Entre partisans de Facebook et réseaux sociaux car donnant une image tendance et moderne, et ceux contre, craignant pour leurs territoires de pouvoir, donc penchant pour plus de contrôle, la donne semble tourner en faveur des premiers avec une certaine modération. Dès lors, la question n'est plus d'arbitrer entre être ou ne pas être sur le Net mais comment composer avec les médias sociaux et les TIC pour en tirer le plus large bénéfice possible. Pour Esma Aimeur, professeure titulaire, codirectrice de la maîtrise en commerce électronique à l'université de Montréal, à HEC Montréal et membre du Comité consultatif sur la protection des renseignements, “il y a bien plus à gagner en s'ouvrant qu'à essayer de verrouiller les accès en permanence”. En effet, même si l'entreprise refuse de se donner une carte d'identité et d'avoir une présence à l'ère du digital, ses employés, eux, sont bien présents sous une forme ou une autre et tout acte de leur part aussi individuel soit-il ou professionnel a des répercussions sur l'image de leur entreprise. En publiant des images et des vidéos ou en postant des commentaires, il arrive que des employés se fassent du tort. Cette situation a des conséquences, également, sur leurs compagnies. Comment, en fait, réagissent les chefs d'entreprise face à la pression des médias sociaux ? Décontextualisées a priori de la réalité de l'entreprise algérienne, ces constatations préfigurent, néanmoins, le cheminement qui attend les chefs d'entreprise algériens et les mettent à réfléchir sérieusement pour anticiper l'avènement impérieux de gouverner l'infosphère. Ainsi, dit-elle, il est de la plus grande importance de soigner son image et sa réputation sur les médias sociaux et de manière globale sur l'univers digital. Indépendamment de la politique digitale que toute entreprise doit avoir, le minimum est de faire de “la veille en permanence”. Celle-ci se manifesterait, selon Mme Esma Aimeur, “par une personne dédiée au sein de l'entreprise à la veille technologique. Une personne qui surveille et qui donne des alertes sur les propos tenus à l'égard de l'entreprise”. Petite recommandation au passage, la professeure de l'université de Montréal conseille de répondre rapidement dans le même média social dans lequel a été relevée la critique. Protégez vos actifs informationnels ! Ce qui peut paraître de l'enfantillage sur des réseaux sociaux ou autres, peut se révéler à l'ère du digital comme une redoutable arme concurrentielle. Cela exige, par conséquent, un pilotage de l'information tant pour l'entreprise que pour les individus qui la composent. “À l'ère digitale, toute personne laisse des traces numériques. Consciemment ou à son insu, tout est traçable. À partir de ce moment il faut avoir de nouveaux moyens pour gouverner ou prendre des décisions”, estime Mme Esma Aimeur. Ainsi, en raison de cette faculté de “tout retracer”, toute entité, publique ou privée, doit se protéger. Comment ? “L'entreprise doit revoir son système d'information, augmenter son budget de dépenses en matière de sécurité informatique, mettre au point une politique de sécurité informatique, faire de la prévention assez régulièrement, avoir une culture sécuritaire au niveau des employés et des dirigeants avec enfin la sensibilisation à l'importance des actifs informationnels”, souligne la professeure Esma Aimeur qui s'arrête un peu plus longuement sur ce dernier point pour faire observer l'évolution de la notion d'actif traditionnel vers des formes immatérielles mais tout aussi monnayables comme les informations sur l'entreprise, ses clients, ses fournisseurs... “Nous sommes tous sur le net. Certains plus que d'autres. On peut retrouver vos coordonnés, la réputation de votre entreprise, votre occupation, votre façon de consommer, vos connaissances, les avis que vous donnez…” Pour illustrer son propos, la spécialiste en protection des renseignements cite l'exemple du recrutement dans les entreprises nord-américaines et la relation avec la collecte des informations individuelles. En Amérique du Nord, dès qu'une entreprise envisage de recruter une personne, elle va chercher sur les réseaux sociaux ou professionnels comme Facebook, Twitter, LinkedIn pour faire une reconstitution de profil. Il y a plusieurs façons de faire. Outre, l'information gratuite, les entreprises en achètent d'autres auprès des online data brokers. Selon une étude menée sur ce thème, 91% des entreprises affirment utiliser les réseaux sociaux pour filtrer les candidatures pour savoir leur comportement, la façon de parler, les amis… Le recoupement de toutes ces informations participe à la prise de décision. Des compagnies rejettent des candidats après avoir vu leur profil-photos, commentaires inappropriés du fait, aussi, de la médisance lorsqu'ils disent du mal de leurs anciens employeurs et des compétences mensongères. Et l'exemple du recrutement peut être multiplié à l'infini pour d'autres centres d'intérêt comme la collecte d'informations sur la concurrence, le marché, les tendances… Finalement, conclut l'invitée de MDI-Alger Business School, vivre dans un monde où les innovations évoluent à très grande vitesse implique que l'employé typique d'aujourd'hui a changé et que la nature de ses tâches doit être revue régulièrement. Pendant ce temps, de plus en plus de données sont collectées et analysées, de nouvelles opportunités d'affaire apparaissent, et la compétition tente toujours d'être un pas en avant. De plus, les médias sociaux sont maintenant omniprésents dans la vie de tous les jours et les sites comme Facebook qui n'étaient autrefois utilisés qu'à des fins personnelles se sont taillé une place dans les multiples défis que doivent relever les gestionnaires d'entreprise. Par conséquent, il est important que les gestionnaires soient à l'affût des nouvelles tendances de la gouvernance en matière de TI et qu'ils puissent répondre aux nombreuses questions qu'impliquent les récentes innovations. M. Y.