bilan de son premier mandat à l'APN constitue sa principale carte électorale. “Des choses ont changé”, fait savoir Mohamed Gahche. En guise de satisfecit, il révèle pêle-mêle, la généralisation de l'octroi des prêts Ansej aux émigrés et la possibilité pour ces derniers de se faire délivrer au niveau des représentations consulaires certains papiers administratifs comme le casier judiciaire et le certificat de nationalité, la mise en place d'une police d'assurance pour le rapatriement des dépouilles mortelles ainsi que la réduction du coût du timbre fiscal pour le passeport. Dans sa propre circonscription électorale, les Etats-Unis, il dit avoir milité pour la localisation d'un poste consulaire à New York dont l'ouverture a été effectuée le 1er novembre dernier. Avec un tel inventaire, le député des States pensait que le FLN — dont il a rejoint les rangs après son arrivée au Parlement en 2007 comme indépendant — allait lui proposer de figurer sur ses listes électorales. Mais le parti de Belkhadem a fait d'autres choix, l'obligeant à chercher une autre chapelle électorale. Comme Slimane Mohamedi, Mohamed Gahche s'est tourné vers une des nouvelles formations politiques en lice, en l'occurrence El-Karama. C'est en son nom qu'il s'est déplacé à Londres à la fin du mois d'avril, dans le cadre d'une tournée européenne. “Les Algériens aiment qu'on les honore. Certains avaient fait le choix de l'abstention mais ils ont changé d'avis après m'avoir rencontré. Peu importe s'ils ne votent pas pour moi. L'essentiel est qu'ils participent au scrutin”, professe-t-il. Lors des législatives de 2007, plus de 60% de nos ressortissants à l'étranger ont renoncé à se rendre aux urnes. Le reste a opté pour huit députés, élus pour représenter 2 millions d'individus. “La population de certains Etats n'atteint pas ce chiffre. Nous avons un pays à l'extérieur”, remarque Mohamed Gahche. Dans une page Web — Working for you —dédiée à sa mission parlementaire, le député sortant fait valoir un tas de diplômes dont l'authenticité vient d'être remise en cause par ses concurrents dans la course à la députation. Pour sa part, il se dit victime d'une campagne de diffamation. “Il ne faut pas croire ceux qui disent que mes diplômes sont faux”, glisse-t-il à la fin d'une interview. Imperturbable, Mohamed Gahche pense qu'il dispose de tous les atouts lui permettant de retourner à l'APN. En Grande-Bretagne, comme ailleurs sans doute, les résidents algériens n'aspirent qu'à une chose. Ils veulent raffermir les attaches avec leur terre natale. Des mesures simples comme l'ouverture de centres culturels, d'écoles d'arabe et de tamazight, la réduction du prix des billets d'avion et l'ouverture de nouvelles escales d'Air Algérie et d'annexes consulaires, pourraient largement les satisfaire. S. L.-K.