Dans la marée des drapeaux qui flottaient sur la place de la Bastille, à Paris, pour célébrer la victoire de François Hollande, il y avait celui de l'Algérie. Il y a eu aussi des youyous pour lui. Et des chants algériens sur la tribune dressée spécialement pour marquer ce moment historique qui fait rentrer pour la deuxième fois un président socialiste à l'Elysée. Dans l'équipe du vainqueur, deux personnalités d'origine algérienne figurent dans son premier cercle. Fawzi Lamdaoui a été chef de cabinet. Ce Constantinois s'est retrouvé parmi les proches de Hollande, après avoir été recommandé par Georges Morin, président de l'association Coup-de-Soleil, natif aussi de la ville des Ponts, organisateur du Maghreb des livres chaque année à Paris. Comme Lamdaoui, il y a aussi Nacer Ouadah, né en France de parents originaires de Kabylie. Cet ancien préfet, congédié par Nicolas Sarkozy pour le délit d'être apprécié par les élus de gauche dans son département, était chargé de la logistique lors de la campagne. Quelle sera leur place dans le cabinet du nouveau président ? Qu'importe la réponse. Même si la politique étrangère a été la grande absente de la campagne électorale, le candidat socialiste a émis des gestes à forte valeur symbolique en direction de l'Algérie, peut-être le premier pays où il s'est rendu alors que sa candidature apparaissait désespérée. Il répondait à une invitation du FLN dont le patron, Abdelaziz Belkhadem, affirmait la semaine dernière qu'une victoire du socialiste “changera les relations” entre les deux pays. Dans une tribune publiée le 19 mars à l'occasion des accords d'Evian, François Hollande a dit vouloir “en finir avec la guerre des mémoires”. “La France et l'Algérie ont un travail en commun à mener sur le passé pour en finir avec la guerre des mémoires”, et ce, dans le but de “passer à une autre étape, afin d'affronter les défis commun en Méditerranée”. Dans ce texte publié en une du journal francophone, M. Hollande évoque “une guerre cruelle” qui “a été un moment décisif de l'histoire contemporaine”. Et il énumère la chute de la IVe République en France, l'envoi d'un million et demi de soldats français en Algérie, la mort de 30 000 d'entre eux, l'arrivée en France des pieds-noirs “arrachés à leur terre natale”, sans oublier “le massacre de milliers de harkis restés fidèles à la France”. “Entre une repentance jamais formulée et un oubli forcément coupable, il y a place pour un regard lucide, responsable sur notre passé colonial et un élan confiant vers l'avenir. Nous le devons à nos aînés pour que leurs mémoires soient enfin apaisées. Nous le devons à notre jeunesse, car le travail de la mémoire ne vaut que s'il est aussi une promesse d'avenir”, dit-il encore. S'adressant aux deux pays, Hollande évoquait “tant de choses utiles et belles à faire dans une même perspective. Celle du respect mais aussi du dépassement”. À la mort d'Ahmed Ben Bella, enterré dans le silence de la France officiel, M. Hollande a salué sa mémoire. “Cinquante ans après l'Indépendance de l'Algérie et quelques semaines après l'anniversaire des accords d'Evian, je forme le vœu que les peuples algérien et français puissent s'engager dans une nouvelle ère de coopération”, a-t-il répété. Ajoutés à une visite de ses proches à Alger entre les deux tours, ces signaux semblent avoir été accueillis avec satisfaction par les Franco-Algériens. Dans les centres de vote installés en Algérie, il a recueilli près de 90% des suffrages. En France, c'est dans les villes et les quartiers qui abritent le plus d'Algériens que Hollande a récolté ses meilleurs scores. Il y a fait mieux que dans son fief de Corrèze. Candidat du rassemblement, comme il a voulu se présenter, il a laissé à son adversaire le monopole de la dénonciation des étrangers et des musulmans. Une fois installé, son gouvernement héritera d'un dossier que n'a pas réussi à régler l'équipe sortante : la révision de l'accord bilatéral de 1968. “ça se fera dans le respect des intérêts de l'Algérie et en prenant en compte l'Histoire commune”, a assuré Mireille Le Corre, chargée du pôle immigration dans l'équipe de M. Hollande. Son arrivée est de nature à rassurer les étudiants et les familles puisqu'il refuse de toucher à l'immigration légale, comme entendait le faire Nicolas Sarkozy. Les dix années passées par la droite au pouvoir ont conduit à enterrer le “traité d'amitié” envisagé par les présidents Bouteflika et Chirac. Un échec produit par la loi sur les aspects positifs de la colonisation que la gauche n'a pas votée. L'avenir de la relation bilatérale a quelques chances d'être peint en rose. YS.